« J'ai su qu'un gros broyeur allait se vendre et de son côté, Francis était intéressé car il faisait broyer chaque année pour faire du compostage. Nous avons pensé qu'il y avait là quelque chose à mettre en place à plus grande échelle », explique Pierre Chauffray, créateur en novembre dernier de CB environnement, avec Francis Badin, éleveur en vache allaitantes à Maubec. Les deux associés rencontrent rapidement le comité de territoire Paturin et les conseillers de la chambre d'agriculture pour affiner leur projet. Soucieux de travailler avec les agriculteurs d'une part et les collectivités, ils proposent ensuite leur service à la Communauté d'agglomération Porte de l'Isère (Capi) et à la commune de Colombier-Saugnieu dans l'Est lyonnais.
L'activité de CB environnement consiste à mélanger des déchets verts et des effluents d'élevage. Elle est donc à l'interface entre les collectivités et les professionnels comme les paysagistes - dont elle trouve un débouché pour les déchets verts - et les exploitants, soit qu'ils disposent d'effluents, et/ou que leurs terres aient besoin d'être amendées. Les possibilités sont plurielles, mais l'objectif est celui d'un service de proximité dans le cadre « d'une gestion des déchets durable et économique ». Pour que cela fonctionne, l'entreprise a besoin de pouvoir estimer le volume d'effluents à mettre en face du volume de déchets verts.

50/50

Le principe de fonctionnement du système consiste en une ou plusieurs plateformes d'accueil des déchets verts pour leur contrôle, leur stockage et leur broyage, puis leur acheminement sur un bord de parcelle où ils seront mélangés à 50/50 aux effluents apportés par l'agriculteur. Sur place, le mélange observera une phase de fermentation d'environ trois semaines pour monter en température à 60°, puis de maturation. L'andain sera retourné toutes les trois semaines. Le stockage n'excèdera pas dix mois. « Lorsque la matière est dégradée, elle reste stable par la suite », explique Francis Badin. Les grandes périodes de broyage se dérouleront au printemps et à l'automne, notamment après les maïs.

Invités par le comité de territoire Paturin, une poignée d'agriculteurs ont manifesté leur intérêt pour le projet.
A raison de deux retournements et d'un épandage, il en coûterait aux agriculteurs intéressés environ 8 euros la tonne. La société CB environnement s'engage à assurer le suivi des andains et le contrôle des températures. En s'adressant aux professionnels comme les paysagistes et aux collectivités, ils s'assurent l'apport de déchets verts propres. Les collectivités, quant à elles, trouvent ainsi une filière pour évacuer leurs déchets, moyennant un coût de 100 à 105 euros par tonne.
Francis Badin et Pierre Chauffray sont bien conscients que dans ce type de service de proximité, il convient d'agir au cas par cas. « Nous regardons pour des échanges paille/fumier entre éleveurs et céréaliers, mais nous envisageons aussi des essais avec des fientes issues d'élevages hors-sol à incorporer dans des déchets verts. Nous pensons également contacter les opérateurs du méthaniseur d'Aoste pour composter le digestat liquide », expliquent-ils.

L'activité devrait prendre un réel essor à partir de l'été 2015. Le broyeur a déjà été acheté sur fonds propres assortis d'un emprunt. Le reste du matériel est encore loué. L'entreprise finalise aujourd'hui l'achat d'un retourneur d'andains.

Isabelle Doucet

Des arguments convaincants

Les deux associés présentent les nombreux avantages que les agriculteurs ont à tirer d'un tel service. A commencer par l'économie de 17 euros par hectare qu'ils peuvent réaliser en moyenne. Ce type de compost est structurant pour le sol. En absorbant les odeurs et le jus, cette pratique a un effet assainissant sur l'effluent. Les distances d'épandage sont réduites car il y a moins de volume à épandre et le complexe, qui compte plus de matière sèche et une matière organique stable, est de meilleure qualité comportant un meilleur rapport carbone/azote. Le matériel s'use moins. Les apports en calcium sont importants, ce qui améliore l'effet chaulage. Les nitrates sont un peu plus élevés, ce qui peut avoir un effet starter sur les deux premières années, mais guère plus. Sur des cultures comme le maïs, les besoins en phosphore et potasse sont couverts. Pierre Chauffray et Francis Badin multiplient les arguments massue dans l'espoir de réunir une dizaine d'agriculteurs autour de leur projet. Ils font valoir l'amplitude horaire, le choix des parcelles à la carte, le désengorgement des déchetteries une fois les professionnels sortis, la mainmise des agriculteurs sur leurs déchets, l'absence d'intermédiaire, l'intégration au plan de fumure.