Parrainer un plant de vigne

« Lors du recensement de 1958, il y avait 700 hectares de vignes plantés dans les communes de La Buisse, Saint-Jean-de-Moirans, Moirans, Coublevie et Voiron. Aujourd'hui, il reste à peine 4 ha de vieilles vignes, éparpillés sur ces cinq communes* », témoigne Stéphane Bénard, viticulteur en cours d'installation à La Buisse. Son retour à la vigne, ce champenois d'origine, le vit comme un parcours initiatique, un faisceau de rencontres qui l'ont conduit là, sur ce coteau, orienté sud, façonné par une moraine glaciaire, où le caillou le dispute à l'argile pour donner un sol drainant et délicatement balayé par le vent de la cluse de Voreppe. Pour mener son projet, le vigneron s'est mué en archéologue. « J'ai travaillé avec Nicolas Gonin, vigneron dans les Balmes dauphinoises, sur la reconnaissance des cépages dans le pays voironnais, en 2013. Nous avons repéré ceux qui étaient intéressants et qualitatifs, prélevé les bois de taille pour les confier à la greffe à un pépiniériste de Savoie. Cette année, nous planterons les premiers plants de persan et de verdesse. » C'est précisément pour cette opération que le vigneron a recours au financement participatif via la plateforme Miimosa.
Animer un réseau
« C'est un engagement de s'installer sans avoir de vigne. La démarche est compliquée », rappelle-t-il. Il a d'abord compté sur la possibilité de reprise de quelques parcelles existantes, avant de comprendre qu'il faudrait lui-même recréer son vignoble. Avec son épouse, apicultrice, il a fini par faire l'acquisition de cette petite exploitation de 2,6 hectares où il compte planter 1,5 hectares de vignes et créer un Gaec. Pour se faire une idée de la dimension du projet, il a commencé par planter l'an dernier deux ares de cépage local viognier « pour avoir une première expérience, en temps réel, une base de travail ». En 2015, pour replanter 2 500 pieds de persan et 1 500 de verdesse, il compte sur les internautes. « Le financement participatif permet de prendre moins de risques dans le cadre de la mise en place d'un outil de travail. Ce n'est pas un emprunt. C'est donc moins engageant, même si de toute façon je vais devoir recourir à un prêt complémentaire. Je donne ma priorité à l'outil de production », explique le viticulteur. Matériel d'occasion, crowdfunding : c'est un projet mesuré. Les 8 000 euros collectés via Miimosa d'ici à fin avril serviront donc à l'achat de plants, des tuteurs et à la préparation de sols. « C'est symboliquement important d'orienter la collecte vers la plantation, les gens participent à quelque chose de pérenne et j'apprécie le côté communautaire. C'est un réseau qu'il faut animer pendant et après la période du crowdfunding, mesure-t-il. Le projet étant compliqué à mener, c'est bien de se sentir soutenu... si les gens participent ! Mais nous observons un bon démarrage. Il y a même des gens que nous ne connaissons pas. Ce sont des ambassadeurs ».
Un cep ou une bouteille
Les contreparties vont du parrainage d'un cep de vigne à des bouteilles de vin du domaine ou de vignerons isérois. Pour le moment, la production du domaine Les Alpins n'est que de 300 bouteilles, mais il table sur 20 000 cols d'ici à 5 ans que produiront 3 à 4 hectares de vignes. « C'est une région où il existe un appellation, l'IGP Coteau du Grésivaudan », fait valoir Stéphane Bénard qui veut faire son vin, « non dans la cave, mais dans la vigne ». Le vigneron entend maîtriser l'ensemble du process de production, poursuivant « un objectif de qualité ». Il compte également réintroduire le cépage servanin, aussi appelé serène et pratiquement disparu. « Ce cépage très vigoureux permet d'obtenir des vins rouge de garde », explique-t-il. Dans sa démarche, il a rencontré d'autres viticulteurs locaux, dont beaucoup, de la vallée du Grésivaudan aux Balmes dauphinoises en passant par le Trièves, portent le même projet de revitalisation du vignoble isérois, attachés à la qualité des productions et à la redéfinition d'une identité viticole.
Isabelle Doucet
* Source : association Corepha, « Vignes du voironnais »