Moissons, maïs et tournesols sous haute surveillance

La nature a soif. Et ce ne sont pas les trois gouttes tombées le week-end dernier en Isère qui vont rattrapper le coup. Depuis près d'un mois qu'il n'a pas plu, les cultures souffrent. Placé en vigilance sécheresse dès le début du mois de juillet, le département, comme tout le Centre-Est de la France, est soumis à rude épreuve. La température de l'air, qui atteint régulièrement les 35-36 °C, ventile du vent chaud, ce qui accentue encore le dessèchement et le coup de chaud sur les cultures. Même les terres profondes, qui résistent bien habituellement aux épisodes secs, comme dans les Terres froides par exemple, sont actuellement « au bout du bout ».
Stress hydrique
Côté noix, « ceux qui n'arrosent pas commencent à souffrir, indique Jean-Luc Revol, le président de la Senura. Les feuilles des noyers jaunissent, se mettent à tomber : ce n'est pas bon signe. Il ne faudrait pas que ça continue comme ça pendant trois semaines ». Chez les nuciculteurs, l'heure n'est donc pas encore à la mise en alerte. Pour les grandes cultures en revanche, la menace se précise. Maïs et tournesol sont à la peine. Dans certains secteurs, comme du côté de Beaurepaire, dans le Trièves ou en Matheysine, le stress hydrique est total. Dans la Bièvre et la vallée du Gresivaudan, l'état est « acceptable », juge Grégory Pinçon, de La Dauphinoise. Ailleurs, tout dépend de la nature des sols, des réserves en eau et des dates de semis. Pour le maïs, la situation est tendue, voire « compliquée » dans les secteurs de Vienne et d'Estrablin. Mais il peut exister des écarts importants au sein même des exploitations, selon l'emplacement des parcelles.
« Pour le tournesol, si la floraison du bouton ne s'est pas faite avant le coup de sec, c'est perdu, prévient Claude faivre, céréalier à Pommier-de-Beaurepaire. Quant au maïs, c'est très critique. Il arrive à floraison et se dessèche tous les jours. Ça ne se rattrappe pas la nuit. » Du côté d'Eydoche, certains en viennent même à ensiler le maïs pour sauver ce qui peut encore l'être. « Mais ce qui est bon, c'est le grain, pas la tige. Et là, le grain ne s'est même pas formé », poursuit Claude Faivre. Or, si la récolte de maïs, qui sert essentiellement à nourrir le bétail, est mauvaise, on imagine aisément les conséquences dramatiques que cela aura sur des trésoreries exangues. D'autant que certains éleveurs puisent déjà dans leurs stocks de foin pour l'hiver quand les troupeaux n'ont plus un brin d'herbe à se mettre sous la dent dans les prés.
Pompes à plein régime
Ceux qui irriguent s'en sortent un peu mieux. Mais à peine. « On arrive tout juste à tenir les maïs en état », témoigne Franck Doucet. Les pompes fonctionnent à plein régime depuis 15 jours. Les tours d'eau sont devenus compliqués : « On ne peut plus se contenter d'un tour d'eau tous les huits jours, s'inquiète le représentant des irrigants de l'Isère. Par chance, la ressource souterraine est bonne : les nappes se sont bien rechargées. Il n'y a pas de souci là-dessus. »
La situation est plus délicate pour les eaux de surface. Et si la Préfecture indique que « la situation n'est pas exceptionnelle pour la saison », l'alerte est lancée : « Compte tenu de l'évolution des températures, 35 à 40°C, avec des évapotranspiration (ETP) de l'ordre de 7mm/jour et des températures de nuit ne descendant pas en dessous de 20°C (Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs) ou 22 à 23° (Bourgoin-Jallieu), l'impact sur la ressource superficielle » est désormais avéré. D'où le placement de tout le département en vigilance sur les eaux superficielles. « Cette décision n’impose pas de restriction particulière sur les usages de l’eau, mais doit inciter chacun à une gestion la plus économique possible de la ressource », précise la Préfecture.
Côté moissons, tout se fait au pas de charge. Les entrepreneurs sont souvent obligés de répartir le volume de travail entre les différents clients, pour éviter la surchauffe des machines… et des esprits. « Je fais un peu chez l'un, un peu chez l'autre », explique une jeune entrepreneur de Belmont qui tente de satisfaire ses clients comme il peut. Et si la récolte de blés est prometteuse - la qualité et les rendements sont là -, les moissons ne sont pas à l'abri de départ de feu. « La sécheresse est sévère, indiquent les pompiers de l'Isère. Au moindre départ de feu, on envoie la cavalerie pour circonscrire l'incendie rapidement. »
Marianne Boilève