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Nuciculture

Coopenoix face au retournement du marché

La coopérative, leader européen de la noix, ne cache plus la fragilité du marché bousculé par l'arrivée massive de la production chilienne.
Coopenoix face au retournement du marché

L'ambiance n'était pas vraiment à la fête vendredi 5 juillet lors de l'assemblée générale de Coopenoix à Vinay, alors que la coopérative s'apprêtait à célébrer ses 90 ans. « C'est un signe de longévité », a déclaré Yves Renn, son président, pour rappeler aux adhérents que la coopérative est toujours là, en dépit des coups du sort et de la météo.

Dans l'assemblée, les nuciculteurs parlaient d'une seule voix des dégâts causés dans les vergers par l'orage et la grêle du 15 juin, quand d'autres ont encore subi la double peine, du côté de Tullins, aussi touchés le 1er juillet.

Une météo atypique

« La coopérative a connu des aléas climatiques en 90 ans » a rappelé Yves Renn. « Elle a toujours su se redresser et elle compte sur le dynamisme de ses adhérents ».

D'autant que les marchés sont devenus difficiles. L'embellie des années 2010 semble marquer le pas.

En 2018, la noix a été payée au producteur 2,55 euros en calibre supérieur à 28 mm, contre plus de 3 euros en 2017.

Les résultats de la coopérative traduisent très concrêtement ce passage délicat.

Le chiffre d'affaires de Coopenoix s'établit à 21,4 millions d'euros en 2018 contre 28,6 millions d'euros en 2017 et accuse donc un repli de 25%(1). La récolte était quant à elle en recul de 10% pour l'ensemble du territoire avec 6 900 tonnes collectées en 2018 contre 7 500 en 2017.

« C'est la conséquence d'une météo atypique, un printemps froid et pluvieux suivi d'une sécheresse qui a favorisé l'éclosion d'une troisième génération de carpocapses », commente Yves Renn.

Du coup, l'étape du tri a été intense avec des écarts de triages importants. 

Trop de déchets

Marc Giraud, le directeur de la coopérative, est allé un peu plus loin dans les chiffres.

Le marché de la noix fraîche se contracte et devient peu porteur.

Celui de la noix sèche est en recul, de même que la collecte de cerneaux. Les résultats ne sont pas meilleurs dans la filiale CT noix.

Point positif cependant, les calibres de noix de la récolte 2018 étaient bien supérieurs à ceux attendus, avec 34% en 32/34 mm, 35% de calibre 30/32 et très peu de petites noix. « Sur huit années de récolte, il y en a eu quatre avec de gros calibres », analyse le directeur.

 

Jean-Pierre Barbier, le président du département, est venu apporter son soutien aux nuciculteurs lors de l'assmeblée générale de Coopenoix.

 

La dernière récolte a aussi été celle des déchets : avec 52% des volumes présentant un taux de déchets supérieur à 4%, le triage a tourné à plein régime. « Cela n'explique pas le retournement du marché, mais peut être un frein à la commercialisation pour une filière qui a du mal à vendre », reprend le directeur.

Sans porter de jugement sur la qualité de la marchandise livrée à Coopenoix, les responsables ont répété comme un refrain l'exigence de qualité qui permet à la noix de Grenoble de se distinguer sur des marchés de plus en plus tendus.

L'arrivée en force du Chili, qui a multiplié sa production par 8 en 15 ans, pour atteindre 160 000 tonnes, la domination de la noix américaine qui pèse 650 000 tonnes, destabilisent les habitudes commerciales et les cours de la noix qui tendent à se globaliser en tirant vers le bas. 

Indispensable qualité

Au printemps, Coopenoix a dû gérer de surcroît un stock résiduel assez important de presque 2 000 tonnes. « Heureusement, nous avons pu expédier 600 tonnes début juillet, explique Marc Giraud. Nous avons également été consultés pour mener des opérations en septembre avec des tonnages intéressants. »

Coopenoix propose aussi à certains de ses clients de ne libérer la récolte 2019 qu'au mois de novembre prochain et d'alimenter le marché en noix 2018 jusqu'en octobre 2019.

La répartition des ventes par pays n'évolue pas : 28% et 29% de la production est expédiée respectivement en Allemagne et en Italie. L'export représente 83% des ventes, les autres débouchés historiques sont l'Espagne, la Suisse et Scandinavie.

« Il est difficile de sortir d'un marché européen, explique Marc Giraud, car certains pays comme la Chine n'autorisent pas ces produits français. » Il mesure aussi les risques liées au grand export.

 

Les producteurs apporteurs à Coopenoix prennent acte du retournement du marché.

 

L'avenir de la noix de Grenoble passe immanquablement par sa qualité. « Ne donnons pas aux clients l'envie de s'approvisionner à l'importation », tance Yves Renn, face au retournement du marché. Pour autant « la coopérative fait le maximum pour un retour aux producteurs ».

Il insiste sur les labels comme une des planches de salut de la filière. Ainsi, la coopérative a pour objectif de passer de 1 600 à 2 500 tonnes de noix certifiées Globalgap, pour répondre aux exigences de la grande distribution.

« Défendre notre AOP »

La certification bio est également très demandée et bien valorisée (+25% par rapport à la noix conventionnelle).

A l'heure de replanter et de rebrocher, le président conseille de s'orienter vers la franquette, voire vers fernor pour les plus pressés en espérant que cette variété entre un jour dans le cahier des charges de l'AOP. En revanche, lara peut se faire oublier.

 

 

« La noix AOP, c'est notre différence par rapport aux importations, c'est un savoir-faire, une notoriété, une qualité et la proximité », a-t-il martelé.

« Nous devons avoir une stratégie noix de Grenoble, a appuyé Jean-Claude Darlet, le président de la chambre d'agriculture et nuciculteur. Nous devons défendre notre AOP qui a été fortement secouée. »

Il a recommandé « d'avancer groupés ». Il y va de l'économie de toute une vallée.

Isabelle Doucet

 

Marchés /

Les orientations stratégiques de la noix de Grenoble

La principale concurrente de la noix française est la noix chilienne, dont la production a flambé et qui investit les marchés dès le printemps.
La noix californienne, largement dédiée à l'exportation, se focalise pour l'instant sur le Moyen-Orient et les pays du Maghreb où elle arrive après le 15 novembre.

Ces pays producteurs imposent un nouveau tempo, de sorte que la noix française se trouve reléguée en seconde intention auprès de ses clients.
Pour faire face à cette agressivité commerciale, la noix française n'a d'autre choix que de tenir sa niche en misant sur les volumes, la qualité, la réactivité.
Triage-énoisage
Idem sur l'activité cerneaux, certes en développement, mais là aussi fortement concurrencé.
Yves Renn fait valoir l'origine France, la qualité et le rapprochement vers des clients PME et artisans.
Coopenoix est désormais équipée d'une ligne de cassage-énoisage qui lui permet de gagner en rentabilité. « Le produit de cette activité est contributeur net au chiffre d'affaires de Coopenoix, mais les volumes sont mesurés », explique le président.

 

 

(1) Le chiffre d'affaires consolidé Coopenoix+CTnoix s'établit à 26,6 millions d'euros en 2018 contre 38 millions d'euros en 2017.