Les spécialistes de la règlementation fermière

« Ce qui nous réunit, c'est l'application de la règlementation dans la filière fermière », déclare Frédéric Blanchard, le président de l'association des producteurs fermiers de l'Isère, lors de l'assemblée générale qui s'est déroulée début avril à Plan.
L'APFI regrette d'être peu reconnue. Pourtant, depuis 20 ans, ses adhérents ont développé une grande expertise de la maîtrise sanitaire. « Hors IGP ou AOP, on oublie les gens comme nous », ajoute Pascale Francillon, vice-présidente plus particulièrement en charge de la communication.
Les producteurs fermiers rejettent l'image d'Epinal qui les relèguerait à des pratiques d'un autre âge.
« Nous faisons des produits traditionnels, mais avec technicité et modernité », insistent-il. « Libres et indépendants », ces producteurs ne sont liés à aucun laboratoire, aucune administration, aucun syndicat, même s'ils ont signé une convention de partenariat avec la chambre d'agriculture de l'Isère.
Parler de qualité sanitaire
C'est pour mieux expliquer ce qu'ils sont que les producteurs fermiers de l'Isère vont éditer deux plaquettes d'information.
L'une, en direction des producteurs, détaillera comment et pourquoi l'AFPI acompagne les professionnels et leur délivrera des conseils. « Nous rappellerons aussi nos valeurs : un réseau, des échanges d'expériences et d'expertises », insiste Pascale Francillon.
Le deuxième document s'adresse aux partenaires et aux consommateurs. « Un des enjeux de la plaquette est de parler sereinement de qualité sanitaire avec nos clients », reprend la productrice. « Nous travaillons sur des plans de maîtrise sanitaire. Nous ne sommes pas seuls et nous savons ce que nous faisons. »
Le site internet de l'AFPI devrait également bénéficier d'un rajeunissement.
Plan d'autocontrôle
Poursuivant ses missions de défense des intérêts de la filière fermière, l'association a profité du temps de l'assemblée générale pour se pencher sur les moyens de bâtir un plan d'autocontrôle pertinent sans se ruiner.
Frédéric Blanchard, a rappelé la règlementation européenne qui laisse le producteur responsable de ses analyses.
Pour que des analyses soient significatives, il faut que le nombre d'échantillons soit important, ce qui pénalise les petits producteurs, en lait comme en viande.
Une suggestion serait de réviser la façon de faire des lots : à la semaine plutôt qu'à la journée par exemple. Par définition, un lot comprend des « produits fabriqués selon un process homogène équivalent ». Le risque : si le lot n'est pas bon, c'est l'ensemble de la production qu'il faut écarter. D'où l'intérêt de « faire des lots dans les lots ».
Rien n'est laissé au hasard
Mais, ce qui devance les analyses, c'est la maîtrise des bonnes pratiques et leur sécurisation afin de sortir des lots exempts de tout risque.
Cela concerne la salle de traite, la fromagerie, la laiterie ou l'atelier de découpe, c'est-à-dire le nettoyage des mamelles, des machines, la température de l'eau, les planches à découper. Rien n'est laissé au hasard.
Une des sources de risque est par exemple l'arrivée d'une nouvelle personne dans l'entreprise, qu'il faut former sur le champ aux bonnes pratiques. « Il faut être efficace, aller chercher du côté des points faibles des procédés », ajoute Frédéric Blanchard.
Les analyses effectuées sur les planches d'affinage où passent tous les fromages ou les eaux de lavage sont représentatives. Si elles sont positives, il convient de donner l'alerte.
Au cas par cas
En viande, les bactéries spécifiques sont les salmonelles, listéria et entérobactéries pour le porc et la volaille et E. Coli pour les bovins, caprins, ovins.
Les bactéries anaérobies sulfito-réductrices sont aussi recherchées dans les charcuteries cuites sous vide ou non.
« La recherche de staphilocoques peut être écartée par l'application de bonnes pratiques (coupures = port de gants ; rhume = masque ) », ajoute Gilles Testatinière, le conseiller chambre auprès de l'AFPI.
Il recommande de ne pas négliger les critères visuels et olfactifs.
Pour chaque production, le plan d'autocontrôle est à bâtir au cas par cas : validation d'un process de fabrication, mise en place des bonnes pratiques, retour à la normale après un rappel de produits ou suivi de routine.
Le budget dédié aux analyses représente en général entre 0,3% et 0,4% du chiffre d'affaires de l'exploitation.
Isabelle Doucet
En cas d'alerte
Jamais agréable de retirer des lots, l'actualité en témoigne.« En produits transformés, c'est le professionnel qui prévient l'administration, explique Gilles Testanière, conseiller chambre d'agriculture auprès de l'APFI, y compris si les produits ne sont pas encore sur le marché ». Salmonelles et listéria, pour les produits affinés, staphylocoque et escherichia coli pour les produits frais sont les quatres germes pathogènes du lait recherchés dans les analyses.
« L'administration a le droit, sur simple suspicion, de demander directement au laboratoire les analyses d'un opérateur », poursuit le conseiller.
Dès qu'une crise est susceptible d'être déclenchée, l'AFPI souhaite être prévenue, de même que le producteur concerné. « On est organisé, on sait ce qu'on fait, on a des techniciens », déclare Frédéric Blanchard.
La destruction d'un lot qui n'a pas été mis en marché, peut se dispenser de publicité. En revanche, s'il y a retrait du marché, la communication est importante
L'AFPI en chiffres en 2018 :
176 adhérents dont 130 fromagers (10 ovins lait et 73 caprins) et 43 producteurs de viande.
11 formations volet carné (107 bénéficiaires)
9 formations volet fromager (83 bénéficiares)