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Energies renouvelables

Méthanisère, une affaire d'Etat

La réunion publique au sujet du méthaniseur d'Apprieu a réuni plus de 300 personnes et vu les arguments des opposants s'écrouler les uns après les autres. Mais le projet reste bloqué par le recours sur le permis de construire déposé par le conseil municipal.
Méthanisère, une affaire d'Etat

« Je n'ai toujours pas compris pourquoi ce méthaniseur ne peut pas s'implanter sur le terrain de la Croix Vanel au milieu des champs, ne cessait de répéter Monique Limon, députée de la 7e circonscription de l'Isère, qui avait organisé, jeudi dernier à Apprieu, une nouvelle réunion publique au sujet du méthaniseur.
Cette énième rencontre n'aura peut-être pas été vaine, tant les esprits chagrins se sont dévoilés. Le projet a cristallisé beaucoup de crispations et autant d'incompréhensions jusqu'à aboutir à une situation de blocage sur fond de « nimby », not in my backyard, c'est-à-dire, pas au fond de mon jardin.
« Ce n'est pas souvent que l'on voit un projet soutenu par l'Etat, la Région, le Département, l'Ademe, la Frapna, la chambre d'agriculture et des Apprelans », a aussi rapporté la députée.

Spéculation foncière

La réunion a permis de mettre en exergue la principale pierre d'achoppement : le foncier et la crainte de moins-value des riverains en cas de transaction immobilière, du fait de la présence d'un méthaniseur. En revanche, la proximité avec la zone d'activité ne les dérange pas.
Le nouveau président de la communauté de communes de Bièvre Est, Roger Valtrat, a bien insisté sur le fait que le PLUI était en cours d'élaboration et que « tous les zonages sont déjà fixés et ne seront pas évolutifs à moyen terme, qu'il s'agisse des implantations agricoles, industrielles ou de l'habitat ». Le secteur ne peut donc pas faire l'objet d'une spéculation foncière.

Patiemment, les agriculteurs du projet ont répondu pied à pied à toutes les interrogations de l'assistance, depuis celles des opposants, menés par Alain Vial, président du comité de défense contre le méthaniseur à Croix Vanel, jusqu'aux observations de certains Apprelans, lassés qu'on parle en leur nom et qui ont pour une fois osé dire que le méthaniseur ne leur posait pas de problème.

Contre-vérités

Cependant, en fin de réunion, le sénateur Didier Rambaud n'a pas mâché ses mots pour dénoncer les contre-vérités.
Il a en effet été dit que plusieurs alternatives avaient été proposées. Certaines voyaient le prix du foncier agricole passer de 50 centimes à 6 euros le m2 - un scandale pour les professionnels agricoles -, d'autres trop excentrées rallongeaint le temps de trajet des agriculteurs. Enfin, « il n'y a jamais eu de projet à Colombe » a tancé le sénateur.
« Il est également faux de faire croire qu'il n'y a pas d'avenir agricole dans le secteur. Nous avons pris nos responsabilités au Scot, il y a des frontières intangibles et nous veillerons à ce que les terres agricoles soient préservées ».

 

Didier Rambaud, sénateur, a dénoncé les contre-vérités.


Quant à ceux qui reprochent aux porteurs de projet d'avoir été mis dans devant le fait accompli, le sénateur s'insurge encore car le comité de pilotage œuvre sur le projet depuis plusieurs années. 
« Nous avons franchi toutes les étapes, d'évidence il s'agit d'un beau projet ».

Qu'a-t-on fait de tout ce temps ?

