Les responsables JA de l'Isère de demain face à leurs défis

Se remettre en question, donner du sens à l'action : la réflexion est une seconde nature chez JA.
Aussi l'assemblée générale reste un temps privilégié d'échanges à bâtons rompus. A Morestel, vendredi 16 mars, les JA Isère n'ont pas dérogé à la règle, se penchant sur les années de crise et de lutte.
« 2015 a été une année de mobilisation pour obtenir peu de choses », constate Pierre-Jean Dye, en charge de l'installation à JA38.
Invité à débattre Mickaël Gonin, élu JA Auvergne Rhône-Alpes, réconnaît qu'il n'y a « rien eu de concret. Mais derrière, ajoute-t-il, nous avons vu une certaine empathie du consommateur ».
2015 marque sûrement un tournant dans l'approche du grand public pour le métier agricole avec la reconnaissance de l'engagement des exploitants et leur empreinte dans les territoires.
« On reprend le pouvoir », lance le responsable régional en citant les initiatives des marques de producteurs. « C'est au syndicalisme de les fédérer pour peser dans le rapport de force. »
Esprit d'équipe
Ludovic Rouvière, JA national et éleveur en Lozère, fait part de l'évolution de l'esprit des jeunes agriculteurs. Ils sont passés d'une recherche d'information « à pas assez d'action et de cohésion de groupe ». Pour lui, les priorités pour JA sont donc de « rebooster l'esprit d'équipe ».
Aurélien Clavel, vice-président JA France et Isère, va plus loin. « La question est de savoir comment on bouge et comment on obtient les choses », déclare-t-il, estimant qu'aujourd'hui, les avancées se construisent sur le long terme.
« Nous sommes à un tournant. Que veut-on pour notre agriculture demain ? », interroge-t-il.
Les Etats généraux de l'alimentation sont tombés à point nommé « pour redonner du poids aux producteurs. Encore faut-il s'organiser », martèle Aurélien Clavel. Parce que la partie avec la distribution, qui ne respecte même pas la charte qu'elle a signé en attendant la loi, est loin d'être gagnée.
« Le loup, vous l'avez vu, et même trop souvent », enchaîne Ludovic Rouvière, qui est également référent loup JA et a suivi les négociations du nouveau Plan loup.
Il ne cache pas son amertume. « Plus d'une vingtaine de réunions, des propositions et aucune de retenue. »
Il dénonce, un ministère de la Transition Ecologique fermé aux demandes du monde agricole, des négociateurs pour la plupart méconnaissant les problématiques agropastorales et un retour en arrière sur de nombreux points.
Alors que les attaques sur les troupeaux redoublent, il se demande ce qu'il adviendra lorsque les 40 loups plus les 2% autorisés seront prélevés.
Là aussi, les éleveurs se heurtent au mur de l'incompréhension de l'opinion publique.
Si elle n'est pas encore perdue, la partie se jouera dans la communication et dans la prise de conscience de ce que coûte le loup à l'Etat. « Quand Bercy dira stop... », espèrent les éleveurs.
Pour l'heure, dès qu'ils prennent la parole sur le sujet, « on se fait défoncer ». Le débat leur semble biaisé.
De l'ambition
C'est ce qu'exprime Sébastien Poncet, président de JA Isère, dans son rapport moral.
Ce ras-le-bol des positions à charge contre l'agriculture. « Les agriculteurs ne sont pas responsables de tous les malheurs de ce pays !», plaide-t-il.
En dépit des cours instables, d'une règlementation de plus en plus dure, de la pression de la prédation, des ATR* qui n'en finissent pas d'être instruites, le président souligne que sa génération « a de l'ambition et veut croire en l'agriculture iséroise ».
Ludovic Rouvière les encourage encore une fois : « Aux élections chambre, les JA ont tout leur place.»
Pascal Denolly, encore président de la FDSEA Isère, lui a répondu en écho dans ce qui devait être son discours de clôture à ces responsabilités-là.
Il a fait valoir le « contrat de solutions » que porte le syndicat majoritaire, qui sont autant de « propositions constructives et réalistes qui permettront demain aux agriculteurs de progresser dans leurs pratiques et répondent aux attentes sociétales ».
