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EXPERIMENTATION

La récolte du tabac burley révolutionnée

Testée depuis deux ans dans le sud-ouest, la récolte automatisée de tabac a fait son apparition, cette année, à Marcilloles (Isère). Une expérimentation réussie sur le plan technique. Y compris en terme de séchage.
La récolte du tabac burley révolutionnée

C'est une petite révolution en matière de récolte tabacole. Fin août, la coopérative Terre & Sens et Yann Bouvier, producteur à Marcilloles (Isère), expérimentaient la récolte automatisée et le séchage sous cadres dans une parcelle de burley. Une première dans la région. Si la technique de récolte, testée depuis deux ans par les agriculteurs du sud-ouest, a tout de suite séduit le producteur en termes de gain de temps et d'économies de main-d'œuvre, il était plus dubitatif pour le séchage. Trois mois plus tard, le résultat est là : « Le séchage s'est plutôt bien passé en dépit de conditions climatiques compliquées », estime Yann Bouvier.

 

La récolteuse automotrice coupe les pieds de tabac et les charge avant de les disposer sur des cadres métalliques. (Crédit photo : Terre & Sens) Les cadres sont prêts à être chargés dans la machine. (Crédit photo : Terre & Sens)

 

L'expérimentation est donc un succès, tant du point de vue de la récolte que du séchage. La récolteuse automotrice permet en effet de ramasser un hectare de tabac en cinq heures à l'aide de deux personnes. En récolte traditionnelle, le même hectare nécessite dix personnes et 180 heures de travail... Le principe de fonctionnement de la machine, de fabrication américaine, est simple : la récolteuse automotrice coupe les pieds de tabac et les suspend automatiquement sur des cadres qui, une fois remplis, sont déposés sur la parcelle pour procéder au flétrissement, la première étape du séchage de tabac. La récolte se fait sur des tabacs mûrs, chauds (plus de 18°C) afin de favoriser le flétrissement rapide du tabac et raccourcir la durée totale de séchage.

Spectaculaire

Dans la pratique, la manœuvre est assez spectaculaire. Coiffé d'une réserve de cadres métalliques, l'engin se place en bout de rang. Soudain, le moteur de 160 chevaux change de régime : ça démarre. La machine avance lentement, tranchant les pieds de tabac pour les charger sur un tapis préhenseur qui les envoie tournoyer en haut de l'engin. Ils sont ensuite disposés automatiquement, tête en bas, sur un cadre métallique équipé de capteurs électroniques et d'un système d'avancement hydrostatique.

 

Un bras articulé charge les supports de séchage. (Crédit photo : Terre & Sens) Laissés sur place pour la phase de séchage, les cadres évitent les opérations de manutention. (Crédit photo : Terre & Sens)

 

Quand le cadre est plein, la récolteuse s'arrête, deux bras articulés le détachent et le posent délicatement sur ses quatre pieds télescopiques, en bord de parcelle. Un nouveau cadre se met en place, et la récolteuse automotrice poursuit son œuvre... La machine peut ainsi « sortir » dix cadres par heure. A raison de deux personnes à la manœuvre, de 580 pieds de tabac par cadre et de 50 cadres pour un hectare, le rendement est très intéressant en termes de récolte (près de 6 000 pieds à l'heure). Mais aussi de conditions de travail : plus de manutention, tout est automatisé. En trois semaines, la machine peut ramasser 35 à 40 hectares de tabac.

 

Equipé de pieds télescopiques, le cadre est déposé à même le sol une fois rempli. (Crédit photo : Terre & Sens)

 

Au départ, Yann Bouvier était en revanche inquiet pour la phase de séchage. Il craignait qu'il y ait pas mal de perte, les pieds étant très serrés sur les cadres. Mais, mis à part un petit excès d'humidité ayant engendré un peu de pourriture sur les côtes, tout s'est bien passé. La chose n'allait pas de soi. Une fois la récolte terminée, les cadres remplis de tabac sont en effet laissés sur la parcelle, à l'air libre, pendant une douzaine de jours, avant d'être bâchés. La pose des bâches dépend de la maturité de la plante. Elle se fait sur tabac non humide, flétri, et si possible chaud. Le séchage se poursuit pendant deux mois sur place, à même le champ, ce qui évite de suspendre les pieds de tabac dans des serres ou des séchoirs. En revanche, pour l'effeuillaison, il est nécessaire de recourir de nouveau à une main-d'œuvre expérimentée : « Les opérations mécaniques ne sont vraiment pas terribles », juge Etienne Voge, responsable opérationnel de Terre & Sens.

Marianne Boilève
TERRAIN / Yann Bouvier, tabaculteur à Marcilloles, a expérimenté la récolteuse automotrice. Bilan satisfaisant, tant pour le ramassage que pour le séchage.

Une vraie amélioration en matière de conditions de travail

« En termes de récolte, la machine elle-même ne pose aucun problème. Au contraire. La mise en cadre se fait toute seule : il n'y a besoin de personne. J'étais plus réservé au départ pour le séchage. Je pensais qu'il y aurait plus de perte sur cadre que sous serre, car le séchage est plus serré : les pieds se touchent. Sous serre, les pieds sont espacés de 18 centimètres et il y a 18 centimètres entre chaque rang. Avec les températures fraîches du matin, l'absence de vent et le temps humide, il a fallu contrôler soigneusement le séchage. Sous serre, on arrive à maîtriser les choses. Avec les cadres, on ne savait pas comment ça allait réagir. Mais l'effeuillaison, qui s'est déroulé la semaine dernière, a donné de bons résultats. Je m'attendais à pire : un peu de côte est parti en pourriture, mais rien de grave. Nous allons découvrir au fil du temps comment ça fonctionne. Pour moi, cette machine s'inscrit dans la continuité de la performance recherchée au niveau de la production. Elle représente aussi une vraie amélioration en matière de conditions de travail. »
Propos recueillis par MB