Le bois de la forêt des Ecouges est exploité par le Conseil départemental de l'Isère

C'est un changement radical qu'amorce le Conseil départemental de l'Isère en matière de gestion forestière. Le site des Ecouges (situé sur les contreforts du Vercors), acquis en 2003 par le Département au titre de la politique des Espaces naturels sensibles (ENS), l'illustre. Cette forêt de 918 hectares dont 245 classés en réserve biologique intégrale est depuis toujours, un lieu de production de bois (charbon de bois, bois de chauffage, bois d'oeuvre). Mais depuis 2003, une gestion patrimoniale, axée sur la conservation et la préservation avait été mise en place dans le domaine.
Fabien Mulyk, vice-président du conseil départemental de l'Isère délégué à la filière bois, veut redonner une dimension économique à ce site, doté d'un document d'aménagement forestier. « Ces arbres n'avaient pas été plantés pour ne pas être exploités. Nous mettons en place un prélèvement raisonné dans cette forêt pour montrer qu'une exploitation forestière est possible dans le respect de l'environnement. Nous n'avons pas vocation à sanctuariser les lieux. Nous ne voulons pas non plus les saccager ».
Exploitation exemplaire
Cette année, environ 600 mètres cube, soit 200 arbres, ont été récoltés. « Le but est de monter en puissance et de récolter 1 000 mètres cube par an. Nous nous concentrons sur les épicéas qui avaient été plantés il y a près de 100 ans et dont la qualité est reconnue », assure Fabien Mulyk, qui reconnaît que la démarche poursuit un double objectif : « Nous voulons faire accepter l'exploitation forestière dans le site et amener les entreprises à adopter les meilleures pratiques qui soient ». D'où la volonté du Conseil départemental de mener une exploitation exemplaire (il est certifié PEFC*). Si le conseil départemental de l'Isère est propriétaire du site, c'est l'Office national des forêts qui assure la maîtrise d'œuvre.
La consigne pour les entreprises locales recrutées pour exploiter ces bois était claire. Elles devaient travailler le plus proprement possible. Ce à quoi, Jean-Christophe Jay, bûcheron de Saint-Christophe-sur-Guiers et Stéphane Coing-Belley, débardeur installé à Montaud, se sont employés avec enthousiasme. Pour ces professionnels, rémunérés au rendement par le département selon le respect d'une grande exigence de qualité, il s'agit de « conditions d'exploitation idéales ». « L'exploitation du site doit être une vitrine de ce qui peut être fait. Nous ne sommes pas là pour gagner de l'argent, mais nous voulons mettre ces bois sur le marché », indique Fabien Mulyk. Un abattage directionnel des arbres a été réalisé pour réduire l'impact de leur chute dans le site. « Cela nécessite davantage de préparation et prend plus de temps. Mais le résultat est de bien meilleure qualité », reconnaît Jean-Yves Bouvet, directeur de l'ONF de l'Isère. Quant au débardage, c'est grâce à l'utilisation d'un câble en acier télécommandé par un opérateur qu'il est effectué. Placement, organisation, préparation, tout doit être anticipé. Plus de 90 % de la récolte a vocation à être utilisée par la scierie Eymard implantée à Veurey-Voroize, engagée via un contrat d'approvisionnement. Selon Stéphane Eymard, son dirigeant, l'exploitation de la forêt des Ecouges revêt du bon sens. « Il était anti-économique et anti-écologique de laisser pourrir ce bois. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette opération ». D'autant qu'il s'agit de bois de belle qualité qui seront valorisés, soit en charpente choisie, soit en lamellé-collé. Le reste de la production sera utilisé pour le chauffage du gîte des Ecouges.
La récolte a aussi permis de réaliser des trouées dans la forêt pour favoriser sa régénération naturelle et obtenir une forêt à plusieurs étages. Une action particulière a été menée aux abords des ruisseaux. L'idée était de prélever les résineux au profit des feuillus pour permettre l'implantation d'une végétation plus herbacée.
Méconnaissance de la forêt
Dans ce site à haute valeur environnementale, très fréquenté du grand public, les acteurs impliqués veulent profiter de l'opportunité pour communiquer auprès des autres usagers. Durant l'été, les guides ENS ont expliqué la démarche, renforçant les explications déjà données sur des panneaux disposés à l'entrée du site. Et l'association « La Trace » qui gère le gîte des Ecouges et accueille petits et grands pour des séjours de découverte du milieu, a fait réaliser des interventions par les techniciens de l'ONF. Selon Stéphane Eymard, la filière souffre d'un déficit d'image. Il estime que le grand public méconnaît la forêt et les enjeux de son exploitation. « Il faut expliquer », martèle-t-il. La démarche du conseil départemental revêt celle d'un pari. L'objectif étant que « la forêt des Ecouges puisse de nouveau prendre part à l'approvisionnement de la filière bois locale, et que son exploitation exemplaire soit l'occasion de démontrer qu'accueil du public, préservation de la biodiversité et exploitations forestière puissent être autant d'objectifs cohérents à faire vivre dans une forêt durable », expose Fabien Mulyk.
* PEFC (Programme Européen des Forêts Certifiées) est une association loi 1901 qui certifie une gestion durable des forêts.
Isabelle Brenguier
Une nouvelle demande

Le gîte des Ecouges

Le gîte, implanté à 1 000 mètres d'altitude, est géré par l'association « La Trace » qui a pour mission l'éducation à l'environnement et l'accueil du public en site isolé. « Nous utilisons les richesses naturelles et patrimoniales du site comme support aux nombreuses activités pédagogiques que nous proposons aux enfants et aux adultes qui viennent s'immerger », explique la directrice de l'association, Karine Garcin. IB
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