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Méthanisation

La lente maturation de la méthanisation

Alors que les chambres d'agricultures se structurent en pôle régional autour des questions d'énergie renouvelable, Jean-Paul Sauzet, conseiller énergie faisait le point sur les projets en région la semaine dernière, devant une quinzaine de personnes réunies à Saint-Jean-de-Bournay.
La lente maturation de la méthanisation

Deux projets de méthanisation sont sur les rails en Isère. Pas plus. Au propre comme au figuré, la perspective de se trouver confronté à une usine à gaz freine les initiatives. La région Rhône-Alpes ne compte aujourd'hui que sept unités de méthanisation raccordées, le précurseur étant l'Abbaye de Tamié, équipée depuis 2003. Les modèles sont multiples et répondent avant tout aux attentes des acteurs, qu'il s'agisse de laiteries, d'élevages, de producteurs de luzerne ou d'exploitants bio sur plusieurs villages, ou encore du lycée de La Motte-Servolex. Il y aurait plus d'une trentaine de projets en région, dont ceux d'Anthon et d'Aoste en Isère.

Celui d'Anthon semble le plus avancé puisque l'enquête publique est en cours et s'achèvera le 31 janvier. Ce projet d'envergure réunit des éleveurs et des industriels autour d'une unité de cogénération d'une puissance électrique totale de 2,19MW. Elle traitera 72 000 tonnes de déchets par an, soit environ 200 tonnes/jour. La production de digestat sera d'environ 39 500 tonnes/an. La société d'exploitation permettra la création de 10 équivalents temps plein. A Aoste, les agriculteurs et le maître d'ouvrage, GEG, ont définitivement choisi la voie sèche. 26 000 tonnes de matière sont attendues dont 22 000 en fumiers et lisiers (25% liquide et 75% de solide). L'association Aoste Métha Terre, constituée fin 2014 et présidée par Sébastien Poncet, réunit une cinquantaine d'apporteurs et jouera le rôle d'interface avec l'unité de méthanisation. C'est notamment l'association qui souscrira le contrat de 15 ans avec l'unité garantissant les volumes. Elle gèrera également les contrats de 3 à 6 ans, conclus avec les agriculteurs et permettra la prise de capital des agriculteurs dans le projet. La puissance de l'unité d'Aoste est de 1,2 MW. Le coût de l'investissement par KW installé est estimé entre 5 500 et 6 500 euros. Le retour sur investissement est attendu entre 7 et 8 ans si le projet bénéficie de subventions. A Aoste, le dossier ICPE* sera déposé en ce début d'année. Son instruction devrait durer un an, de sorte que la première pierre pourrait être posée en 2016 pour une mise en fonctionnement attendue fin 2016-début 2017.

Valoriser les déchets

Le monde agricole et les élus locaux se posent encore beaucoup de question quant à la méthanisation.

« L'intérêt agronomique ne suffit pas, la question de la revente de l'énergie doit faire partie du projet », martèle Jean-Paul Sauzet, conseiller énergie climat pour la chambre d'agriculture, qui vient de constituer un pôle d'expertise régional. Présentant la méthanisation en Rhône-Alpes, il répondait aux questions d'une quinzaine d'agriculteurs et d'élus réunis à Saint-Jean-de-Bournay. Aujourd'hui, le rachat d'énergie s'établit à environ 14 à 19 centimes d'euros/KWh. Unité à la ferme, centralisée ou en collectif, production de chaleur, d'électricité ou des deux (cogénération) de carburant ou injection de biogaz dans le réseau : les solutions sont multiples. La seule particularité française est la volonté de valoriser les déchets, contrairement aux pays anglo-saxons où les cultures énergétiques sont autorisées. « Il y a aujourd'hui un débat sur les cultures intermédiaires », note Jean-Paul Sauzet. Un agriculteur dans la salle relève le risque « d'entrer en concurrence directe avec l'alimentation animale ». Car le pouvoir méthanogène n'est pas le même en fonction des produits introduits dans le méthaniseur. Les résidus de culture, notamment le tourteau de soja, sont des plus performants (plus de 350 m3 de CH4 par tonne de matière brute). Les graisses usagées et celles des stations d'épuration ou issues des abattoirs sont aussi bien placées. Enfin, les pelouses ont également des taux très satisfaisants. « Il convient de raisonner le dimensionnement d'une unité au regard des approvisionnements prévus, sachant que les gisements agricoles sont les plus importants », poursuit le spécialiste qui insiste sur la sécurisation des gisements. Car la saisonnalité est un paramètre à prendre en compte, notamment en ce qui concerne les déchets verts, mais aussi les dérobés ou les déchets industriels. C'est la raison pour laquelle la contractualisation, pour sécuriser les approvisionnements, est requise dans tout projet de méthanisation et court le plus souvent sur 15 ans.

Retour au sol

Si les projets de méthanisation peinent aujourd'hui à voir le jour, c'est aussi parce que leur acceptabilité peut être remise ne cause, notamment par les riverains. A commencer par les questions d'odeurs, qui sont pourtant plus le fait de l'opération d'approvisionnement que du process, la fermentation étant anaérobie. « Les boues, les métaux lourds ? » interrogent les participants. « Cela relève de la responsabilité de ceux qui font le retour au sol, de les accepter ou non », explique clairement Jean-Paul Sauzet. Un cahier des charges restrictif permet d'éviter ce genre d'éceuil. « Beaucoup de collectivités sont motivées pour participer à des projets de méthanisation si les boues des stations d'épuration sont prises », note les spécialiste. Dans la réalité, les projets les excluent souvent, à l'image d'Aoste. C'est aussi le cas de certains déchets alimentaires qui doivent faire l'objet d'une hygiénisation en les portant à 70° pendant une heure, au risque de consommer toute la chaleur produite. En principe les « substrats » mis dans le digesteur y séjournent 60 jours, le digestat est récupéré au fur et à mesure dans un post-digesteur en vue de son retour au sol.

Isabelle Doucet

*IPCE : Installation classée pour la protection de l'environnement

 

Pour en savoir plus :

- Anthon : un projet de méthanisation au service du territoire

- Aoste Bio énergie, c'est parti !

 

A Vienne et dans le Haut Rhône dauphinois

Dans le territoire du Haut Rhône dauphinois le conseil général de l'Isère étudie un projet de valorisation des intrants verts territoriaux en partenariat avec le monde agricole. Cette unité de méthanisation pourrait traiter environ 15 000 tonnes d'intrants. L'implantation, le type de gouvernance n'ont pas encore été définis. Mais le pré requis semble celui de conserver une échelle locale. De même que l'association des agriculteurs dès les frémissements du projet et la volonté de consolider l'élevage sur le territoire sont déterminants. Un comité de pilotage devrait voir le jour en 2015. Le projet sera présenté au comité de territoire de la Boucle du Rhône au mois de janvier. Le conseil général, qui travaille avec Richard Andreosso, son responsable de la filière routes, sur le concept d'entretien raisonné des dépendances, a la volonté d'intégrer la problématique des plantes invasives et allergisantes au projet de méthaniseur.
Vienne agglo a également un projet dans ses cartons. Il s'agirait d'une unité de méthanisation à la ferme avec partage du biométhane. Le biogaz, une fois produit, épuré et compressé serait en effet d'une part transporté vers un point d'injection de gaz naturel, et d'autre part utilisé comme source de carburant pour les transports en commun. De tous les systèmes, d'aucuns reconnaissent que l'injection, c'est-à-dire la circulation du gaz produit dans le réseau (GRDF ou GRTgaz en Isère), est celui qui réclame les plus lourds investissements.
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