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Travaux forestiers

L'arbre, seule victime de la tronçonneuse

La prévention des accidents liés aux travaux forestiers relève d'un rappel régulier des gestes pratiques face à un arbre à abattre, mais aussi des règles liées au matériel utilisé.
L'arbre, seule victime de la tronçonneuse

L'accidentologie en forêt est importante. C'est pour cette raison que le groupement de sylviculteurs de Belledonne (GSB) a organisé une journée de sensibilisation des propriétaires sylviculteurs à l'abattage d'arbres.
« Il faut prendre du temps pour regarder la configuration de l'arbre et ses alentours, indique Guy Rebuffet, membre actif du GSB et bûcheron expérimenté. La réflexion avant l'action permet de trouver la logique opérationnelle adaptée à chaque arbre. »

Une zone d'intervention propre

L'état du bois, la taille de l'arbre, les déséquilibres dans sa ramure donnent des indications dont il faut tenir compte. Mais son environnement également. La présence d'arbres proches, de branches qui vont barrer la chute, d'un taillis sur la trajectoire sont autant d'éléments gênants. « Un arbre commencé doit être fini avant de partir de la parcelle », insiste-t-il. D'où l'intérêt de l'examen de proximité qui va permettre de dégager le mieux possible le passage lors de la chute. Car tout arbre retenu avant son arrivée au sol peut être dévié de sa course ou créer des tensions sur lui-même ou un congénère, toujours source d'accident.
L'abattage proprement dit doit s'articuler autour de la fameuse charnière créée lors du sciage du tronc. « C'est elle qui va guider l'arbre dans sa chute jusqu'à ce qu'elle casse, rappelle le bûcheron. Elle doit donc être parfaitement orientée, placée entre un quart et un tiers du diamètre et suffisamment large pour résister le temps qu'il faut. » Son épaisseur doit être de 3 à 5 cm, davantage si l'arbre est gros.

Charnière orientée

L'encoche bisautée pratiquée à l'origine va conditionner la direction de la chute. Il ne faut donc pas rater son orientation. Un geste particulièrement astucieux consiste à vérifier la bonne direction en tournant le dos au tronc et en mettant les deux mains au niveau des extrémités de la fente. Le regard se portera alors là où devrait tomber l'arbre. Une rectification est encore possible à ce moment-là.
L'entaille arrière, décisive, doit être pratiquée environ deux centimètres au-dessus du bas de l'encoche afin de faire porter le poids vers avant. Le tracé prévu de l'entaille peut être marqué à la craie ou à la tronçonneuse afin de faciliter le guidage.
Guy Rebuffet donne une méthode qui demande un bon tour de main mais permet de travailler en minimisant au maximum le risque de coinçage de la tronçonneuse en cours de coupe. Cette technique exige une chaîne parfaitement affûtée. Il s'agit de rentrer parallèlement avec le guide chaîne jusqu'au cœur du tronc, puis de pivoter la lame d'un quart de tour vers l'arrière. Ainsi, le tronc est déjà coupé au trois quart mais l'arbre se soutient lui-même et n'exerce que peu de pression sur la lame. Un coin est placé dans ce premier quart afin de garder l'épaisseur du trait et éviter tout blocage. Ensuite, on termine le demi-tour tout en préservant la charnière. En cours, un deuxième coin (aux deux tiers) peut être enfoncé pour sécuriser l'opération. Une fois terminé, on dégage la tronçonneuse et on enfonce les deux coins à la masse. L'arbre bascule avec le minimum de risque pour l'opérateur. Cette méthode est très utile pour les gros arbres ou pour les essences à problèmes telles les châtaigniers ou les hêtres qui peuvent présenter de fortes tensions internes dans les fibres de leur tronc. Le fait de couper progressivement de cette manière permet d'utiliser les propres fibres de l'arbre contre les tensions. Le risque de fentes est également réduit.

Jean-Marc Emprin

Encadré

Matériel / Un équipement bien entretenu permet de minimiser les conséquences d'une défaillance de l'opérateur ou de la machine.

Prévention : il n'y a pas que le geste

La prévention des accidents n'est pas qu'une question de savoir-faire dans l'abattage. Un bon équipement de prévention individuel (EPI) est nécessaire selon Pascal Guillet, technicien du CRPF, ancien formateur en prévention sylvicole. Le pantalon de sécurité comportant une dizaine de couches de fils, un casque homologué, une visière pour protéger les yeux, un casque pour les oreilles, des chaussures solides montantes et crantées, des gants pour amortir les vibrations sont autant d'équipement qui représentent un réel investissement, mais en la matière il n'y a pas de petites économies : la santé de l'opérateur doit être préservée à tout prix. Mais attention au pantalon déjà entaillé (3 couches de fils maxi, sinon il faut le changer) ou à la date de péremption du casque (elle est notée à l'intérieur).
Côté machine, l'état de la tronçonneuse est à surveiller. Les engins récents comportent des dispositifs de prévention anti-vibration pour protéger les troubles articulaires ou liés à la circulation sanguine, un doigt anti-retour de chaîne ou une protection large sous la manette. Le frein de chaîne est systématiquement monté sur le protège-main gauche. « La manipulation de l'outil ne doit pas se faire au-dessus de la ligne des épaules, indique Pascal Guillet, sinon il y a risque d'accident grave et de fatigue rapide. » Le démarrage doit toujours être réalisé avec deux points d'appui, et non à la volée comme de trop nombreux professionnels le font.
L'attaque du bois est totalement proscrite avec le quart supérieur du nez de la lame : rebond garanti !
La tension de la chaîne est à surveiller. Pas plus de trois maillons sortis du guide-chaîne. Les dents doivent être affutées régulièrement et le limiteur de profondeur (maillons entre les dents gouges) abaissé à la lime de temps en temps pour ne pas gêner le travail des premières. Attention également aux bavures éventuelles présentes sur le guide : elles empêchent de rentrer dans le bois.
JME