Il ne faut pas forcément arriver sur l'alpage plus tôt

Qu'est-ce que le projet européen Pastoralp/LIFE Climat* « Stratégies d'adaptation des pâturages face aux impacts du changement climatique dans les Alpes » ?
Ce programme vise à apporter des bases scientifiques objectives et des solutions face aux changements que vivent les pâturages en raison de l'évolution du climat.
De quelle façon travaillez-vous ?
C'est un groupement pluridisciplinaire qui implique huit structures : l'université de Florence, l'Institut de recherche agronomique du Val d'Aoste, les laboratoires français Inra, Irstea et CNRS, en collaboration avec deux parc nationaux, le parc des Ecrins et Grand Paradis en Italie, lesquels disposent de personnels techniques qualifiés pour mettre en place des actions de terrain. Elles ont pour but de valider scientifiquement le changement climatique par des relevés sur la végétation et météorologiques dans les alpages.
Le programme, lancé en 2017, court jusqu'en 2021 et nous a déjà permis d'obtenir des observations durant deux saisons de végétation.
A quoi cela va-t-il servir ?
L'objectif est de tester des modèles et de faire rejoindre la méthode.
Nous menons des expériences et nous testons des solutions pour répondre à la vulnérabilité liée au changement climatique.
C'est un programme de connaissance dont les résultats seront destinés à être utilisés par tous les acteurs pastoraux.
Dans le parc des Ecrins, nous avons deux alpages tests situés dans les Hautes-Alpes où les éleveurs sont volontaires et partenaires, d'autant qu'ils sont déjà impliqués dans des réseaux comme les Alpages sentinelles.
Quels sont les constats préalables dressés par les scientifiques ?
Des changements sont observables à court terme sur la maturation de la végétation qui s'opère de façon plus précoce.
Cela influe sur le moment où les animaux pâturent, mais aussi sur la qualité du pâturage. Celle-ci évolue selon une courbe en cloche et, l'animal retire un maximum de bénéficie du pâturage en haut de cette courbe.
Mais si ce moment arrive de plus en plus précocément, cela pose des problèmes de gestion du troupeau dans l'alpage.
Existe-t-il des solutions pour faire face au changement climatique ?
Elle sont connues et identifiées par les éleveurs.
Jusqu'à présent, il s'agissait de solutions empiriques comme la création d'impluviums pour faire face à la baisse de la ressource en eau accessible.
En revanche, peu d'éleveurs modifient la conduite de leurs troupeaux, ce qui sera sans doute une nécessité dans l'avenir.
Que nous apprennent les travaux qui ont été présentés début août à Gap ?
Les constats dressés dans les deux parcs sont conformes aux prévisions.
On établit une cartographie homogène de la végétation pastorale dans les deux parcs, en Italie et en France.
L'intervention d'équipes pluridisciplinaires, notamment des sociologues ou des économistes qui conduisent des entretiens avec les éleveurs, a permis de considérer que la solution des pâturages peut se trouver à l'extérieur du pâturage, par exemple à l'échelle de l'exploitation avec une réflexion sur l'autonomie fourragère.
Quelles sont les préconisations à l'issue de ce bilan à mi-parcours ?
D'abord, il ne faut pas forcément arriver sur l'alpage plus tôt, même si cela paraît contre-intuitif et que la date optimum de maturité de végétation arrive plus précocément.
Car la courbe de maturation grimpe très vite et il n'est pas intéressant d'arriver sur une estive pour n'obtenir que peu de résultats nutritifs tout en aggravant les conséquences sur la végétation.
Les réactions empiriques ne sont pas forcément les bonnes.
Quelle est la prochaine étape ?
Nous organisons des ateliers tous les ans, qui réunissent une vingtaine de personnes des structures du programme.
L'an prochain nous nous réunirons dans le Val d'Aoste en Italie.
Propos recueillis par Isabelle Doucet
*Programme financé à 70% par l'Europe, puis les régions Paca et Val d'Aoste.