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Communes forestières

La forêt a beaucoup à perdre

Guy Charron est le président de l'association des communes forestières de l'Isère (Cofor). Ces collectivités s'inquiètent de la volonté de l'Etat d'augmenter fortement leur contribution au financement de l'ONF.
La forêt a beaucoup à perdre

Quelle est la situation aujourd'hui ?

Suite à une rencontre avec la fédération nationale des communes forestières, le 18 septembre dernier, l'Etat a renoncé à appliquer cette année la hausse de 50 millions d'euros de contribution des collectivités au financement de l'ONF. Mais, en même temps, il a demandé à ce que le contrat d'objectifs et de performance pour la période 2012-2016 soit avancé d'un an. Nous aurons donc des discussions en 2015 avec Bercy.

 

Sur quelle base ?

En 2011, un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) suggérait une augmentation de la taxe de 5 euros par hectare. La fédération nationale, après négociation, était parvenue à limiter celle-ci à 2 euros par hectare, ce qui était tout juste passé au conseil d'administration de la Cofor. Il serait désormais question que cette taxe passe à 14 euros et que les frais de garderie augmentent également, pour passer de 10 à 15% des recettes des ventes des coupes de bois en montagne et de 12 à 18% en plaine. Pour une commune ayant 1 000 hectares de forêts, cette taxe passerait donc de 2 000 à 14 000 euros, tout cela sur un plan à trois ans.

Voir aussi le rapport de la Cour des comptes sur l'ONF publié le 24 septembre dernier

 

Avec quelles conséquences ?

La forêt est multifonctionnelle. Elle a un rôle de production, environnemental et sociétal. Taxées, les communes ne pourront plus par exemple financer des opérations d'accueil ou bien réinvestir dans le patrimoine forestier. Alors que la filière bois est le deuxième poste déficitaire en France, qui n'a pas assez de bois pour approvisionner ses scieries. Par ailleurs, la Cofor peut faire exercer son droit d'option, de sorte que l'ONF n'exerce plus la gestion des forêts communales. Les forêts se résumant alors à leur fonction économique. C'est une option qui sied aux thèses libérales. Nous perdrions ainsi la garantie de gestion durable, que l'ONF pratique de façon experte dans le cadre d'un plan d'aménagement à 10 ou 15 ans.

Quel avenir pour la filière bois dans ces conditions ?

Cela ne va pas dans le sens du plan re reconquête industrielle annoncé en 2013, dont la filière bois faisait partie. Les risques sont multiples : fin de la gestion durable, perte des recettes pour les petites communes, de la capacité d'investissement et de la multifonctionnalité. Le nouveau bureau de la fédération nationale de la Cofor, qui sera élu à l'issue du congrès des 24 et 25 octobre à Chambéry, devra reprendre les négociations avec le ministère de l'Agriculture.

Propos recueillis par Isabelle Doucet

De nombreux élus et des parlementaires sont venus à Saint-Pierre-de-Chartreuse, ainsi que Père Dom Benoit, du monastère de la Grande Chartreuse.               Charles Galvin, vice-président du conseil général, Guy Charron et François Brottes, député.

 

Saint-Pierre-de-Chartreuse

60 ans, retour aux origines

A la fin de l'été, les élus des communes forestières de l'Isère se retrouvaient à Saint-Pierre-de-Chartreuse pour une assemblée générale sur un territoire qui a vu naître leur association 60 ans auparavant. « L'accent a été porté sur la politique menée en Chartreuse pour la valorisation du bois. La démarche AOC bois de Chartreuse a été engagée il y a 14 ans. C'est la première de ce type, qui ne concerne pas un produit alimentaire. Portée par le parc, elle est assortie d'un tissu d'entreprises et d'acteurs, même si certains se sont arrêtés en chemin », souligne Guy Charron. Le label AOC est espéré pour 2016, la commission d'enquête ayant émis un avis favorable en juin 2014. Par ailleurs, la forêt domaniale de la Grande Chartreuse a été labellisée forêt d'Exception, qui distingue les forêts emblématiques. La démarche a été menée par l'ONF. Seules une dizaine de forêts en France ont été ainsi remarquées.
Lors de l'assemblée générale, Guy Charron a présenté les nombreux enjeux liés à la filière forêt-bois iséroise. A commencer par la mobilisation du bois dans le respect de l'environnement et de la biodiversité. Le président de la Cofor a également fait valoir la sécurisation de l'approvisionnement des chaufferies, hangars et scieries, la valorisation de la ressource bois en circuits courts, notamment dans la construction, la structuration de la filière bois énergie durable. Il évoque par ailleurs la fragilisation d'un équilibre sylvo-cynégétique permettant à la fois la régénération naturelle des forêts et le maintien des populations de grands gibiers, la résolution des différents conflits d'usages, notamment sur le partage de la voirie forestière et le ramassage abusif des champignons, ou encore la valorisation des aménités forestières en développant, entre autre, la fonction puits de carbone de la forêt. Le président de la Cofor note aussi combien le label Bois des Alpes, qui est une certification pouvant entrer dans un cahier des charges, « a été une démarche visionnaire entreprise sur la massif des Alpes », au point qu'elle est aujourd'hui enviée par de nombreux territoires. Un nombre important d'élus et de parlementaires ont participé à ce temps, dont Charles Galvin, vice-président du conseil général, qui a annoncé la reconduction de l'enveloppe de crédits en faveur de l'investissement des entreprises de 1ère et 2ème transformation. Elle s'élève, depuis 2013, à 300 000 euros et permet aux PME de se moderniser. Le conseil général soutien également les Chartes forestières de territoire qui ont « l'avantage de mettre tout le monde autour de la table pour ouvrir le dialogue et la concertation ». Il y en a sept en Isère, qui recouvrent pratiquement tous les massifs avec les plans stratégiques forestiers du Haut-Grésivaudan et de la région grenobloise.
ID