Aire de lavage : un bon investissement en termes d'image

Rien ne l'y obligeait et pourtant elle l'a fait. La Cuma du Pays de Tullins vient d'installer une aire de lavage pour sécuriser le remplissage et le nettoyage de son matériel de pulvérisation. « Ça faisait une paire d'année que nous avions le pulvé en Cuma, raconte Pierre Gallin-Martel, nuciculteur et adhérent de la Cuma. En 2012, nous avons commencé à réfléchir à la mise en place d'une aire de lavage. Nous savions que nous pourrions obtenir des aides (1), mais nous étions surtout soucieux de ne pas balancer des produits dans la nature. » La Cuma consulte trois fournisseurs et retient la Dauphinoise, qui commence par établir un diagnostic pour répertorier les matériels de pulvérisation de la Cuma (un pulvérisateur et trois atomiseurs), estimer les volumes, les surfaces ainsi que la périodicité de traitement. Objectif : évaluer les pratiques de culture et de lavage de chaque adhérent pour dimensionner la gestion des effluents en conséquence. « Prenez deux agriculteurs et un même karcher, vous aurez deux pratiques de lavage et deux quantités d'eau différentes : ceux qui font le nettoyage au champ (ce qui est encore toléré) et ceux qui le font sur l'aire de lavage », fait observer Ghislain Bouvet, référent nuciculture de la chambre d'agriculture. Au final, le diagnostic prend en compte les besoins de 25 adhérents et table sur une capacité de stockage égale à la capacité du plus gros appareil de traitement.
Prévoyants
Mise en route au début de l'été, l'aire de lavage comprend ainsi une plateforme en béton de 10 mètres par 6 munie de rebords étanches, une potence, un réseau d'évacuation avec un système d'orientation des eaux, un système de traitement des effluents phytosanitaires de type Phytobac ainsi qu'un bac dégraisseur pour récupérer les hydrocarbures à l'aide d'un boudin déshuileur. L'approvisionnement en eau se fait à l'aide d'un forage et d'une pompe programmable. Prévoyants, les agriculteurs ont également fait installer deux poteaux équipés de lampes halogènes : « Les périodes de traitement sont de plus en plus contraintes, justifie le président de la Cuma, Eric Greffe-Fonteymond. S'il faut traiter de nuit, nous serons parés ! » Coût total de l'opération : 36 500 euros (dont 17 300 euros d'aide dans le cadre du Plan végétal pour l'environnement).
Si la Cuma du Pays de Tullins a opté pour le système Phytobac, plus coûteux que les autres, c'est parce qu'il présente l'avantage de ne pas générer de déchets, au contraire des procédés Héliosec ou Osmofil (2). Stockés dans une cuve de 3 600 litres, les effluents phytosanitaires sont en effet dégradés grâce à un « lit biologique » composé de terre et de paille, naturellement riche en bactéries. Mais pour être efficaces et détériorer correctement les matières actives, les bactéries doivent régulièrement arrosées. D'où la programmation du système qui, dix minutes chaque heure, asperge le substrat d'effluents. Tous les cinq ans, le mélange terre-paille est renouvelé, l'ancien substrat, devenu non dangereux, étant épandu comme un compost sur les parcelles.
Circuit fermé
Réservée aux adhérents de la Cuma pour des raisons administratives (3), l'aire de lavage se révèle simple et pratique à l'usage. Une fois sa machine garée sur la dalle de béton, l'exploitant bascule le système en position « phyto » et entreprend son lavage. Les eaux chargées d'effluents sont alors dirigées vers un regard tampon (en dehors du lavage, les eaux pluviales sont dirigées vers un autre réseau) et stockées dans la cuve ad hoc. Tout fonctionne en circuit fermé. « La plateforme ne sert pas qu'aux pulvé, précise Kévin Bernard, chargé de mission agro-environnement à la Dauphinoise. Le bac de dégraissage annexe permet de laver tout le matériel de la Cuma. » A deux conditions expresses : s'acquitter d'un montant forfaitaire (30 euros par an pour le lavage seul ; 80 pour l'utilisation « phyto »)... et laisser l'aire de lavage propre derrière soi. Esprit « cumiste » oblige.
Marianne Boilève
(1) Dans le cadre du Plan végétal pour l'environnement - PVE - qui est l'un des outils du plan Ecophyto 2018.
(2) Avec Héliosec, les résidus sont récupérés au fond d'une bâche, tandis qu'avec Osmofilm, ils le sont dans des saches. Les deux doivent ensuite être évacués par une entreprise sépecialisée.
(3) Pour être accessible à un plus grand nombre, l'aire de lavage devrait être surdimensionnée et passer en « installation classée », plus difficile à gérer.
Pour aller plus loin, consulter l'article de TD comparant les sytèmes Phytobac et Héliosec