Dans l'espoir de la reconnaissance de calamité agricole

Les zones les plus touchées par la sécheresse ont fait l'objet d'une enquête de terrain qui s'est déroulée lundi dernier, le matin dans le Nord-Isère et l'après-midi dans les Chambaran, en vue de la reconnaissance de calamité agricole de tout ou partie du département de l'Isère.
La commission, composée de responsables de la DDT Isère et Rhône, de professionnels et de représentants de la chambre d'agriculture a visité trois exploitations de chacun des secteurs.
Sur le plateau de Crémieu, entre Annoisin-Chatelans et Passins, les trois élevages retenus souffraient tous de la sécheresse depuis le mois de juin.
Les prix flambent
« Il s'agissait de montrer le manque de fourrage et le besoin d'affourrager les animaux depuis cet été. Les éleveurs ont utilisé beaucoup de réserves d'hiver pour alimenter les animaux dans les parcs, les stocks sont entamés et ils ne savent pas comment se réapprovisionner », indique Didier Villard, vice-président de la chambre d'agriculture.
La liste des dommages liés à la sécheresse est longue : incertitude quant au redémarrage des prairies lorsque la pluie reviendra, craintes au sujet de la rénovation des prairies au printemps, inquiétude liée aux prix de la paille et du foin qui flambent.
« Il y a une grande attente de la part des éleveurs en raison de l'ampleur de cette sécheresse, reprend l'élu de la chambre. Les difficultés se cumulent d'années en années et certains ont du mal à assumer. Le risque est de voir des exploitants décapitaliser leurs troupeaux. »
Un automne décisif
Même constat dans les Chambaran où la visite de lundi après-midi a balayé le secteur entre Saint-Antoine-l'Abbaye, Montfalcon et Chasselay.
« La situation peut être variable en fonction de l'exposition des exploitations, du type de sol et de la répartition de la pluviométrie », note Jean-Paul Prud'homme, administrateur FDSEA.
« Certains ont pu implanter des cultures de printemps, mais les rendements ont été perturbés. Pour les prairies, les périodes froides de ce printemps ont aussi eu des effets sur les rendements fourragers. Puis la canicule de cet été a entraîné un déficit chronique dans toutes les situations. D'autant que les rares averses de la fin de l'été se sont inégalement réparties. »
Jean-Paul Prud'homme dresse la même liste d'inquiétudes qu'en Nord-Isère : disponibilité des stocks fourragers, capacité de régénération des prairies et absence de repousse automnale.
« L'automne et le début de l'hiver seront décisifs. Il est possible que de jeunes prairies implantées tardivement ne puissent pas fournir de rendements corrects en 2019 », ajoute le responsable syndical.
Stocker l'eau
La visite s'est étendue aux noyeraies de coteaux, fortement touchées tant en qualité qu'en quantité de fruits.
« Ce qui pose des interrogations quant au stockage et à la disponibilité de l'eau, insiste l'ancien président de l'Association des irrigants de l'Isère. Il y va aussi de la sécurité des productions animales que ce soit en lait ou en viande. »
Là aussi, le risque est de voir une baisse des rendements en lait, voire de la fertilité des troupeaux dans un contexte où le cahier des charges de l'IGP saint-marcellin impose 180 jours de pâture.
Seules les exploitations qui ont pu avoir accès à des productions fourragères de maïs, sorgho ou luzerne ont pu atténuer leurs pertes de rendement.
L'autre alternative restant la décapitalisation du troupeau.
Décision en février
Une autre mission de terrain devrait avoir lieu dans le Sud-Isère.
Puis une commission départementale siègera dans la première quinzaine de décembre afin de valider les zonages et de faire remonter le dossier à la commission nationale.
Cette dernière statuera au mois de février 2019 sur la reconnaissance de l'état de calamité agricole du département de l'Isère ou d'une partie du territoire.
Les critères reconnus par l'administration restent une perte de fourrage de plus de 30% et de 12% des revenus.
Les cultures assurables ne peuvent pas être prises en compte au titre des dégâts liés à la calamité.
Pour autant, la question du maïs ensilage mérite d'être posée : « Entre-t-elle dans le calcul en tant que fourrage ? Fait-elle partie des cultures indemnisables ? », interroge André Coppard, élu à la chambre d'agriculture.
Des aides attendues
D'ici le mois de décembre, la chambre d'agriculture complètera les enquêtes de terrain par d'autres éléments d'information.
Si la reconnaissance de calamité agricole pour les pertes liées à la sécheresse est admise, alors elle donnera un cadre juridique à la mise en place de mesures comme des aides directes ou indirectes, généralement une exonération de la TFNB (taxe foncière sur les propriétés non bâties) - mais pour 2019 - , ou bien un report de cotisations sociales, des aides régionales etc.
En attendant, les agriculteurs scrutent le ciel et espèrent les 20 mm de pluie prévus pour cette fin de semaine qui pourraient sauver les semis d'automne.
Isabelle Doucet