POLITIQUE
Que retenir de l’examen de la proposition de loi sur les entraves agricoles au Sénat ?

À l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur les entraves agricoles au Sénat, le gouvernement a fait adopter la suppression de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs, a offert des ouvertures sur la gestion de l’eau, et proposé un amendement instaurant un plan pluriannuel de renforcement pour l’assurance des prairies.

Que retenir de l’examen de la proposition de loi sur les entraves agricoles au Sénat  ?
L’amendement proposé par le gouvernement, adopté par le Sénat, prévoit de rétablir la possibilité pour un distributeur-vendeur de produits phytopharmaceutiques. ©Arvalis

Le 27 janvier, le gouvernement s’est prononcé en faveur de la suppression de la séparation de la vente et du conseil des pesticides, ne proposant que quelques modifications à la marge du texte des sénateurs Duplomb et Menonville. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a admis que le dispositif n’a « pas eu l’efficacité escomptée », et qu’il s’avère « beaucoup trop complexe ». Dans le détail, l’amendement proposé par le gouvernement, adopté par le Sénat, prévoit de rétablir la possibilité pour un distributeur-vendeur de produits phytopharmaceutiques (une coopérative, un négoce) d’offrir un service de conseil, tout en préservant l’interdiction aux fabricants. Des précisions doivent toutefois être apportées par décret pour prévenir des cas de « conflits d’intérêts » que la ministre n’a pas précisés. À l’inverse, le gouvernement s’est opposé aux sénateurs Duplomb et Menonville sur les remises, rabais, et ristournes (3R) sur les phytos, en demandant le maintien de leur interdiction. « C’est une des lignes rouges du gouvernement », a déclaré la ministre de l’Agriculture Annie Genevard lors de la discussion générale. Dans le cadre d’une discussion plus large, le Sénat, majoritairement à droite, s’est rangé à l’avis du gouvernement. Prévue par la loi Egalim, comme la séparation de la vente et du conseil, l’interdiction des 3R est en vigueur depuis le 1er janvier 2019. Le gouvernement a également proposé un aménagement des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), en excluant du dispositif les agriculteurs et les applicateurs ayant acheté des produits à l’étranger. L’objectif est de recentrer le dispositif sur les distributeurs, à savoir, les coopératives et les négoces.

Fiscalité et le stockage de l’eau

Le gouvernement a offert des ouvertures à la droite sur la gestion de l’eau. La ministre de la Transition écologique a par ailleurs promis de construire une nouvelle « doctrine » sur le stockage, et réouvrir le dossier du financement de l’eau d’irrigation. Le gouvernement a proposé, avec l’assentiment du Sénat, une réécriture de l’article consacré au stockage de l’eau, conservant le principe de « préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement des animaux », et acceptant d’ouvrir la notion d’intérêt général majeur dans le Code de l’environnement à certains ouvrages de stockage, sous conditions. Le sénateur LR Pierre Cuypers, rapporteur de la loi, a accepté de l’adopter dans le cadre d’un accord plus large sur le texte : « Nous acceptons de remettre à la Conférence sur l’eau la question relative aux Sage, aux Sdage, et à la hiérarchie des usages de l’eau. » Rendez-vous est donc pris à la Conférence sur l’eau, dont le programme et la date n’ont pas encore été dévoilés.

Vers un plan pluriannuel pour l’assurance prairies

Les sénateurs ont également adopté un amendement surprise du gouvernement instaurant un plan pluriannuel de renforcement pour l’assurance des prairies, avec rapport au Parlement au 31 janvier 2026. Le plan gouvernemental sera « présenté à brève échéance » et devra produire « ses premiers effets sur le dispositif d’assurance dès le courant d’année 2025 ». Il visera notamment le perfectionnement et l’accroissement de la performance de l’indice. Mais il portera aussi sur l’information régulière des éleveurs en cours de campagne, une meilleure intégration de l’ensemble des aléas climatiques ou encore la simplification. En conférence de presse le 28 janvier, le président de la FNB (éleveurs de bovins viande, FNSEA), Patrick Bénézit, a dénoncé une « provocation et un engagement non tenu », ainsi que le « lobbying important de Groupama ». « On ne peut pas en rester là », a-t-il tonné, espérant que « les choses soient revues » lors de l’examen de la PPL par les députés. L’amendement du gouvernement « annule de manière pure et simple la possibilité de recours basés sur une enquête terrain », déplore-t-il. « On ne pourra pas trouver mieux que les enquêtes terrain », estime l’éleveur cantalou, qui rappelle que « les autres productions assurées y ont droit ». Et le président de la FNB d’ajouter que le sujet concerne tous les éleveurs, assurés comme non assurés, car il s’applique aussi au mécanisme de solidarité nationale. Par le biais d’une cotisation de 11 % sur les cotisations d’assurance, « les éleveurs paient une grande partie – probablement plusieurs centaines de millions d’euros – sur les 700 millions d’euros » qui financent l’assurance récolte.

MR, KC, YG Agrapresse