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Stratégie

Arboriculture : ils contrôlent même l'atmosphère !

A Agnin, l'EARL Les Petits fruits de la forêt a entièrement été reconfigurée en direction de la diversification et de la vente directe. La conservation des fruits sous atmosphère contrôlée permet d'alimenter le marché tout au long de l'année.
Arboriculture : ils contrôlent même l'atmosphère !

Cédric et Christophe Viallet pilotent leur exploitation arboricole avec rigueur. Ils savent mesurer le juste investissement pour que leur entreprise se développe.

L'EARL Les Petits fruits de la forêt, située à Agnin, couvre une vaste production de fruits* et de quelques légumes comme les asperges et les pommes de terre nouvelles. Les récoltes s'étalent sur presque toute l'année.

L'EARL emploie cinq personnes en permanence et quinze saisonniers de mai à octobre. De la cueillette à la commercialisation en passant par le conditionnement, toutes les opérations sont réalisées en interne.
« L'exploitation a mis 15 ans à se remonter, déclare Christophe Viallet. Nous commençons à être récompensés de notre investissement. »

Alors oui, ils bossent encore 52 semaines sur 52, mais ont fait des choix stratégiques qu'ils ne regrettent pas. « Nous avons eu des soucis dus à la mévente et aux intempéries, résume Christophe Viallet, et nous sommes repartis en opérant une large diversification et en développant la vente directe. »

A l'abri

Les deux frères ont entièrement transformé l'exploitation familiale, notamment en réduisant les surfaces des vergers.

Priorité a été donnée à la couverture des cultures. Objectif : tout mettre à l'abri, y compris la vigne pour éviter le botrytis. Les 20 hectares de vergers sont recouverts de filets pare-grêle et les autres productions sont protégées sous cinq hectares de serres.

 

Les vergers sont entièrement protégés par des filets.

 

 

« Nous avons commencé par sécuriser la production. Puis nous nous sommes lancés dans le renouvellement du matériel car rien n'avait été fait depuis 2000 », poursuit l'agriculteur.

L'achat de modules de conservation sous atmosphère contrôlée (voir encadré) a débuté en 2007. En 2013, une calibreuse a été achetée, représentant un investissement de 60 000 euros.

« Nous essayons de mécaniser les postes de travail pour que ce soit moins physique et plus agréable », assure l'arboriculteur.

L'investissement suivant est une herse interrangs pour en finir avec le désherbage chimique. Ce qui représente, avec le tracteur, une enveloppe de 85 000 euros. Le prochain équipement sera une autre chambre froide.

Communiquer

Pratiquant une agriculture intégrée, les deux frères travaillent en confusion sexuelle, effectuent des lâchers d'auxiliaires, recherchent des solutions alternatives. Ils envisagent ainsi de fermer les vergers pour limiter la pression des ravageurs.

Les bonnes pratiques sont encouragées par le fait que l'exploitation se trouve en zone de captage.

A mi-chemin entre l'agriculture raisonnée et le bio, ils ne sont pas certains d'en franchir un jour le pas. « C'est beaucoup de contraintes comparé au retour que l'on peut en espérer et je ne sais pas si cela fait partie des attentes des consommateurs », analyse Christophe Viallet, qui mise davantage sur la qualité.

« Nous communiquons auprès de la clientèle et nous avons un site Facebook très visité », reprend l'agriculteur.

En juin, les exploitants organisent des animations en magasin. « Nous expliquons la lutte intégrée, mais aussi pourquoi nous utilisons davantage le bourdon que l'abeille pour la pollinisation, car il ne se perd pas dans les serres. » L'exploitation travaille avec un apiculteur qui transporte ses ruchers d'un verger à l'autre. 

27 variétés de pommes

Le modèle économique de l'exploitation repose sur la vente directe. L'EARL est associée à deux magasins de producteurs à Bourgoin-Jallieu et à Crémieu. La marchandise est aussi en dépôt dans les magasins de Cours-et-Buis et de Solaize dans le Rhône.

Quatre jours par semaine, les deux frères font ainsi une boucle de 160 kilomètres pour assurer les livraisons. Ils font aussi trois marchés.

Pour satisfaire leur clientèle, ils proposent « une panoplie de fruits », à l'image des 27 variétés de pommes, 20 variétés de pêches et 15 de cerises.

Tous les fruits sont ramassés à J-2 de la vente.

« Nous avons le consommateur tous les jours devant nous », rappelle Christophe Viallet. L'EARL dégage aujourd'hui un chiffre d'affaires d'un million d'euros « et l'EBE va de mieux en mieux » mesurent les exploitants.

Ils rappellent le soutien des fournisseurs dans les années difficiles, mais aussi des banques et du transformateur de jus de fruits. « Ils nous ont toujours fait confiance et aujourd'hui, nous payons à 30 jours. C'est une satisfaction.»

Rester compétitif

Les agriculteurs ont encore des projets plein la tête, soucieux de développer leur exploitation en accord avec les attentes du marché.

Ainsi, les 35 hectares de céréales vont être convertis en 22 hectares d'herbe, pour commencer. « Pour ne pas perdre d'argent et restructurer les terrains, indique Christophe Viallet. Je préfère être compétitif sur l'arbo et les petits fruits. »

Dans la même logique, un verger de 1,1 hectare de noyers en variété franquette a été planté il y a deux ans. Et les deux frères procèdent régulièrement à des essais comme, cette saison, sur des kakis.

Isabelle Doucet

 *fraises, framboises, cerises et autres petits fruits, pèches, abricots, poires, pommes, coings, raisin de table, melon, kiwis, prunes.

 

 

Des pommes sous atmosphère contrôlée

Vendre des pommes douze mois de l'année en conservant leur caractère qualitatif et sans injecter aucun gaz, c'est possible grâce au système de conservation sous atmosphère contrôlée.
Les fruits, pommes ou poires, sont placés dans des modules de 300 kg, où l'atmosphère est contrôlée naturellement.
Ces pallox étanches sont refermés par un couvercle équipé de membranes perméable qui permettent à la marchandise de respirer. « Le but est de ralentir le métabolisme du fruit, explique Cédric Viallet. Toutes les entrées d'air sont gérées par les membranes. »
La conservation sous atmosphère contrôlée permet de proposer des fruits toute l'année.
L'exploitation a opté depuis sept ans pour les modules Janny MT conçus et fabriqués en France.
Le principe de l'atmosphère contrôlée (AC) est de maintenir les fruits dans une ambiance comportant environ 3 % de dioxygène (O2). Une réduction de la teneur en O2 et une faible augmentation de la concentration en CO2 sont à la base du ralentissement du métabolisme sans intoxication du CO2. Cet équilibre est créé naturellement par le produit conservé.
Avant d'être placés dans le module, les fruits auront été refroidis à cœur à 1°.
Une fois les pallox fermés et mis dans une chambre froide, le contrôle peut s'effectuer avec un appareil de mesure des teneurs en O2 et CO2.
A leur sortie de module, les fruits sont progressivement réadaptés à l'air ambiant. Ils resteront bons à la vente encore pendant un mois.
« Au bout de cinq ou six mois, à l'ouverture des modules, les fruits sont comme récoltés le jour-même, d'un point de vue gustatif, d'aspect et de qualité »
, affirme Cédric Viallet.
Pour parfaire le dispositif, les variétés sélectionnées pour l'atmosphère contrôlée sont à chair ferme comme dalinette, pinky, idared ou goldrush.
L'exploitation a pour objectif de conserver 80% de sa récolte en modules. « Mais nous avons vécu des années difficiles, alors nous y allons prudemment », rappelle l'arboriculteur.