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Installation

Le défi de la commercialisation

Il ne suffit pas de bien produire, il faut aussi vendre le fruit de son travail. C'est le thème de la journée d'installation qui se déroulera le 2 février à Chatte.
Le défi de la commercialisation

Pierre-Jean Dye s'est installé en pleine réforme de la PAC et au cœur de la crise agricole. « Je suis un cas particulier », reconnaît ce responsable JA de l'Isère en charge de la commission installation.

Il en connaît long sur les problèmes qui se posent aux jeunes installés. C'est la raison pour laquelle il intervient avec la chambre d'agriculture dans les lycées et les MFR pour parler du dispositif d'installation.

Il est aussi la cheville ouvrière de la journée installation du 2 février prochain à Chatte, qui aura pour thème « Vendre mon produit, c'est aussi mon métier ! ».
« Ce n'est pas anodin de s'installer. J'essaie de ne pas les décourager, même si j'ai eu beaucoup de misère ! », reprend le jeune éleveur.

Il étaye ses propos par son propre exemple. Installé en septembre 2014 en bovin viande de race charolaise à Saint-Paul-d'Izeaux, il exploite aussi cinq hectares de noyers et fait du bois de chauffage.

 

Pierre-Jean Dye, responsable JA Isère.

 

« La diversification permet de s'en sortir. D'autres font de la vente directe. Il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier. » Pierre-Jean Dye a tenté la vente directe, mais l'expérience a tourné court.

Il s'est rapproché des Eleveurs de saveurs, mais il a encore un petit problème de décalage entre le moment où ses bêtes sont prêtes et la demande des supermarchés.

Il s'est fixé deux objectifs dans sa conduite d'exploitation : valoriser ses produits et se réserver du temps pour assumer ses responsabilités. « Je suis adjoint dans ma commune », précise le responsable JA.

De bons gestionnaires

Lorsqu'il partage son expérience avec les futurs installés, ce fils d'agriculteur reconnaît « que même en étant du milieu on n'est pas préparé à entrer dans le monde agricole de cette façon ».

Les problèmes de la PAC ne sont pas étrangers à toutes les difficultés. « Il y a beaucoup de contraintes administratives. C'est stressant et pesant. Il faut toujours se remettre en question alors que l'on sait travailler. »
Pierre-Jean Dye conseille aux jeunes d'être de bons gestionnaires, « se constituer un fonds de roulement, caler les prêts et les rentrées d'argent. A 17 ou 20 ans, on ne pense qu'à travailler, on ne voit pas tout ça derrière ! ».
« Les nouvelles générations ont un défi à relever par rapport aux grandes filières. Si le prix d'achat ne compense pas le prix de revient, il faut que le chef d'entreprise veille à trouver d'autres créneaux », insiste Frédérique Fort, conseillère installation à la chambre d'agriculture.

C'est ce besoin de mieux connaître les filières aval, qui a conduit JA à proposer le thème de cette journée. Le choix du mode commercial, en long, court ou semi-long participe d'une logique entrepreneuriale.

La moitié des installations en vente directe

« La façon de gérer les exploitations a changé, constate Virginie Thouvenin, conseillère marketing à la chambre d'agriculture de l'Isère. Les exploitants ont remis la main sur la vente. C'est un nouveau métier à développer. »

Elle observe de près l'évolution des points de vente collectifs en Isère.

« On entend souvent que l'offre ne suffit pas à satisfaire la demande. Ce n'est pas faux au niveau global. Mais en Isère, il convient de regarder territoire par territoire et filières par filières. Il reste quelques trous, mais ça commence à être serré », constate la conseillère.

Il y a 20 points de vente collectifs dans le département et trois en projet, ce qui en fait le premier département de France.

Selon le dernier recensement général agricole (de 2010), un tiers des exploitations iséroises étaient impliquées dans des circuits courts et de la vente directe.

« C'est une proportion non négligeable et un secteur à part entière de l'économie agricole. Plus de la moitié des installations sont orientées dans cette direction », indique la conseillère.

Plusieurs facteurs expliquent cette tendance lourde.

C'est une réponse à une demande sociétale, une envie des porteurs de projets de donner du sens à leur travail et enfin, c'est une façon de faire face à la pression foncière, notamment pour les hors cadre familiaux soucieux de générer de la valeur ajoutée sur de petites surfaces.

Toutes les productions iséroises sont présentes dans les circuits courts.

Soigner sa commercialisation

La logique, pour réussir en vente directe, est de considérer l'offre locale existante, de proposer des produits particuliers, voire un concept novateur et surtout de soigner sa commercialisation.

« Cela ne s'improvise pas », reprend Virginie Thouvenin.

Travailler la présentation du produit, vendre du terroir et de la qualité, savoir en parler, communiquer : les producteurs y pensent, mais ne prennent jamais le temps de s'en occuper. « Il faut se mettre à la place du client, insiste la conseillère, il y a l'idée de faire plaisir, d'être acteur de son territoire et de participer à la vie économique locale. »

 

Savoir présenter ses produits pour les commercialiser, une des clés pour séduire la clientèle.

