Cocktail de choix pour vaches à lait

Avec un troupeau de 70 montbéliardes à nourrir, « toutes les pistes pour réduire les coûts sont à examiner ». Comme beaucoup d'éleveurs, Nicolas Perrin, exploitant en Gaec à Brezins, cherche la meilleure stratégie pour concilier efficacité alimentaire, gain de temps et maîtrise des coûts. D'ordinaire, ses vaches laitières sont nourries à l'ensilage maïs, combiné au foin et au pâturage. Mais ce jour-là, les montbéliardes du Gaec des Treize fontaines vont tester autre chose : l'alimentation distribuée par bol mélangeur tracté et désileuse automotrice à vis verticale. Organisée dans le cadre des journées Terres d'innovation de la chambre d'agriculture, en partenariat avec la fédération régionale des Cuma, cette démonstration de matériel grande nature est destinée à montrer aux éleveurs que l'innovation dans la distribution des fourrages peut permettre de gagner en qualité et en temps de travail.
Vis verticale
Si un large choix de bols mélangeurs existe sur le marché (mélangeuses à pales, à vis horizontale...), les derniers arrivés, à vis verticale, sont ceux qui rencontrent le plus de succès. C'est donc celui qui est présenté ce jour-là. Pour Mathieu Heurbize, expert machinisme de l'Union des Cuma du pays de la Loire, le succès des mélangeuses à vis verticale s'explique par le fait qu'elles sont bien adaptées aux rations fibreuses et qu'elles acceptent les balles entières. Patrick Pellerin, d'Isère conseil élevage, préconise également ce genre d'équipement : « Avec la mélangeuse, toutes les herbes passent. On peut tout faire manger aux vaches. » L'essentiel est de commencer par les produits que l'on souhaite couper (le plus court possible) et de terminer par les produits les plus fragiles, comme le maïs (pour ne pas le défibrer ni le réduire en bouillie). D'où l'importance de bien penser l'aménagement du site. « L'organisation est primordiale pour gagner du temps, avertit Mathieu Heurbize. Il faut remplir le fourrage dans le bol. Les éléments doivent donc être à disposition pour ne pas perdre de temps à aller les chercher ». L'expert rappelle également que les bols à vis verticale sont des machines plutôt encombrantes, assez lourdes. Il faut donc réfléchir à l'intérêt de bétonner les aires.
Une solution : l'achat en Cuma
Avec la désileuse automotrice, changement de dimension. La machine est autonome dans ses déplacements, efficace et de surcroît mélangeuse. Un vrai bijou. Seul problème : son coût. Le budget moyen d'un tel engin oscille entre 100 et 170 000 euros. Un investissement important pour une exploitation de taille petite ou moyenne, à moins de l'acheter en Cuma. « Dans l'ouest, le coût de revient annuel moyen par exploitation d'une désileuse automotrice en groupe est de 18 euros les 1 000 litres de lait », a calculé Mathieu Heurbize. Un coût plus que raisonnable quand on le compare au coût moyen de distribution en système classique (1) qui revient à environ 24 euros (pour 1 000 litres de lait), toujours selon les calculs de l'expert. Autres avantages de l'acquisition d'une désileuse automotrice en commun : la réduction du temps de travail, des distributions de rations de qualité, une meilleure valorisation des fourrages grossiers de l'exploitation, une amélioration des résultats techniques (meilleure productivité par unité de main-d'œuvre), une maîtrise des coûts d'alimentation et de distribution. Sans compter les possibilités de coups de main, de remplacement et les échanges sur le plan humain...
Sur le terrain, la machine n'a aucun mal à faire ses preuves. Confortablement installé dans le « cockpit » de la machine, le pilote programme le nombre de vaches pour lequel la désileuse automotrice doit préparer la ration ainsi que l'ordre de chargement des aliments. « L'important, c'est de bien respecter l'ordre, explique Mathieu Heurbize. En premier lieu, il faut mettre ce qui est à couper, puis le concentré pour être homogène, on ajoute l'ensilage herbe et on finit par l'ensilage maïs qui a le brin le plus court. » Démonstration : l'engin se dirige lentement vers le fourrage grossier. Le bras de la fraise de désilage mord à pleine dent le mélange de luzerne et de foin de prairie. Une fois le fourrage chargé, le concentré est ajouté, puis la machine repart vers les ensilages. Le mélange est ensuite brassé trois à quatre minutes avant d'être distribué aux animaux. Du bout du mufle, les montbéliardes reniflent : c'est que ça a l'air bon, ce petit cocktail de fourrages... Et non seulement c'est bon, mais en plus ça profite à tout le monde : une ration complète en un seul passage, des quantités calibrées grâce au pesage (donc moins de refus de la part des bêtes) et des bêtes mieux nourries. Résultat : plus de lait avec moins de travail. Ça donne à réfléchir. Nicolas Perrin, lui, se dit intéressé par un achat en commun. Reste à trouver les partenaires.
Marianne Boilève
(1) Pour un bol mélangeur de 11 m3, avec tracteur chargeur de 115 chevaux et tracteur distributeur de 100 chevaux.
Le choix du bon cocktail
Les techniciens d'Isère conseil élevage rappellent qu'un mélange ne doit pas être coupé trop court. La vache est l'animal du juste milieu : il lui faut des fibres ni trop courtes, ni trop longues. « L'objectif est de couper les fibres à 5 cm, et de ne surtout pas défibrer », précise Patrick Pellegrin, d'Isère conseil élevage.Pour rappel, l'objectif de hachage de la ration totale est le suivant:10 à 20% de particules de + de 2 cm20% de particules de 1 à 2 cm
20 à 30% de particules de 0,5 et 1 cmLe tamisage est nécessaire pour apprécier la ration.Pour juger de la granulométrie d'un mélange, Patrick Pellegrin préconise le « test au seau ». Dans un seau rempli d'eau, verser un litre de mélange et attendre 20 secondes. Au bout de ce temps, ce qui est tombé au fond du seau est reste au fond de la panse (amidon et les parties vertes de la plante). Ce qui flotte au dessus, à savoir la partie la plus sèche de la plante, va constituer une sorte de tapis fibreux. Ce paillage va permettre de lutter contre l'acidification de la panse, susceptible de provoquer une mauvaise digestion, et donc des troubles, surtout chez les montbéliardes.MB