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Elevage laitier

Mettre en place un sytème de conduite d'élevage cohérent à l'échelle de l'exploitation

Les comptabilités 2016 des exploitations laitières ont parlé. La crise est toujours là, mais les éleveurs des départements laitiers de Rhône-Alpes s'adaptent pour passer le cap.
Mettre en place un sytème de conduite d'élevage cohérent à l'échelle de l'exploitation

Les élevages qui s'en sortent sont ceux qui combinent audace et réflexion.

C'est ce qui ressort d'une étude menée par le Cerfrance Isère.

S'appuyant sur les comptabilités de 2016, l'organisme a épluché les bilans de 389 exploitations spécialisées en lait conventionnel (1), implantées dans les départements de la Loire (à hauteur de 50%), du Rhône, de l'Isère (à hauteur de 7%), de l'Ardèche, de la Drôme et de la Savoie.
L'étude des comptabilités de ces exploitations a permis de les classer selon trois catégories.

Les élevages qui se trouvent dans le quart supérieur, présentent une productivité plus importante que les autres (196 000 litres par Unité de travail humain (UTH), contre 168 000 litres pour ceux qui sont dans le quart inférieur), des charges moindres : 158 euros les 1 000 litres dans le quart supérieur et 212 euros dans le quart inférieur, pour les charges opérationnelles et 289 euros les 1 000 litres dans le quart supérieur et 330 euros dans le quart inférieur, pour les charges de structure.

Les coûts de production font également la différence : 447 euros les 1 000 litres pour les exploitations les plus performantes contre 542 euros pour les autres.

Marge d'orientation positive

Leur prix d'équilibre (2) est aussi plus bas : autour de 288 euros les 1 000 litres contre 360 euros dans celles du quart inférieur.

Si on le compare au prix auquel leur lait a été payé, qui est de 316 euros pour 1 000 litres dans les exploitations présentant les meilleurs résultats et de 303 euros pour les autres, il permet d'obtenir une marge d'orientation de + 28 euros pour 1 000 litres dans les meilleurs élevages et de - 56 euros pour ceux qui rencontrent le plus de difficultés.

« Si l'on examine ces chiffres ligne par ligne, ils ne sont pas spectaculaires. Mais, à l'arrivée, ils représentent un écart important, qui met en avant des différences de conduite d'élevage », souligne Olivier Marcant, conseiller d'entreprise au Cerfrance Isère.

Il estime qu'il est important que les éleveurs réalisent une analyse globale de leurs résultats.

« Si leur marge d'orientation est positive, l'exploitation s'en sort. Si ce n'est pas le cas, ils doivent mener une réflexion plus fine ».

Des résultats qui s'équilibrent

Olivier Marcant revient sur deux préjugés répandus, mais que cette étude ne vérifie pas.

« Ce ne sont pas forcément les exploitants qui ont le moins d'annuités et qui perçoivent le plus de subventions, qui sont les plus performants. Ceux qui sont dans le quart supérieur de notre classification sont ceux qui ont le plus d'annuités et le moins de subventions. Ils n'ont pas peur d'investir, car ils estiment que c'est ce qui leur permet d'améliorer leurs résultats. Mais ils le font avec beaucoup de réflexion », détaille le conseiller.

Pour lui, « ce qui est important, c'est la cohérence du système choisi par l'éleveur et sa maîtrise  ».

Il donne comme exemple, un éleveur qui présente un poste de charges alimentaires supérieur à la moyenne.

« Si la productivité de ses vaches est elle aussi supérieure à la moyenne, cela ne sera pas un problème. Même chose pour un agriculteur qui a des charges opérationnelles plus importantes. Si ses charges de structure sont plus faibles, cela fonctionne aussi. Ce qu'il faut, c'est que les résultats s'équilibrent ».

Changements de pratiques

L'étude a révèle différents changements de pratiques, notamment en matière d'alimentation.

Les éleveurs sont revenus aux matières premières, ce qui leur a permis de réaliser des économies.

« En moyenne, le poste a baissé de six euros pour 1 000 litres entre 2015 et 2016. C'est prometteur pour les années à venir, car il s'agit de changements qui ne sont pas immédiatement suivis d'effets dans la comptabilité des exploitations. Les impacts seront probablement plus importants à l'avenir », souligne Olivier Marcant.