 

Evoluer, se remettre en cause, « même en filière longue, il faut s'interroger sur son client et ce qu'il cherche. Le producteur n'est pas marié à vie avec un opérateur économique », rappelle-t-elle.
« Il existe de nouvelles filières et de nouvelles manières de travailler », confirme Geoffrey Lafosse, conseiller à la chambre d'agriculture.

Il souligne l'émergence d'initiatives qui visent à « récréer des filières locales en démarche collective sur des produits très différenciés et porteurs de valeur ajoutée ».

Ces systèmes intermédiaires peuvent répondre à la nécessité, pour les agriculteurs isérois, de trouver de la valeur ajoutée, sans forcément passer par la vente directe.

Eleveurs de saveurs, Agneaux d'alpage, IGP Saint-Marcellin, le pôle agro-alimentaire participent de cette réflexion.

Un diagnostic de filière va être réalisé cette année, afin de mieux identifier les besoins en approvisionnement local.

Isabelle Doucet
Les Vergers de Louisias /

Un bon producteur et un bon gestionnaire

« J'ai tout de suite élaboré une stratégie commerciale, dans les années qui ont suivi mon installation, en 1983, explique Marc Bardin, qui produit des petits fruits et du blé à Charavines. A l'époque, on ne parlait pas beaucoup de diversification. »
Les Vergers de Louisias sont une exploitation de 17 hectares qui produit aussi du blé.
« Dès la commercialisation des premiers fruits, je me suis rend compte qu'il y avait une difficulté et qu'il fallait maîtriser sa commercialisation. J'ai fait des tentatives de vendre en gros ou semi-gros, explique le producteur qui s'est rapidement tourné vers le détail. Il faut être capable de calculer pour tirer un prix rémunérateur. »
Pour lui, la base, c'est le calcul des coûts de production.
Marc Bardin préparant ses confitures.

Et surtout, il s'est toujours interdit de vendre en dessous d'un certain seuil. « Si l'on ne trouve pas un réseau commercial, il faut s'en créer un. Il n'y a pas d'autres alternatives.
Pour Marc Bardin, le chef d'exploitation « n'est pas seulement un bosseur, mais il doit devenir acteur de son entreprise. Il n'y a pas de recette miracle pour s'en sortir. Quelles que soient les productions, si l'exploitant est un mauvais gestionnaire, il ne gagnera pas d'argent. »
« Mes confitures sont chères car elles sont bonnes »
Il raconte son expérience. « Du fait de ne pas arriver à trouver des marchés, j'ai stocké. J'ai fait des confitures et du sirop. Mais qu'en faire ? J'ai choisi le créneau de la production artisanale de qualité. Où vendre ? Dans une ville où cela est plus facile de vendre un peu plus cher en raison de mes coûts de production élevés. C'est un créneau étroit. »
Transformer plutôt que produire en quantité à des prix non rémunérateurs, le producteur a fait le calcul.
Les confitures des Vergers de Louisias.

« Toute ma vie, j'ai croisé des personnes qui trouvaient que je vendais mes fraises trop cher. Il faut savoir argumenter montrer quels sont les avantages pour le consommateur. Les confitures sont chères car elles sont bonnes. Aujourd'hui l'agriculteur ne peut plus simplement se contenter de produire, mais il doit aussi transformer et savoir vendre ».
Marc Bardin vend ses produits sur le marché de l'Estacade à Grenoble les samedi et dimanche matin. Il est également associé du magasin de producteurs de Biviers le Comptoir de nos fermes, ces deux activités représentant 80% de son chiffre d'affaires.
« Je suis aussi présent dans 12 Amap et dépôt-vendeur dans cinq autres magasins », précise-t-il.
Son dernier conseil, aux jeunes qui voudraient s'installer porte sur l'organisation. Rien de plus rentable qu'un bonne tournée de livraison, bien serrée, avec une camionnette bondée de produits frais et ciblant de gros volumes.
ID

 

Les Vergers de Louisias à Charavines.

 

Programme de la journée du 2 février :

Matin : Espace Vincendon à Chatte
Accueil à 9h30
Session plénière à 10h
Après-midi : salles de la mairie de Chatte
Ateliers de 13h30 à 15h15 :
- Commercialiser des produits du terroir : initiatives autour de la noix et de la noisette.
- La commercialisation, c'est mon affaire : viandes et céréales, les nouveaux débouchés
- Les signes de qualité : des outils pour commercialiser. Le lait, de Vercors lait à l'IGP saint-marcellin en passant par la collecte Biolait.
- S'unir pour commercialiser. Retour sur la légumerie, présentation du projet de miellerie collective de Chartreuse, et du GIEE de maraîchage dans le Trièves.
Restitution des ateliers et conclusion à 15h30.

 

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