Optimiser le stockage des légumes en hiver

Pour satisfaire sa clientèle, il faut lui proposer du choix et de la qualité. Surtout en hiver. Les maraîchers peuvent certes diversifier leurs productions, il n'en faut pas moins optimiser le stockage sans multiplier les équipements, ni consentir de trop gros investissements. Pour beaucoup de petits maraîchers, les solutions tiennent souvent du système D. Ceux qui ne peuvent stocker en chambre froide se débrouillent pour conserver leurs légumes en cave, en caisse ou en grange, parfois même dans un ancien caisson frigorifique entouré de bottes de paille. Encore faut-il avoir adopté des variétés aptes à la conservation, les avoir ramassés dans de bonnes conditions (par temps sec, lorsque le légume est sain et qu'il a fini sa croissance) et diminuer rapidement la température après la récolte (d'où l'intérêt de la chambre froide). « Il faut veiller également aux conditions de stockage, rappelle Claire Jaoul, conseillère maraîchage à la chambre d'agriculture de l'Isère. Mieux vaut éviter de conserver ensemble des fruits dégageant de l'éthylène, comme les pommes et les poires, et des légumes fragiles, comme les poireaux, les choux ou les carottes, car ça accélère leur maturation et perte de qualité. » Même consigne avec les légumes dégageant des odeurs pouvant parasiter les fruits.
Courgerie ventilée
Les conditions de conservation dépendent aussi du légume. Pour l'ail et les oignons, le froid (4 à 6°C) plutôt sec est recommandé, tandis que la courge nécessite 70 à 75% d'humidité et une atmosphère tempérée (11 à 13°). « Il faut faire son calcul, préconise la technicienne. Pour les courges par exemple, on peut chauffer : cela occasionne moins de perte. Mais ça coûte cher. » A Herbeys, les Jardins épicés ont résolu le problème en stockant les légumes en fonction de leur nature. Les oignons sont stockés au sec, dans un local isolé. Quant aux courges, elles ont leur propre chambre, une « courgerie » ventilée, très bien isolée, équipée d'un déshumidificateur. « Tous les jours, on sort trois à quatre litres d'eau », soutient Adrien Cochet, l'un des trois associés de l'Earl. Récoltées avec délicatesse et rentrées chaudes à l'automne, lorsqu'elles sont à maturité (« On essaie de les choquer le moins possible », confie le maraîcher), elles sont empilées avec soin ou stockées dans des palox, puis écoulées tout au long de l'hiver. Seul problème : les rongeurs et les pucerons. « Nous vendons celles qui sont touchées à la coupe, en éliminant la partie abîmée », indique Adrien.
Régulateur thermique
Conservées en silo dans un premier temps (« mais ce n'était pas très pratique »), les carottes sont désormais stockées en cave. Les maraîchers ont installé en effet une chambre froide et deux caves. « Nous avons fait deux trous dans la chambre froide pour refroidir une des caves, explique Adrien Cochet. Du coup, les patates germent moins. Dans la cave « normale », nous avons entreposé les carottes. Comme les caves sont enterrées, cela joue un rôle de régulateur thermique. » Pour la chambre froide, là encore rien de bien révolutionnaire, mais l'organisation rationnelle permet de gérer de nombreuses variétés à la fois, sélectionnées pour leur bonne conservation. « Nous récoltons nos variétés par planche pour limiter les risques. Et nous prenons plutôt des variétés La chambre contient 10 à 15 tonnes de légumes, rangés en ligne de façon à perdre le moins de place possible. »
Le système est cependant en train d'atteindre ses limites. Les associés ont fait avec l'existant au début, mais l'installation est devenue trop juste. Ils vont donc adapter leur nouveau bâtiment, à l'isolation soignée, en y aménageant plusieurs cellules polyvalentes. « Nous avons juste besoin de stocker de décembre à mai, justifie Adrien. Nous préférons plusieurs petites pièces, sans chauffage. Car une fois qu'on a emprisonné le froid, on l'enferme. Si le bâtiment est bien isolé, ça ne bouge pas. Pour le froid ou le chaud, c'est la même chose. » Les producteurs entendent ainsi baisser encore leur consommation énergétique qui n'est déjà pas énorme. Et comme ils produisent (et commercialisent) leur électricité à l'aide de panneaux solaires, l'opération ne peut que se révéler rentable.
Marianne Boilève