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Débat

Le Parlement européen accepte les propositions de Bruxelles sur le verdissement

Les agriculteurs et les apiculteurs dénoncent le piège de mesures louables en apparence, mais contre-productives dans les faits.
Le Parlement européen accepte les propositions de Bruxelles sur le verdissement

Le Parlement européen ne s'est finalement pas opposé le 14 juin à la proposition de la Commission européenne de simplification du dispositif de verdissement de la Pac, qui prévoit en particulier l'interdiction de l'usage des produits phytosanitaires sur les surfaces d'intérêt écologique (SIE) productives (légumineuses). Les députés réunis en plénière à Strasbourg n'ont donc pas suivi – lors d'un vote très serré – la recommandation de leur commission de l'agriculture qui souhaitait mettre son veto à cette mesure.

Mesures de simplification

Outre cette disposition, la proposition de la commission comprend une quinzaine de mesures de simplification du verdissement parmi lesquelles : une plus grande flexibilité pour la qualification de certains éléments du paysage, l'ajustement des facteurs de pondération des SIE et l'amélioration des pratiques équivalentes pour la diversification des cultures. Les États membres avaient déjà, malgré quelques réticences, accepté la proposition de Bruxelles. Le texte va donc être prochainement publié au journal officiel de l'UE pour une entrée en application en 2018. Le DBV, principal syndicat agricole allemand, et la FNSEA avaient appelé les parlementaires à rejeter la proposition de la Commission européenne.

Source : Agrafil

 

La réaction du réseau Biodiversité pour les abeilles : « Il ne faut pas se tromper de débat »

 

Le débat autour de cette proposition de la Commission ne doit pas se transformer en référendum sur l'utilisation des produits phytosanitaires (insecticides, herbicides et fongicides) en agriculture. Tout le monde s'accorde sur la nécessité de réduire leurs usages et d'améliorer les itinéraires techniques pour répondre aux enjeux d'une agriculture durable : l'équilibre économique des exploitations, l'innovation agronomique et la performance environnementale. Les contraintes réglementaires doivent éviter de freiner le développement des cultures mellifères et pollinifères.
La question posée aux députés européens le 13 juin est celle de l'utilisation des produits phytosanitaires sur les SIE, les Surfaces d'Intérêt Ecologique. Compte tenu de leurs bénéfices pour l'environnement et la biodiversité, certaines productions agricoles sont éligibles sur ces surfaces. C'est notamment le cas des protéagineux comme la féverole ou encore le lupin. Or, ces cultures sont importantes pour réduire notre dépendance en protéines vis à vis des pays tiers, mais aussi pour leur contribution à l'alimentation des abeilles. Or, des abeilles bien alimentées sont des abeilles en bonne santé, capables de résister aux multiples agresseurs (Varroa, Nosema ceranae, loques américaine et européenne, virus, pollution...) et d'assurer le précieux service de la pollinisation, gage de notre sécurité alimentaire. 

L'intérêt des abeilles doit primer

Le maintien des surfaces de féveroles, luzerne, trèfles, lupins... est très important pour assurer le bol alimentaire des abeilles. Ces surfaces sont peu nombreuses (ex : environ 60 000 ha en France pour la féverole) mais stratégiques au plan de la biodiversité opérationnelle et des services écosystémiques. Elles nécessitent en outre une faible utilisation d'herbicides. La balance entre avantages et inconvénients penche indubitablement en faveur de leur maintien dans l'espace agricole. Très peu de surfaces sont nécessaires. On l'a vu avec le cas des jachères apicoles. Leur présence sur 0,5% de la zone de butinage assure plus des 2/3 de l'alimentation des abeilles.  « Avec peu, on fait beaucoup pour les abeilles » rappelle Philippe Lecompte, Président-fondateur du Réseau Biodiversité pour les Abeilles et apiculteur bio professionnel en Champagne. « Tout ce que l'agriculture peut offrir aux abeilles est bon à prendre. Il faut préserver ces surfaces mellifères qui doivent continuer à bénéficier de la réglementation actuelle sur les SIE. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, le mieux est l'ennemi du bien » poursuit-il.Le pois, la féverole et le lupin représentent aujourd'hui en France environ 250 000 ha contre plus de 700 000 ha dans les années 90. La courbe descendante suit celle de la production de miel.

Sans fleurs, difficile de faire du miel !

La possibilité d'intégrer ces légumineuses en tant que SIE constitue un des leviers incitatifs de la PAC permettant le développement de ces productions et de répondre ainsi aux objectifs politiques d'amélioration de notre autonomie en protéines. Sans désherbant ces surfaces se rapprocheraient du néant. Voilà pourquoi le projet de Règlement délégué de la Commission représente une menace pour les abeilles. Les députés européens ne doivent pas se tromper de combat. Ceux qui soutiendront cette réforme doivent être conscients que par leur vote ils vont contribuer à affamer les abeilles.

Le piège des mesures louables

On a déjà observé ce décalage entre un objectif de départ louable et une conséquence sur le terrain désastreuse. Le verdissement de la PAC, le fameux greening entendait aussi faire la part belle à la biodiversité. Ses ardents promoteurs se félicitaient à l'avance d'une réforme qui allait améliorer la qualité de l'environnement et même celle de nos abeilles. Pourtant, le greening a eu pour conséquence directe la suppression de la prime à la jachère mellifère. Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2015, la réglementation de la PAC ne fait aucune différence entre une jachère spontanée et une jachère mellifère. L'une se contente de laisser pousser les espèces présentes naturellement, c'est à dire principalement des espèces herbacées. L'autre est conçue pour offrir une succession de floraisons d'espèces reconnues pour la qualité de leurs apports en pollen et en nectar. Au plan environnemental, comment mettre ces deux types de jachères sur un même pied d'égalité ? Cette ineptie a eu pour conséquence une réduction massive des surfaces de jachères mellifères, véritables garde-manger pour les abeilles.

Réseau Biodiversité pour les abeilles