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Journée de l'herbe

L'herbe, une culture montagnarde en partage

En lançant la première Journée de l'herbe en Isère, début avril, le parc de Chartreuse et ses partenaires ont amorcé une dynamique qui pourrait aboutir à une nouvelle forme de coopération intermassif autour de la valorisation des prairies.
L'herbe, une culture montagnarde en partage

Le 9 avril, une petite graine a été semée sur les pentes de l'Earl des Crêtes, à Merlas. Dans la terre et dans les têtes. Préparée depuis de longs mois par le parc de Chartreuse et ses partenaires (1), cette première Journée de l'herbe pouvait, aux yeux des visiteurs, passer pour une sorte de salon de l'herbe à ciel ouvert, avec stands et démonstrations de matériels de hersage ou de sursemis. Mais elle fut, discrètement, bien plus que cela. Certes, la plupart des étudiants et agriculteurs n'avaient fait le déplacement que pour les « séquences sursemis et entretien mécanique ». C'est le cas de Maxence, 18 ans, en terminale CGEA à la MFR de Chatte, qui s'intéresse au renouvellement des prairies et à la technique du sursemis sans labour. Au même titre que cet éleveur de Saint-Marcellin venu voir les matériels en démonstration (semoir simple, semoir prairial et semoir direct polyvalent), « parce qu'avec la nouvelle Pac, certaines prairies ne pourront plus être retournées », alors qu'il est « habitué à « refaire [ses] prairies en les labourant ».

 

Journée le l'herbe en Chartreuse : un éleveur de Belledonne (Isère) se renseigne sur le projet Alp'Grain de l'Irstea.

Diagnostic prairie

Mais cette journée offrait bien autre chose. Certains l'ont perçu, les autres n'y ont guère prêté attention. « Nous sommes là pour donner aux éleveurs les moyens de gérer une problématique à l'interface entre pression environnementale et pression agronomique », indique Robinson Stieven, technicien à la chambre d'agriculture. Avec Fabien Faugeroux, son homologue de Savoie, le technicien est venu animer un atelier sur le « diagnostic prairie ». Une intervention à deux voix pour apprendre comment valoriser au mieux les prairies naturelles, en prenant en compte à la fois la ressource fourragère et la pérennité de la flore, le sursemis n'étant préconisé que pour les prairies vraiment dégradées, avec un degré de réussite aléatoire...

Une douzaine d'agriculteurs, dont un Vosgien, assistent à l'atelier. Jean-Pierre, éleveur laitier en Belledonne, écoute avec attention. S'il a quitté son massif et ses bêtes pour se rendre en Chartreuse, c'est d'abord pour voir comment améliorer ses prairies. « Mais pas avec des machines : c'est pas mon truc. » Il est là pour l'herbe. D'ailleurs, il trouve celle qu'il a sous les pieds bien plus jolie que celle de chez lui. Un instant plus tard, au détour d'un stand, le voilà qui découvre le travail de l'Irstea sur la récolte et l'utilisation de semences locales, adaptées aux sols superficiels pauvres d'altitude (projet Alp'Grain). « Super intéressant ! » Un peu plus loin, une collègue venue des Bauges flâne du côté du stand du parc du Vercors. Elle est intéressée par le projet de lutte collective raisonnée contre le campagnol terrestre, engagé avec l'appui du parc dans le val d'Autrans-Méaudre. « On est venu voir ce qui se faisait en Isère, car chez nous, on est infesté par les rats. » Emmanuel Jail, membre de l'AAC, rencontre le même problème au Sappey : « Pour l'instant, on subit, on fait du hersage et du semis très local. » Il espère trouver ici des techniques plus adaptées.

 

Journée de l'herbe en Chartreuse : une responsable de l'Adara rappelle l'importance de prairies mellifères pour l'apiculture. Journée de l'herbe en Chartreuse: les chargé de mission agriculture des parcs régionaux des Bauges, du Vercors et de Chartreuse envisagent des projets communs en présence d'une ingénieure de l'Irstea.

Brassage

Ce qui frappe, durant cette première journée de l'herbe, c'est le brassage. Brassage des âges (le matin, une cinquantaine d'étudiants ont assistés aux ateliers), des cultures, des horizons, des expériences... Tout le monde, éleveurs, étudiants et techniciens, se rencontre autour d'une préoccupation commune : l'herbe. C'est ce qu'apprécie Jean-Luc Langlois, en charge de l'agriculture au parc du Vercors : « Ici sont représentés les parcs naturels de trois massifs de moyenne montagne - les Bauges, le Vercors et la Chartreuse -, où l'élevage est primordial. Chacun a développé des projets complémentaires en lien avec la prairie. Les Bauges ont montré le chemin avec leur démarche sur les prairies fleuries, qui combine rentabilité économique et biodiversité prairiale. Nous, nous sommes là avec notre projet de lutte contre les campagnols, et la Chartreuse avec sa Journée de l'herbe. » Son homologue des Bauges, Audrey Stucker, acquiesce : « Nous sommes tous dans la même mouvance par rapport aux Paec, aux Psader (2) et aux PPT (3) . Chez nous, dans les Bauges, nous sommes moins sur des questions de sursemis, comme ici, en Isère. Nous travaillons plus à l'échelle de l'itinéraire technique, nos éleveurs cherchant à diminuer leurs intrants et à mieux valoriser leurs produits, tout en gagnant en qualité. » D'où l'intérêt d'échanger. Les chargés de mission des parcs improvisent une séance de travail. Les techniciens des chambres d'agriculture, de l'Adara, du PEP bovin lait ou du Contrôle laitier, qu'ils soient isérois ou savoyards, mutiplient les échanges informels. Ça cause système fourrager, compost, épandage, alpage, pâturage, apiculture, culture de l'herbe, suite à donner à une telle manifestation... Les idées et les projets circulent. « Participer à ce genre de journée permet de nouer de nouveaux contacts, notamment avec des gens d'autres massifs, remarque Fabien Faugeroux. C'est une dynamique intéressante pour l'avenir. » Faut-il y voir le début d'une coopération intermassif ?

Marianne Boilève

(1) Association des agriculteurs de Chartreuse (AAC), les JA, les Cuma locales, Chartreuse Elevage, Isère conseil élevage, les chambres d'agriculture de l'Isère et de Savoie-Mont-Blanc, les Eleveurs de Savoie, la FAI, l'Adara, l'Irstea , la MSA et les parcs naturels du Vercors et des Bauges...
(2) Projet stratégique agricole et de développement rural et

(3) Plans pastoraux territoriaux.