Le doux et l'agneau

Même pas peur ! Installé depuis le 1er janvier 2015, Jérémy Charlot aborde sa carrière d'éleveur ovin avec sérénité. Les brebis, il a grandi avec. Il les connaît bien. Il en a même déjà conduit plusieurs au concours départemental, comme ça, « pour le plaisir ». Et quand, en janvier, il s'est installé en Gaec avec sa mère, prenant la suite de son père qui lui a « transmis la passion de l'élevage », la transition s'est faite en douceur. L'exploitation (65 ha de SAU) tourne avec 400 brebis F1 et huit béliers, un troupeau produisant chaque année quelque 500 agneaux. Côté répartition des tâches, sa mère s'occupe du volet administratif et des biberons aux agneaux ; lui, de tout le reste. Le père donne un coup de main pour les foins, le soin aux bêtes, l'agnelage, un gros boulot pour lequel quatre bras ne sont pas de trop.
Le bilan après huit mois d'activité ? Pour l'instant, les choses se passent plutôt bien. Jérémy procède comme son père avant lui et ne regrette pas son poste d'agent d'entretien des espaces verts dans une petite commune des environs. « Ce ne sont plus trop les mêmes journées, mais au moins je n'ai plus de patron », lance-t-il avec un sourire franc. Il s'est juste permis une petite innovation : expérimenter « l'effet mâle » sur les brebis pour stimuler l'ovulation, et donc synchroniser les naissances. Expérience prometteuse. De fait, l'éleveur se montre plutôt confiant en l'avenir. La crise de l'élevage, la conjoncture morose ne provoquent pas chez lui d'inquiétude particulière. Jérémy Charlot vend ses agneaux aux Bergers du soleil, à un prix correct du fait du maintien des cours de l'agneau de l'Adret Label rouge. Et comme ses F1, qui associent les qualités maternelles de la grivette aux qualités bouchères de la race Ile-de-France, présentent le bel atout du désaisonnement, le jeune éleveur totalise trois périodes de mises-bas par an et vend des agneaux toute l'année. Un bon calcul puisque « les agneaux en contre-saison sont mieux valorisés ».
Eté caniculaire et herbe rare
Seule ombre au tableau : l'herbe. En cet été caniculaire, sur les collines au-dessus de Voiron, « il ne reste plus trop à manger dans les pâtures ». Et si certaines prairies, non encore pâturées, présentent un bel aspect, Jérémy pense qu'il devra taper dans les stocks de fourrage avant la fin août. Mais du foin, il en a en quantité. « La première coupe a été bonne, la deuxième aussi, mais en moindre quantité. » Voilà pourquoi, au contraire de ses collègues éleveurs de bovins lait ou viande, Jérémy aborde le concours départemental l'esprit tranquille.
Patiemment, le sourcil froncé, l'œil plissé sous la casquette, le jeune homme observe son troupeau : il cherche trois jolies brebis. « Il faut des bêtes qui se ressemblent pour que le lot soit homogène, avec une belle ligne de dos et des aplombs bien droits... » Au fond de la prairie, il repère deux agnelles qui auront bientôt un an. Sourire : « Celles-là sont pas mal... » Reste à leur apprendre à marcher au pas, à les préparer pour qu'elles soient propres et jolies le jour du concours. Mais sans stress : « Au concours, j'y vais pas pour gagner, mais pour participer, assure l'éleveur. Si j'ai un prix, tant mieux, ça apporte une certaine satisfaction. Mais je ne vendrai pas mieux mes agneaux pour autant. »