Tout en écoutant les différentes parties s'exprimer, les opposants étant les plus virulents, les élus nationaux et locaux se sont attachés à mettre les citoyens face à leurs contradictions, à commencer par leur rejet d'un projet de développement durable.
Gérard Gros Balthazard, un des agriculteurs pionniers du travail des sols et de l'agronomie en Isère, membre du collectif de Méthanisère, a rappelé le sens de son engagement au regard du réchauffement climatique. « Tout le monde en parle, on peut pas dire qu'on ne savait pas.»
L'ironie veut que cet agriculteur, qui a passé sa vie à redonner vie aux sols, restitue aujourd'hui les terres qu'il a travaillées, mais situées dans le périmètre de la zone d'activité, au profit d'un projet de logistique.
Alors quand on mégote sur les flux, le poids des remorques, la taille des pneus, sur les odeurs ou sur l'impossible emplacement, parfois ça peut l'agacer. « Cela fait cinq ans et on en est encore là. Qu'a-t-on fait de tout ce temps ? » interroge-t-il.

Pascal Denolly, le président de la FDSEA Isère a fait valoir les très lourds investissements auxquels les agriculteurs sont contraints pour tendre vers une agriculture « plus vertueuse ».

« Donnez leur chance aux agriculteurs qui investissent dans l'avenir, a-t-il sommé. On ne peut pas prêcher pour une zone d'activité qui génère d'énormes flux et s'opposer à un investissement qui génère quelques flux supplémentaires. Il convient d'avoir une approche globale. On ne peut pas ne pas vouloir du méthaniseur et dire aux agriculteurs faites comme avant, démerdez-vous avez votre fumier, on ne veut pas savoir. Il y a des intérêts privés qui justifient une partie de la résistance. »

Sortir par le haut

Monique Limon a exhorté chacun à sortir grandi de ce projet, à commencer par la mairie qui a déposé un recours contre le permis de construire. « La balle est dans le camp des élus d'Apprieu » , a lancé la députée.

 

Au centre, la députée Monique Limon est à l'initiative de la réunion publique.


Mais le maire, Dominique Pailler, est resté intraitable, même s'il reconnaît que la situation actuelle « est le résultat d'une brouille ».
Aujourd'hui, le recours de la commune a conduit à la suspension des travaux. La cour de cassation s'est déclarée non compétente pour juger de la compatibilité de Méthanisère avec le PLU d'Apprieu. « Nous allons vers un jugement sur le fond », a annoncé Dominique Pailler.
« Le fait de respecter la loi n'est pas un problème », a rétorqué Monique Limon, persuadée, qu'il existe une autre voie, « sauf à entendre que les agriculteurs qui sont là devront mettre la clé sous la porte ».

« Quelque chose s'est passé »

A la fin de la réunion publique, la gêne était perceptible, chacun étant conscient que se jouait là la survie de la plaine agricole d'Apprieu.

« Quelque chose s'est passé », déclarait à froid Lionel Termoz Bajat, le président de Méthanisère.
Dépité jeudi soir, il a été surpris par le nombre de personnes qui ont témoigné de leur soutien au projet dès le lendemain. « Les gens ont vu que ça allait trop loin », reprend-il.
Le doute se serait même immiscé au sein du conseil municipal mis sous pression et de plus en plus isolé. Un conseil municipal exceptionnel pourrait se tenir permettant de faire bouger les lignes.
Deux pistes auraient été évoquées permettant « de sortir par le haut » de cette crise : la levée du recours déposé par la mairie ou bien le dépôt par les agriculteurs d'un permis de construire modificatif avec un hangar supplémentaire pour une optimisation du traitement des odeurs.

Isabelle Doucet
Le projet

Un méthaniseur 100% agricole

Depuis 6 ans, Méthanisère est porté par 7 exploitations agricoles et 14 associés dont un seul n'est pas agriculteur. Les 13 agriculteurs détiennent 70% des parts. Le montant de l'investissement est estimé à 5 millions d'euros.
L'approvisionnement du méthaniseur est 100% agricole : fumiers et lisiers, cultures intermédiaires et résidus végétaux.
Le projet a obtenu le permis de construire et l'autorisation d'exploiter, l'ICPE.
Dans a plaine agricole d'Apprieu, à peine lancés, les travaux du méthaniseur sont à l'arrêt.
L'activité de Méthanisère produira 100 Nm3 de biométhane par heure, toute l'année, injectés en continu dans les canalisations de gaz GrDF. Ce qui représente l'équivalent de la consommation énergétique annuelle totale d'environ 600 foyers.