Petit paysan devient grand
Rencontre avec Hubert Charuel, réalisateur, lors de la présentation de son film à Grenoble en septembre 2017.

Hubert Charuel n'en revient toujours pas. Il crée l'événement de la rentrée avec son premier long métrage, Petit Paysan, un film tourné dans l'ex ferme familiale de la Nièvre où il narre le vacillement de son héros confronté à l'épidémie qui touche son troupeau.
Hubert Charuel connaît bien ce milieu dont il est issu, lui le fils unique qui n'a pas souhaité reprendre l'exploitation.
Mais il se départit très rapidement de la fresque naturaliste pour plonger dans le thriller, dépeignant une pure fiction avec réalisme.
Cet œil vrai plaît au public, sans doute sensibilisé en cette rentrée aux questions du monde agricole, en raison du battage autour des Etats généraux de l'alimentation ou bien de la pression des associations de défense animale.
« Ce n'est pas un film politique, cela ne m'intéresse pas », prévient le réalisateur que nous avons rencontré.
Comment le public reçoit-il votre film ? N'y a-t-il pas un décalage ?
C'est super, je reçois beaucoup de compliments, les gens ne quittent pas les débats après les séances de présentation. Ils posent beaucoup de questions. Je ne m'attendais pas à cela. Je n'observe pas vraiment de décalage.
D'un autre côté, je n'ai pas le sentiment d'avoir trahi le monde paysan. Mais cela reste une fiction, qui tient compte des problématiques du monde actuel.
Justement, comment le milieu paysan accueille le film ?
Les gens sont très contents que l'on parle d'eux. Ils sont impressionnés par Swann, l'acteur du film.
Dans les réactions plus négatives, certains s'attendaient à voir une pub ou un feel good sur le monde rural.
En revanche d'autres apprécient que le film souligne le côté dur et rude du métier, ou encore l'attachement aux animaux.
Cet intérêt pour le monde agricole ne relève-t-il pas d'un phénomène de mode ?
J'ai l'impression qu'il n'y a pas eu énormément de films sur ce thème. Cela intéresse les gens.
C'est une thématique universelle. Nous avons tous des oncles, des grands-pères issus du monde agricole.
En ce moment, on parle beaucoup de ruralité, de crise, de renouveau, de bio, de néoruaux, de réinstallation. Les gens se posent de plus en plus de questions sur ce qu'ils consomment, cela participe du renouveau d'intérêt pour l'agriculture.
Pourquoi avoir fait ce film maintenant ?
Par nécessité plus que par envie. Je suis fils unique d'un éleveur laitier. Je n'ai pas repris la ferme. C'était une façon de la reprendre à ma manière et de dire au revoir.
Cela relève plus d'un point de vue cathartique que sociologique ou politique.
Ne pas reprendre l'explotiation familiale, est-ce un décision qui a été difficile à prendre ?
Mes parents m'ont toujours poussé à faire autre chose.
On observe des changements. Il y a des enfants de paysans qui disent que ce film leur parle car ils n'ont pas eu d'autre choix que de reprendre la ferme familiale.
D'autres ne sont pas issus du milieu et sont en train d'y revenir. Il existe des perspectives.
Le modèle économique que vous décrivez, c'est-à-dire une ferme avec une trentaine de vaches, n'est-il pas condamné ?
C'est de plus en plus compliqué d'être seul, avec un petit troupeau, de produire du lait de consommation et de ne pas faire de transformation.
Mais il y a une agriculture qui est en train de se réinventer. Cela donne de l'espoir.
Propos recueillis par Isabelle Doucet
Petit paysan d'Hubert Charuel, avec Swann Arlaud et Sara Giraudeau, 1h30.
* César du meilleur acteur à Swann Arlaud, César du meilleur second rôle féminin à Sara Giraudeau et César du meilleur premier film.