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Ravageur

La pyrale du buis passe à l'attaque en Isère

Présente dans tout le département, la pyrale du buis attaque surtout les buis ornementaux et peut faire des ravages. Mais des stratégies de lutte efficaces existent si elles sont conduites correctement.
La pyrale du buis passe à l'attaque en Isère

Discrète, mais vorace. Arrivée en France par l'Alsace en 2008, la pyrale du buis est un petit papillon de nuit exotique dont la chenille décime un buis en moins de temps qu'il n'en faut pour s'en rendre compte : un arbuste infesté peut être défolié en quelques jours. En Rhône-Alpes, comme ailleurs, la pyrale du buis est désormais présente partout. Pour ce qui est de l'Isère, les équipes de l'ONF n'ont pour l'instant relevé aucun dégât particulier dans les buxaies naturelles. Dans le parc paysager du domaine de Vizille, rien non plus. « Mais, comme tous les collègues du département, nous sommes très vigilants par rapport à cette plaie », déclare Hervé Bugny, responsable technique du parc. A juste titre, car dans la plupart des parcs et jardins du département, la plaie est là.

Les buis ornementaux sont généralement plus touchés que les buis au port aéré et naturel, parce que la ponte des œufs, groupée, concentre les chenilles sur un même plant.Les chenilles de la pyrale du buis peuvent défolier un arbuste en quelques jours.

Explosion à l'automne

« Tous nos buis sont attaqués, mais on arrive à gérer », assure Guillaume Bouvier, responsable du service des espaces verts de Vienne. Idem à l'autre bout du département. « Elle est arrivée à Grenoble l'an dernier et touche aujourd'hui toute l'agglomération grenobloise, témoigne Jacques Ginet, responsable du service espaces verts de la ville de Grenoble. Pour l'instant, il y en a des quantités limitées, mais ça va exploser à l'automne. » Tous les professionnels sont aux aguets. Certains traitent déjà, d'autres se contentent d'inspecter leurs végétaux de près. Chez les pépiniéristes, pas de ravage, mais des dégâts ponctuels. « Comme tout le monde, quand on a vu débarquer la pyrale au début, ça a été l'inquiétude, reconnaît Raphaël Serre, directeur des pépinières de l'Ambre à Anjou et responsable des jardins Rothschild. Mais maintenant on sait comment traiter le problème. » Chez les particuliers en revanche, faute de surveillance accrue, les attaques sont sévères. A tel point que, certains week-end, les jardineries et autres GammVert sont pris d'assaut. « Nous avons une forte demande en insecticide bio à base de Bacillus thuringiensis, indique un responsable commercial de GammVert. C'est un produit en plein développement. »
Il existe en effet des moyens de lutte efficaces. La stratégie commence par une détection précoce de l'envahisseur. La pyrale du buis réalise trois cycles de développement, qui occasionnent autant de pics de dégâts. Le premier commence au début du printemps (mars-avril), le second en été (mi-juin-juillet), le troisième au début de l'automne. Les chenilles, tête noire et corps vert clair ponctué de verrues noires, se cachant dans les buis, il est parfois difficile de les voir. Mais des indices trahissent leur présence : rameaux dénudés et crottes cylindriques, sèches et de couleur vert clair, retenues par des fils de soie. Après s'être gavées de feuilles de buis pendant quatre semaines, les chenilles tissent un cocon très lâche entre quelques rameaux et n'en sortent que sous la forme de papillons adultes aux ailes blanches et brunes.

Les pyrales du buis sont des papillons nocturnes aux ailes blanches et brunes qui prennent leur vol fin mai-début juin.  Les 5 étapes du cycle de la pyrale du buis (source : pyrale du buis.com)

Pour s'en débarrasser, plusieurs méthodes. L'élimination des chenilles à la main montre vite ses limites. Quant aux prédateurs (moineaux, mésanges...), mieux vaut ne pas trop compter sur eux pour dévorer les chenilles ; dont le corps contient de fortes doses d'alcaloïdes toxiques. Certains professionnels utilisent des pièges à phéromones qui permettent de détecter précocement les vols des papillons adultes, et donc d'intervenir au moment opportun sur les chenilles, soit 12 jours après le pic de vol. Avec un bémol cependant selon Christophe Brua, entomologiste spécialiste de la pyrale du buis : « La pratique du terrain montre que cette voie, bien que de nombreux mâles soient décimés, reste insuffisante pour éradiquer un foyer ».

Traiter au bon moment

Restent les traitements, d'autant plus efficaces qu'ils sont appliqués au bon moment. Les professionnels préconisent des produits à base de pyrèthre, qui donnent généralement des résultats intéressants, mais risquent de décimer les abeilles, coccinelles et autres papillons présents dans le voisinage. Il est donc plutôt recommander d'utiliser des produits à base de Bacillus thuringiensis (BT). Ce type d'insecticide agit par ingestion des plantes traitées, en détruisant les cellules intestinales des chenilles et en paralysant leur mâchoire. Impératif : l'appliquer sur des chenilles de petite taille. « Il faut traiter dans les premiers stades larvaires (stades 1 et 2), conseille Jacques Ginet. Si la chenille est trop grosse, le produit n'est pas efficace. » Raphaël Serre confirme : « Si on pulvérise correctement, on arrive à enrayer la propagation et les attaques. » D'ailleurs, concernant le buis, le pépiniériste estime que le problème provient moins de la pyrale que de deux maladies émergentes, bien plus difficiles à éradiquer : « Selon moi, le souci le plus important aujourd'hui vient de Cylindrocladium buxicola et Volutella buxi, deux champignons qui font dépérir les buis. Ça, c'est beaucoup plus préoccupant et contraignant. » Contre ces deux bio-agresseurs particulièrement agressifs, une seule arme pour l'instant : la prophylaxie.

Marianne Boilève

 

Save Buxus : un programme de recherche collaboratif pour sauver les buis

Pyrale, Cylindrocladium buxicola, Volutella buxi... Ces dernières années, les buis sont attaqués par plusieurs agents extrêmement virulents, qui sont à l'origine du déclin de nombreux massifs. Les sites patrimoniaux sont particulièrement touchés. D'où le lancement l'an dernier de Save Buxus, un programme de recherche national destiné à mettre au point des solutions de biocontrôle pour lutter contre ces « plaies » sanitaires. Coordonné par l'institut Astredhor et l'association Plante&Cité, le programme vise à apporter des solutions concrètes pour lutter efficacement contre les maladies et ravageurs du buis, tout en intégrant les contraintes réglementaires de plus en plus drastiques. Les équipes de recherche, dont l'Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne de l'Inra, explorent plusieurs pistes, dont la résistance variétale, le piégeage phéromonal ou les agents entomopathogènes et parasitoïdes pour la pyrale du buis. Claire Tabone, chercheuse à l'Inra, étudie notamment l'action d'un insecte hyménoptère capable de pondre dans le corps de la chenille. A charge pour les larves de cet agent double de dévorer la chenille de l'intérieur. Imparable.
MB