Agriculture intégrée : l'exemple suisse

Ils étaient 200 en 1989 lorsqu'ils ont décidé de lancer l'association suisse des paysans et paysannes pratiquant une production intégrée. Aujourd'hui IP-Suisse compte 20 000 membres et pèse pour un tiers du marché agricole suisse.
« Nous avons les mêmes problèmes de mise à sa juste valeur d'une agriculture durable », a affirmé Jacques Demierre, gérant d'IP-Suisse Lausanne en déplacement en Isère, à la rencontre du comité de pilotage AEI.
Cette structure permet aux produits suisses de qualité de dégager « une plus value pour le producteur et pour le consommateur ».
En presque 30 ans, le système a réussi à s'appuyer sur une gestion quasi intégrée de ses filières. « Il n'y a que les abattoirs et les moulins qui ne nous appartiennent pas », reconnaît le gérant.
Le bras armé du dispositif est son bureau de commercialisation et son propre système d'adjudication. « Si IP-Suisse n'est pas satisfait des prix, l'association se réserve la possibilité de ne pas libérer la marchandise », déclare Jacques Demierre. Ce qui change considérablement la donne.
35 mesures
Pour qu'un tel cercle vertueux s'enclenche, les agriculteurs suisses ont agi avec pragmatisme.
« Nous avons rapidement mis en place un cahier des charges parallèlement à notre démarchage économique. Le point central est la traçabilité des matières premières », reprend le gérant en insistant sur l'impossibilité de mélanger matières premières et produits d'importation.
Le logo de la Coccinelle accrédite et certifie l'origine et la qualité de la marchandise.
Pour être éligible, les produits doivent répondre aux exigences d'un catalogue constitué de 35 mesures. Un système de notation par points atteste des bonnes pratiques des producteurs.
Les mesures portent sur l'origine suisse des productions, le respect de l'environnement et de la biodiversité, le bien-être animal et une labellisation sectorielle.
Avec un total de 17 points, le producteur entre dans le socle commun.
Dès le départ, les agriculteurs suisses ont travaillé avec les associations environnementales, réfléchissant aux leviers d'action « pour avoir un effet positif sur la biodiversité dans nos exploitations et l'amélioration de nos ressources. »
Le modèle a été éprouvé scientifiquement. L'impact est mesurable. « Ce n'est pas un alibi marketing », insiste Jacques Demierre en indiquant qu'un « passage de 17 à 20 points représente une amélioration de 30% de la biodiversité dans l'exploitation ».
La chaîne de mise en valeur débute par la passation de contrats avec les producteurs, basés sur les volumes et les primes au label.
« Un an et demi à deux ans avant la récolte, nous discutons avec les acheteurs finaux pour définir quels sont leurs besoins et les qualités attendues. Nous établissons ainsi un volume qui remonte aux agriculteurs, de même que les choix variétaux », explique Jacques Demierre.
Une gestion des matières premières la plus aboutie possible permet en outre au dispositif, avec le soutien des banques, d'assurer le préfinancement des campagnes.
Des arguments pour négocier
IP-Suisse est historiquement présente sur les marchés de la viande. Elle s'est aussi développée sur celui des céréales, de la pomme de terre, du colza et des fruits.
Elle dispose également de sa propre société informatique pour développer ses outils.
Interrogé sur la question de la fixation des prix, Jacques Demierre précise que les primes représentent une bonification de 10% par rapport au prix de base du marché.
« Cela ne dérange pas IP-Suisse que le distributeur surenchérisse, mais au contraire, nous donne des arguments pour la négociation suivante ! »
Apolitique, l'association discute autant avec l'Etat que les distributeurs. Et ils sont nombreux à venir frapper à la porte de la Coccinelle.
« Nous ne sommes pas un label de niche, précise encore le gérant, le positionnement du label IP-Suisse se situe entre la haut de gamme illustré par le bio et cher et les produits bons marchés d'importation. »
Isabelle Doucet
Agriculture iséroise
Des pratiques mesurables
Alors que la Suisse capitalise près de 30 ans d'expérience de production intégrée de qualité, la France offre encore une image dispersée dont profitent les distributeurs.Au niveau départemental, Pascal Denolly, président de la FDSEA et artisan du comité de pilotage sur l'agro-écologie avec la chambre d'agriculture et JA38, croit en la pertinence du projet de pôle agroalimentaire.
L'outil sera en effet au service de ceux qui développent des pratiques à haute valeur environnementale. Son objectif est « que les pratiques soient mesurables dans les discussions entre producteurs, consommateurs et associations environnementales », à l'instar d'IP-Suisse.

« Le travail est long, ambitieux, exigeant, mais les OPA pensent qu'il mérite d'être entrepris. »
Sandra Riquet, responsable AEI à la chambre d'agriculture, expose les cinq actions phares destinées à rassembler le monde agricole autour de la valorisation des productions.
La démarche vise à réduire la dépendance aux intrants, améliorer le fonctionnement des sols et leur fertilité, améliorer l'autonomie alimentaire des élevage, favoriser la biodiversité et économiser l'énergie tout en développant les énergies renouvelables.
Le futur pôle alimentaire s'appuiera sur deux piliers. La mise en réseau entre producteurs, transformateurs et distributeurs sera assurée par la chambre d'agriculture. Un animateur est chargé de la structuration du dispositif.
Les collectivités s'engagent quant à elles à ouvrir leur commande publique aux produits locaux et à coordonner les financements, qu'ils portent sur les outils publics (abattoir, Min) ou les outils privés.
Michèle Ragache, représentante d'UFC-Que choisir en est certaine : « Si une entité comme la chambre d'agriculture discute avec la grande distribution, il est possible d'obtenir une écoute plus attentive. Vous êtes un organisme suffisamment puissant pour vous positionner et voir quelles sont les latitudes sur le marché local ».
Elle pense qu'il est possible de trouver des débouchés pour lesquels les modes de production sont garantis.
Pascal Denolly a proposé de rencontrer les coopératives Sodiaal, La Dauphinoise, Dauphidrom pour leur demander dans quelle mesure elles peuvent s'engager, en précisant qu'une démarche cible déjà Sodiaal. Place au concret.ID
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