Le loup, les directives nitrates, les zones vulnérables : les sujets qui fâchent et donnent matière à l'action syndicale sont nombreux.
Pascal Denolly veut aussi croire aux Etats généraux de l'alimentation dans lesquels la FDSEA de l'Isère s'est « investie au maximum ».
Mais il reste prudent. « J'espère que nous ne nous sommes pas fait avoir. Nous nous sommes extrêmement engagés et les attentes sont extrêmement fortes », déclare-t-il en présence de la députée Cendra Motin.
A l'adresse des JA, le leader syndical enjoint : « Soyez gourmands de la vie et en vous investissant ».
Comme un passage de relais, il conclut : « Vous êtes les responsables du département des cinq à dix années à venir. C'est une charge et aussi des défis. Il faut se donner des objectifs atteignables. »
Isabelle Doucet
*ATR : Apport de trésorerie remboursable, dans l'attente des versements PAC
Débat / Dans un contexte difficile, les exploitations développent des stratégies en cohérence avec leur environnement économique.
Saisir les opportunités de filières
L'un a choisi la diversification, l'autre l'agrandissement. Pour sécuriser une exploitation, il n'existe pas de recette miracle, mais autant de stratégies que de fermes soucieuses de sécuriser leur modèle dans un contexte toujours incertain.A Poliénas, Cédric Ruzzin, en Gaec avec son père, a fait le choix de trois ateliers différents sous label : des ovins, des volailles et des noix.
« Il y a toujours un atelier qui marche mieux que les autres », souligne-t-il. « Nous ne sommes pas payés au juste prix au regard de la qualité du travail que nous fournissons, ajoute le producteur. Mais notre richesse, c'est notre liberté de gérer notre exploitation comme nous le souhaitons et de prendre du temps pour nous et nos familles. »
Pour anticiper le départ à la retraite de son père, la réorganisation s'opère en douceur et en appui avec le groupement d'employeurs. A terme, la solution envisagée est sûrement celle d'un salarié.
Jérémy Durand, installé à La Chapelle en Gaec avec sa mère dans une exploitation laitière, a opté pour la performance et la spécialisation pour parer la faiblesse des cours du lait.
L'objectif est d'atteindre 630 000 litres de lait à deux personnes. Pour y parvenir en conservant un équilibre économique, la ferme s'appuie sur un système largement basé sur l'herbe, à la faveur de 35 hectares de patûrages regroupés autour de l'exploitation.

« Nous envisageons des investissements sur la base d'un prix du lait à 300 euros les 1 000 litres pendant quatre ans, poursuit-il. Il ne faut pas mettre la barre haut. L'avenir est incertain, mais je suis quand-même convaincu qu'il faudra toujours du lait, même si nous avons encore quelques mauvaises années devant nous.»
Se battre, comme leurs parents l'ont fait avant eux, les jeunes agriculteurs ont cela dans leurs gènes.Des outils de protection
Romain Lecomte, responsable développement et performance à Cerfrance Isère rappelle qu'il convient de distinguer les difficultés conjoncturelles et structurelles.
Le réseau de conseil en entreprise a modélisé la performance économique des exploitations selon les filières. Il dispose de données qui permettent aux fermes de se positionner par rapport à une moyenne.
Savoir se situer en termes de performance puis saisir les opportunités de filières, notamment en Isère où les circuits courts apportent des perspectives de valeur ajoutée, sont quelques pistes délivrées par le réseau de conseil.Enfin, les établissements bancaires, représentés par Caroline Brenas, en charge des relations avec les acteurs du monde agricole pour le Crédit agricole Sud Rhône Alpes, ont mis en place différents types d'outils assurantiels, dont l'assurance protection des revenus ou pour les aléas climatiques.
En 2018, une nouvelle couverture concerne les prairies, le souscripteur voyant la pousse d'herbe de ses parcelles mesurée par satellite.
Enfin, les contrats d'assurance récolte proposés par les banques demeurent encore peu développés.
Pour Mickaël Gonin, « que les organismes prêteurs soient proactifs », c'est une chose, mais il insiste pour « que les filières jouent aussi le jeu ». Il s'explique : « Il existe des outils coopératifs pour pallier le déficit des filières. C'est là qu'intervient le véritable travail syndical.»ID