Transmission
Des solutions pour l’arboriculture

La chambre d’agriculture de l’Isère a organisé une réunion à Saint-Maurice-l'Exil sur les spécificités de la transmission en production fruitière.

Des solutions pour l’arboriculture
La chambre d’agriculture a réuni cédants et repreneurs d’exploitations fruitières, le 15 décembre à Saint-Maurice-l’Exil.

Ce sont de très belles exploitations arboricoles, développées par leurs propriétaires au fil des années, qui au moment de penser à la retraite se posent la question de leur transmission.
En 2018, la chambre d’agriculture de l’Isère a effectué un diagnostic de la filière fruits dans la Vallée du Rhône révélant, ainsi que l’explique Marie Mallet, conseillère consulaire, « un manque de renouvellement des exploitations » telles qu’elles sont structurées aujourd’hui.
« On observe un décalage entre la réalité des exploitations fruitières du département et la réalité des porteurs de projets », poursuit la conseillère.
Aussi, suggère-t-elle aux cédants « d’accepter de ne pas transmettre à l’identique », les exploitations étant amenées à évoluer, se transformer, de la même manière que les exploitants actuels ont eux-mêmes transformé leur exploitation tout au long de leur vie professionnelle. Alors pourquoi ne pas « faire un pas de part et d’autre » ?

« Administrativement serein »

Luc Armanet est à la tête d’une exploitation de 65 ha en polyculture céréales, arboriculture (pommes, pêches) et petits fruits à Bougé-Chambalud. Il est aussi vice-président de la plateforme Recolter.
Il y a dix ans, il a commencé à réfléchir à la transmission de son exploitation, conscient que les repreneurs ne seraient pas légion.
« On verra bien à l’âge venu », se disait-il. Jusqu’à ce que son gendre, Paul Arnaud, prenne la décision, il y a deux ans, de reprendre la ferme. 
Les deux hommes sont venus témoigner de leur parcours, le 15 décembre dernier, à Saint-Maurice-l’Exil, en présence d’autres cédants et repreneurs.
« Il a fallu galoper pout tout préparer, mais nous avons été bien aidés », reprend Luc Armanet.
Cédant et repreneur se sont notamment tournés vers le réseau Cerfrance Isère  pour ficeler leur dossier.
« Ce n’est pas un long fleuve tranquille, il faut s’y prendre bien à l’avance, recommande l’arboriculteur. Nous avons beaucoup de fermages, de DPU, il faut donc vraiment se faire accompagner pour respecter les échéances. »
Il ajoute : « Je pars à la retraite administrativement serein. »
Pour faciliter les choses, Luc Armanet a changé le statut de son exploitation, passant d’entreprise individuelle en EARL.

Capitaliser sur les atouts

Paul Arnaud, ex-mécanicien agricole, a utilisé ses droits à la formation pour passer un BPREA au lycée du Valentin à Valence, tout en engageant les démarches auprès de la chambre d’agriculture.
La DJA est destinée au rachat du matériel et à l’investissement dans les plantations, les productions qui présentent le plus d’intérêt à ses yeux.  Il reste locataire des terres qu’il n’a pas les moyens de racheter.
Le projet évolue tout au long du parcours de reprise. « Rien n’est figé », explique Paul Arnaud.
De nouvelles cultures, des serres, des installations photovoltaïques : l’exploitation est à l’aube d’un renouveau tout en capitalisant sur ses atouts, c’est-à-dire des productions sous contrat avec des entreprises locales pour la partie filière longue, des projets de transformation de fruits et le réseau Recolter pour la partie filière courte.
A cinq ans, le repreneur souhaite améliorer la vente directe ou semi-directe et à très court terme passer en HVE.
Luc Armanet reste salarié encore pour quelques semaines. « Depuis que Paul est là, je respire », reconnaît-il.

Faire des choix

Leur expérience est inspirante pour les autres participants à la réunion, à l’instar de Denis Brun, à la tête de l’EARL Vital Fruit à Ville-sous-Anjou, et de son fils Romuald.
Ex-salarié de l’industrie chimique dont il vient d’être licencié, le jeune homme a fait le choix de se reconvertir dans l’agriculture. Lui et son père s’engagent tout juste dans le processus de transmission. 
Pour Franck Jullien, à Chanas, l’horizon est moins dégagé. Il a prévu de cesser son activité au deuxième semestre 2021, mais ne sait pas encore si son fils est prêt à reprendre cette exploitation de 65 ha – dont 67 îlots – en polyculture fruits et céréales.
L’importance de la main-d’œuvre saisonnière peut être un frein à la reprise. « Ca fait peur à tout le monde », regrette l’exploitant.
Il met aussi en évidence les difficiles choix à opérer avant de céder une exploitation fruitière : replanter ou pas, ou bien encore arracher ne sont pas sans conséquence sur le projet de transmission.

Isabelle Doucet

Luc Armanet et Paul Arnaud ont témoigné de leur parcours de cédant et repreneur.

Cinq étapes pour transmettre

La chambre d’agriculture de l’Isère a publié un document spécifique à la transmission en productions fruitières.
- Etape 1 : Anticiper 
Dès 50 ou 52 ans, on commence à parler avec ses proches, à réfléchir à sa nouvelle vie et à vérifier sa situation administrative et juridique. C’est le moment de transmettre son savoir faire, mais aussi de réduire sa charge de travail tout en conservant une exploitation attractive pour le reprise. 
Etape 2 : S’informer
A partir de 55-57 ans, c’est le moment d’étudier ses droits à la retraite et de faire le point sur sa situation. Le point accueil transmission de la chambre d’agriculture permet de bénéficier d’un accueil confidentiel, personnalisé et gratuit. Un certain nombre d’informations sont à récupérer : sur les conséquences fiscales, les donations, le droit rural, de potentiels repreneurs. 
Etape 3 : Se préparer
A 57-59 ans, il est temps d’élaborer des scenarii de transmission (enfant, hors cadre, voisins) et en voir les modalités. La valeur de l’exploitation est estimée selon trois critères : valeurs patrimoniale, de reprenabilité et économique. L’exploitation peut être inscrite au répertoire départ installation (RDI) qui met en lien cédants et porteurs de projet. Le cédant peut bénéficier d’un audit de transmission pris en charge à 80% par l’Etat. Enfin, c’est le moment d’envoyer sa Déclaration d’intention de cessation d’activité à la chambre d’agriculture. 
Etape 4 : Décider
A 59-61 ans, un plan d’action identifie les démarches à engager pour le cédant et le repreneur. Les modalités de la transmission sont fixées. Le stage test permet un tuilage avec le repreneur, mais le cédant organise aussi sa nouvelle vie. Important, il présente le repreneur aux propriétaires qui auront été informés 12 mois avant. 
Etape 5 : Transmettre
Entre 59 et 61 ans, le cédant fait une demande de retraite anticipée, dépose son dossier de retraite à la MSA (4 mois avant), tandis que le repreneur dépose son dossier de demande d’autorisation d’exploiter à la DDT (6 mois avant). Le centre de formalité des entreprises est informé un mois avant et les actes de transferts (baux, vente, mutation) sont signés dans les deux mois et transmis à la MSA.