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Nuciculture

Du p'tit bois pour sécher les noix

Pour réduire leur facture énergétique, Olivier et Armand Gamet, nuciculteurs à Chatte, ont investi dans une chaudière à bois déchiqueté qui leur permet de recycler leurs déchets d'élagage... et réduire leur consommation de gaz de moitié.
Du p'tit bois pour sécher les noix

La « bête » est prête à tout avaler. Ou presque. Mise en route à l'automne 2013, la chaudière automatique des frères Gamet, nuciculteurs à Chatte, fait feu de tout bois. Elle fonctionne aussi bien avec des plaquettes séchées que du châtaignier en latte, des coupes de noyer déchiquetées... ou des coquilles. Une gloutonne multicombustible qui, en échange de sa pitance (110 m3 de plaquettes pour la saison 2013), « crache » de quoi sécher la production des deux exploitations, soit 80 tonnes de noix. Certes, même en année normale, l'installation ne suffit pas pour alimenter les trois tours de séchage des deux exploitations : il faut compléter avec du gaz (2 123 kg en 2013, soit 1 911 € pour 78 tonnes de noix). Mais le jeu en vaut la chandelle, la consommation de gaz ayant été réduite de près de 50 % (4 113 kg de gaz en 2012 pour 110 tonnes de noix) et le combustible étant produit en abondance sur place (coupes et bois d'élagage).

100 KWh pour trois séchoirs

Reste à choisir la bonne puissance, quitte à être en surcapacité pour les autres usages que le séchage des noix. « Il nous fallait au moins une puissance de 100 KWh pour les trois séchoirs, explique Olivier Gamet. La chaudière a tourné à plein jour et nuit pendant trois semaines, puis elle a été en sous régime tout l'hiver : 35 KWh auraient suffi pour chauffer la maison. »  Un surdimentionnement comparable à la plupart des matériels agricoles, justifie l'exploitant : « C'est comme une batteuse qui ne sert que l'été et reste sous le hangar le reste de l'année. »

Quel bilan après une première campagne de séchage ? En raison des conditions climatiques très défavorables de l'automne 2013, les économies réalisées ne s'élèvent qu'à 1 250 euros la première année. Au vu des 52 000 euros d'investissement (dont 20 500 euros d'aide au titre du « Plan de performance énergétique »), la rentabilité n'est pas encore à l'ordre du jour. Mais les estimations envisagent une économie de 2 500 à 2 700 euros en année « normale » et sur une « durée théorique d'amortissement » de 11 à 14 ans, chiffres qui peuvent évoluer en fonction des aléas du marché du gaz... Rappelons qu'en moyenne, les exploitations nucicole consomment de 60 à 80 kg de propane par tonne de noix séchées, en fonction des équipements et des conditions climatiques. Le prix du gaz ayant augmenté de 63% depuis 2005, les exploitants avisés ont tout lieu d'étudier comment réduire leur consommation.

Autoconstruction

Chez les Gamet, la réflexion a démarré en 2012. Après un diagnostic énergétique réalisé la chambre d'agriculture (coût : 1 000 euros, subventionné à 50%) et une demande d'aide, accordée en décembre, les travaux démarrent au printemps 2013. Les nuciculteurs en réalisent une partie eux-mêmes, à savoir la conversion de l'ancien séchoir à tabac en aire de séchage et de stockage pour le bois déchiqueté, le silo de stockage pour alimenter la chaudière, la chaufferie (16 m2), ainsi que les tranchées nécessaires à l'enfouissement du réseau de chaleur à 80 cm de profondeur. Pour le reste, les exploitants ont fait appel à des professionnels (coût de la chaudière, de l'extracteur et de la vis sans fin : 30 000 euros ; réseau de chaleur : 9 000 euros ; installation : 13 000 euros).

Les aérothermes des tours de séchage.

Une fois installée, la chaudière fonctionne toute seule. Il suffit de la démarrer et c'est parti ! Alimentée automatiquement en copeaux, la machine chauffe un fluide caloporteur à 70 °C, qui est envoyé dans le réseau de chaleur, lui-même protégé par 10 cm d'isolant : il y a donc peu de perte de chaleur dans le réseau. Le problème se situe en sortie, au niveau du hangar, ouvert à tout vent, où se situent les aérothermes des tours de séchage. « Lorsque nous avons placé un thermomètre au niveau des ventilos, la température était tombée à 40 °C : nous avions perdu 60 % de la chaleur de départ. » Avant la prochaine campagne, les frères Gamet vont donc améliorer leur installation en construisant un caisson en bois autour des aérothermes pour contenir l'air chaud et l'assainir avant de le renvoyer dans les tours de séchage.

Pas de copeaux humides

Si les nuciculteurs se disent satisfaits du système et des économies substantielles qu'il leur permettra de réaliser à l'avenir, ils soulèvent certains points de vigilance. Le premier a trait à la quantité de bois sec disponible : « La chaudière peut tout avaler, mais il faut faire attention à l'humidité du combustible. » Comme les Gamet avaient pas mal de bois d'avance, ils n'ont pas eu de problème au cours de leur première campagne de séchage. « Celui qui n'a pas de stock prend un mauvais départ, prévient Olivier. Il ne faut pas vider les copeaux humides, à peine broyés, dans la chaudière. Ça colle à la vis et on risque les mauvaises surprises. » Les constructeurs préconisent d'aménager une aire de stockage pour faire sécher le bois déchiqueté pendant six mois à un an avant de l'utiliser. Chez les Gamet, c'est un prestataire qui vient pour broyer les branchages au bord des vergers (5 euros HT le m3 de copeaux). Le bois déchiqueté est ensuite entreposé dans l'ancien séchoir à tabac, consolidé pour l'occasion : «  Attention, quand on entasse d'aussi grandes quantités avec un chargeur ou un tracteur, ça pousse », préviennent les nuciculteurs. Le tas, qui fait 9 mètres de large sur 4,5 de haut, exerce une importante pression sur la structure. « Les poteaux ont beau être ancrés dans le béton, ils ne sont en effet plus aussi droits qu'avant... », sourit Olivier qui poursuit : « Durant les semaines qui suivent, le tas de copeaux se met à chauffer et à fumer. Il ne faut pas avoir peur que ça prenne feu : c'est de la vapeur... »

Les copeaux broyés sont stockés dans le silo de l'exploitation.

Enfin, les nuciculteurs recommandent de veiller à la taille du broyat. En effet, les copeaux stockés dans le silo sont brassés par deux pales qui les dirigent sur la vis sans fin alimentant la chaudière en combustible. « Attention à la dimension des copeaux, conseille Olivier Gamet. Si un morceau est trop gros, ça bloque à la sortie, au niveau de l'écluse. Un couteau essaie de recouper le morceau. S'il n'y parvient pas, ça bloque tout et la chaudière se met en veille. Il faut alors intervenir et décoincer le morceau en accédant par la trappe de visite. » Pour le reste, ça fonctionne tout seul...

 

Marianne Boilève
Pour mémoire, 10 000 KWh équivalent à
- 1 000 litres de fioul
- 780 kg de propane
- 880 m3 de gaz naturel
- 10 m3 de plaquettes (2,5 tonnes)