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Europe

Faire de Lans le creuset de la PAC

Le Vercors saisit sa chance d’être un territoire d’expérimentation pour la prochaine PAC en accueillant, ce jeudi 22 juin, le Global Food Forum, journée de réflexion sur la durabilité des zones rurales.
Faire de Lans le creuset de la PAC

« Le territoire et le massif du Vercors n’ont de sens que s’ils sont assis sur une base agricole et rurale et que cette dimension est visible », énonce Jacques Adenot, le président du Parc naturel régional du Vercors élu en octobre 2016.

C’est lui qui a porté l’idée d’organiser le Global food forum à Lans-en-Vercors.

Vouloir faire vivre un territoire, c’est bien ; en avoir les moyens, c’est mieux. « Le premier défi à relever a été d’aller chercher des fonds à Bruxelles », reprend le nouveau président.

Avec François Rony, alors président de l’Apap (1), ils intègrent vite les codes européens, rencontrent les bonnes personnes.

Les vertacomicoriens comprennent que « la refonte de la règlementation concernant les territoires difficiles » peut être un thème porteur.

C’est opportunément la matière sur laquelle le think tank Farm Europe travaille. Son mode opératoire : l’organisation de conférences brain-storming dans les territoires, de manière à faire avancer les idées partagées par le terrain et les politiques.

Non seulement le sujet « Quelle politique pour une agriculture dynamique, au cœur des territoires » pouvait être débattu dans le Vercors, mais en plus il y avait de grandes chances pour que la matière récoltée trouve un écho à Bruxelles.

Un rôle pluriel

En effet, le forum devrait se pencher sur les outils dont la future PAC pourrait se doter pour que le modèle agricole « des petites structures à vocation nourricière animant des circuits courts et poursuivant son rôle d’aménagement du territoire » soit reconnu et pris en compte par Bruxelles, indiquent les organisateurs.

A travers les trois thèmes (2) traités durant cette journée, Jacques Adenot, invite à « raisonner différemment : non pas en termes d’aides ou de subventions -  ces termes sont impropres et  il faut les remplacer par indemnités compensatoires, sinon, cela met les personnes en position d’humiliation -, mais raisonner en termes de contrat ».

Le président du parc ajoute : « Le contrat est passé entre les producteurs et les consommateurs ainsi que l’ensemble des intermédiaires, afin qu’ils puissent s’engager sur des éléments qui leur permettent de vivre. »

 

Jacques Adenot, président du parc naturel régional du Vercors.

 

Et cela passe par la reconnaissance du rôle pluriel de l’agriculteur, gardien de la biodiversité et des paysages, protecteur de l’environnement, des espaces et des espèces, aménageur du territoire, autant de casquettes qui permettent à l’économie et au tourisme d’un territoire d’exister.

« L’agriculture ne fait pas que de l’agriculture », martèle Jacques Adenot. Pour autant, ces fonctions-là ne sont guère valorisées.

Une autre chose irrite le président du parc, c’est quand l’Europe remet en cause la notion de label et plus particulièrement celle de bio.

Le risque ? « La destruction de l’agriculture européenne qui fabrique des produits de qualité, porteurs de sens », insiste le président du parc. Le Vercors, avec ses signes de qualité, aurait beaucoup à perdre.

Maître de ses choix

Pour préparer le forum, les élus du Vercors, épaulés par l’Apap, ont rencontré les exploitants agricoles du territoire afin d’entendre leurs attentes.

A commencer par la volonté de vivre de son métier. La question d’un revenu sécurisé est souvent avancée. « Il doit permettre à chacun de choisir ce qu’il veut faire », indique Jacques Adenot. Un revenu décent, c’est aussi la possibilité de se prémunir contre les risques.

Garder la tête haute, être maître de ses décisions, être reconnu dans son rôle, avoir une visibilité pour se projeter dans l’avenir et prendre des décisions en peine connaissance des règles du jeu, pouvoir passer un contrat avec tous les acteurs de la filière : tous ces souhaits font montre de l’extrême fragilité du modèle agricole.

A cela s’ajoute « un discours environnementaliste qui n’a pas évolué avec clarté », estiment les agriculteurs qui veulent « remettre du bon sens et de la logique à tous les niveaux ».

Jacques Adenot rappelle que « la petite agriculture rassemble 90% des agriculteurs ».

De nouvelles façons de faire

Territoire de montagne, zone intermédiaire, le Vercors a sûrement beaucoup à voir et beaucoup à dire avec le canevas de la future PAC pour les territoires de montagne.

C’est la raison pour laquelle l’histoire ne s’arrêtera pas à cette journée du 22 juin.

« Le Global Food Forum va amener des propositions. Mais l’Europe autorise aussi de mener des expérimentations et nous allons déposer un dossier pour le territoire du Vercors, voire l’étendre aux autres parcs ou aux autres territoires de même nature », annonce le président.

L’intérêt du Vercors réside dans la présence de toutes les filières, dont beaucoup ont encore besoins de se développer « en prenant appui sur ce qui marche. Il faut trouver de nouvelles façons de faire pour mieux valoriser l’agriculture », déclare Jacques Adenot.

