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Agronomie

Qu'est qu'un sol en bonne santé ?

En cette année internationale des sols, les étudiants de BTS APV du Legta de La Côte-Saint-André ont été bien inspirés d'organiser une conférence sur cette thématique qui conditionne aussi bien l'aménagement du territoire que l'avenir de l'agriculture.
Qu'est qu'un sol en bonne santé ?

Erosion, inondation, imperméabilisation, tassements, baisse des teneurs en matière organique... En Isère comme ailleurs, les sols sont soumis à rude épreuve. Et le phénomène risque de s'accélérer dans les années à venir avec le développement rampant de l'urbanisation, l'explosion de la demande alimentaire, l'engouement pour les agro-carburants... Or, agriculteurs et chercheurs s'accordent là-dessus, pas de production de qualité sans un sol en bonne santé. Mais qu'est-ce qu'une terre agricole en bonne santé ? Comment évaluer la biologie d'un sol et la durabilité d'une production ? Les étudiants de BTS APV (agronomie-productions végétales) du lycée agricole de La Côte-Saint-André ont creusé la question pendant plusieurs mois avant de présenter les résultats de leurs recherches au cours d'une conférence intitulée « Sols vivants, sol d'avenir ? ».

Diagnostic de terrain

Enjeux agricoles, dimension économique, problématiques environnementales, indicateurs de bonne santé, pratiques, techniques alternatives, les étudiants ont fait le tour d'une question au demeurant fort complexe, qui nécessite une approche à la fois agronomique, technique, économique et même sociale, puisque les enjeux de santé publique sont de plus en plus convoqués par la société civile. Une poignée d'entre eux a également fait état de connaissances acquises au cours d'une formation organisée par le réseau Base à l'automne sur « l'évaluation visuelle du sol et de la performance des plantes en pâturage et maïs », une méthode mise au point par le néo-zélandais Graham Sheperd, qui permet d'effectuer simplement et rapidement un diagnostic de terrain pour déterminer le potentiel du sol et la dépendance aux intrants.

Après leurs exposés, les étudiants ont interpelé leurs « invités », agriculteurs, salariés d'entreprises para-agricoles et experts, afin qu'ils témoignent de leurs pratiques et de leurs observations. Luc Veyron, maraîcher à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, a ouvert le bal en présentant la méthode Hérody, un outil d'analyse des sols qu'il utilise depuis une quinzaine d'années. Précisant qu'il avait ressenti le « besoin d'être fin au niveau de la gestion et surtout de la compréhension du sol », le maraîcher a expliqué comment cette méthode lui avait permis de faire évoluer ses pratiques et de « mieux connaître son sol pour ne pas l'engorger ». « C'est une approche basée sur la compréhension qui me plaît beaucoup, car elle permet de se réapproprier le fonctionnement du sol », indique Luc Veyron, qui se dit pleinement satisfait du résultat : «  La digestion et la minéralisation se font bien : mon sol est en capacité de bien nourrir la plante, surtout pour les cultures de printemps. »

Bio-indicateurs

Yvan Gautronneau, ancien enseignant chercheur, a ensuite présenté l'approche AgrInnov, dont l'objectif est de « mettre en place des outils opérationnels de type bio-indicateurs » pour permettre aux agriculteurs d' « évaluer l'impact de leurs pratiques sur la biologie de leur sol ». Le chercheur a dressé un portrait des sols du « groupe grandes cultures Isère » qui participe au projet, passant en revue les différents indicateurs biologiques (micro-organismes, microfaune, insectes, mollusques, nématodes et autres lombrics) et agronomiques (test à la bêche, litterbag...).

De leur côté, Max Gros-Balthazar et Thierry Annequin, agriculteurs « convertis » aux techniques culturales simplifiées (TCS) ont fait part de leur expérience et des résultats qu'ils ont enregistrés. Les deux agriculteurs ont raconté comment ils avaient vu la qualité de leur sol s'améliorer d'année en année. « Au début, ça a été un peu long : il nous manquait le savoir-faire et nous avons pu faire quelques erreurs, explique Max Gros-Balthazar. Mais aujourd'hui j'ai les mêmes résultats qu'en conventionnel. » Et l'agriculteur d'égratigner au passage Yvan Gautronneau, partisan du « labour agronomique », qui considère que les TCS ne sont pas « exemptes de critiques », notamment en raison du « recours accru et systématique aux herbicides ». « Mais moi, quand j'ai fait mon stage Certiphyto, je n'ai pas constaté que j'utilisais plus de désherbant qu'un conventionnel », assure l'agriculteur. Il faut avouer que les partisans des TCS, tout comme Luc Veyron, ne rougissent pas de leurs parcelles quand, aux yeux des autres, elles n'ont pas l'air « propres ». Car, pour eux, ce « manque d'entretien » n'en est pas forcément un.

Marianne Boilève