La crise étant là, les éleveurs se posent davantage de questions et envisagent d'autres pistes de conduite d'exploitation.

Même si ce n'est pas la panacée, le passage au bio en est une.

De nombreuses réflexions ont été menées en la matière et un certain nombre de conversions ont eu lieu dernièrement.

« Elles illustrent la capacité des éleveurs à se remettre en question en se demandant : « Que puis-je faire pour améliorer mes produits quand je ne peux plus rien faire pour diminuer mes charges ? », indique le technicien.

Heureusement, l'année 2017 devrait être meilleure. Le prix du lait repart à la hausse et la conjoncture de la production végétale s'annonce aussi supérieure. 

 

(1) Où le produit lait est supérieur à 70% des produits hors primes.

(2) soit le prix de vente minimum qui permet de dégager un produit suffisant pour couvrir l'ensemble des dépenses courantes, de faire face aux annuités et de satisfaire les besoins en prélèvements privés

Isabelle Brenguier
Technique / Isère conseil élevage a identifié trois leviers pour rendre les élevages plus compétitifs.

Rendre son élevage plus compétitif

« Ces leviers n'ont ni la même échelle, ni le même pas de temps, mais ils sont complémentaires les uns des autres », explique Jean-Philippe Goron, conseiller spécialisé à Isère conseil élevage.
Selon le technicien, il est important de mettre en place un système fourrager cohérent à l'échelle de l'exploitation.
De nombreux changements ont impacté les élevages ces dernières années (au niveau du climat, de la taille des exploitations, du coût des intrants...).
Cela doit inciter les éleveurs à reconsidérer la place du maïs dans le système fourrager, à améliorer la qualité de leur ensilage d'herbe et à trouver le bon positionnement de leur pâturage, que ce soit pour les vaches ou les génisses.
Technicité
Le troupeau doit être piloté avec beaucoup de technicité, de façon à permettre aux bêtes d'être dans les meilleures conditions de confort et de capacité reproductive pour qu'elles puissent exprimer tout leur potentiel, qu'elles n'aient ni problème de santé, ni de reproduction.
Elles doivent être nourries avec une alimentation qui conjugue un bon rapport qualité-prix.
« Cela ne signifie pas qu'il faut donner des aliments bas de gamme, mais cela consiste à valoriser les céréales produites dans l'exploitation, à privilégier les achats groupés qui permettent de réduire les coûts et à améliorer la qualité de la ration », insiste Jean-Philippe Goron.
Et, à défaut d'avoir la main sur le prix du lait, les éleveurs peuvent jouer sur sa qualité, ce qui peut leur permettre de décrocher des primes. Le travail sur la saisonnalité peut notamment s'avérer particulièrement intéressant.
Enfin, à plus long terme, l'organisme spécialisé préconise de bien penser sa stratégie d'investissement en amont.
« Il existe des ratios qui permettent d'aider l'agriculteur à se positionner pour vérifier que les investissements - en matériel, en bâtiments - soient cohérents. Il faut les utiliser, souligne le technicien. Car toute erreur se paye immédiatement, très cher et longtemps. C'est le cas de ceux qui ont surdimensionné leurs investissements. »
IB

 

 

« Rendez-vous duo » : l'accompagnement gagnant

(Encadré)
Le dispositif des rendez-vous duo a été reconduit.
Pour trouver des pistes d'améliorations aux problèmes rencontrés par les exploitations laitières, frappées par la crise, les organismes agricoles isérois ont imaginé les « rendez-vous duo ».
Le principe : rassembler, autour de la même table, l'éleveur, un conseiller technique et un conseiller économique pour réaliser un diagnostic  technico-économique de la structure.
150 rencontres ont ainsi été organisées en 2016.
Le dispositif est reconduit et même élargi à toutes les exploitations qui ont besoin d'un accompagnement, pas seulement celles qui sont en difficulté financière.
« La combinaison des compétences technique et économique permet d'avoir une meilleure vision de l'exploitation », précise Olivier Marcant, conseiller d'entreprise au Cerfrance Isère.
A noter que le Département, le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes et les OPA prennent en charge 75 % du coût de la prestation.
IB