Les résultats obtenus devraient permette de faire évoluer la règlementation pour les territoires de montagnes et les zones fragiles.

« Nous sommes honorés de la tenue de cet événement », affirme pour sa part Patrick Girard, le président de la communauté de communes du massif du Vercors.

La collectivité a d’ailleurs depuis longue date compris l’intérêt de soutenir les filières en répondant toujours présente pour accompagner le projet de Vercors lait.

« Les efforts politiques au niveau des territoires ne font pas tout. Il faut rebattre les cartes, en rediscuter au niveau supra national, c’est-à-dire au niveau européen ».

Il rappelle le rôle des élus : être à l’écoute des problématiques territoriales et des exploitants agricoles. « C’est un secteur en pleine mutation », indique l’élu qui propose « de s’emparer des problèmes de cette profession ».

Le Global Food Forum en est un moyen.

Isabelle Doucet

 (1) Apap : Association pour la promotion des agriculteurs du Parc du Vercors

(2) Voir programme

 

Global Food Forum : un programme chargé

Le Global food forum est organisé par le think tank Farm Europe.
La journée du 22 juin, qui se déroulera au Cairn à Lans-en-Vercors est placée sous le thème : « Dynamiser la durabilité économique et environnementae des zones rurales et en particulier des zones agricoles fragiles et intermédiaires ».
De nombreuses personnalités sont annoncées : Phil Hogan, commissaire européen, Michel Dantin, député européen, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, Herbert Dorfman, député européen, Massimiliano Giansanti, président de la Confagricultura et du Global Food Forum. Un ministre français serait aussi attendu.
Jacques Adenot, président du PNR du Vercors ouvrira la forum à 11 heures.
A 11h15, la conférence introductive aura pour thème : Brexit, budget, réforme : l’heure de vérité pour la PAC.
La matinée sera clôturée par Michael Kraemer, maire de Lans-en-Vercors.
L’après-midi sera consacré aux trois ateliers thématiques :
- Durabilité économique des zones intermédiaires
- Organisation de filières : repenser l’action territoriale de la PAC pour plus de valeur ajoutée
- Durabilité environnementale : quelles réponses crédibles en zones économiquement fragiles ?
A 16 heures, après la restitution des ateliers, Phil Hogan clôturera la journée du GFF.
Un calendrier
2017 : définition des thématiques
2018 : expérimentations
2020 : propositions pour la nouvelle PAC

 

 

 

Agriculteurs du Vercors

« Regarder l'agriculture d'un autre œil »

« Fervent européen », comme il se qualifie, François Rony, éleveur à Saint-Nizier-du-Moucherotte et ex président de l'Apap, est à l'origine, avec Jacques Adenot, de la venue du Global Food Festival dans le Vercors.
A travers cet événement, c'est une invitation « à regarder l'agriculture d'un autre œil » explique l'exploitant.
Il invoque la lassitude du monde agricole « d'être à la merci de subventions, car cela ne correspond pas à la façon de faire notre métier et véhicule une image dégradante. Il faut réfléchir autrement et commencer par nous rémunérer pour le travail que l'on fait déjà, sur le plan environnemental, social et économique. »
(encadré)
François Rony, agriculteur et artisan de la venue du Global Food Forum dans le Vercors.

Il ajoute : « C'est une nouvelle mise en musique d'une expérience menée par le parc depuis 47 ans. Cela a toujours été le rôle du PNR du Vercors d'innover. »
De ses précédents engagements, François Rony a eu l'occasion de se rendre plusieurs fois à Bruxelles. Il connaît le député européen Michel Dantin et parle « d'un concours d'opportunités » et de « la force du réseau ».
Pour François Rony, ce forum représente « une chance », celle d'être force de proposition et de faire entendre la voix des territoires intermédiaires.
Il participera d'ailleurs à l'atelier dédié à ces zones qui, à l'image du Vercors ont leur spécificité : pluriactivité, transformation, filières courtes « et une grandes adaptabilité ».
Il insiste « c'est un territoire exceptionnel pour ce genre d'expérience dans la mesure où toutes les filières sont représentées ».
Au centre des débats, cette PAC dont « le système ne satisfait plus personne ». Il souhaite que l'agriculture de montagne y soit traitée avec ses spécificités.
« Le commissaire européen Phil Hogan aura les remontées, assène-t-il, mais les problèmes viennent de l'Etat français. »
Il rappelle les propos de Michel Dantin selon lequel « la France n'a pas fait son travail sur la PAC précédente et brille par son incompétence sur la nouvelle ».
Paul Faure, qui est à la fois éleveur, élu et président de Vercors lait, met aussi en avant le Vercors et ses spécificités.
Il devrait recevoir Phil Hogan sur son exploitation et lui montrera que Vercors lait est un système qui fonctionne « même si notre coopérative a été longue à démarrer ».
Mais il le répète, dans le Vercors, « tout le monde est derrière tout le monde et a envie que ça réussisse ».
Pour autant, l'exploitant fait part de ses attentes en matière de simplification de la PAC, d'allègement des normes et de soutien aux filières.
ID

 

 

Lire également :

- L'interview de Luc Vernet, cofondateur de Farm Europe : Une approche responsable de ce que peut faire la PAC