"Retrouver un niveau de qualité satisfaisant"

Quel regard portez-vous sur la récolte 2014 ?
C'est au moment de la récolte que se joue la qualité de la noix. En AOP, on peut rater une récolte. Même si beaucoup d'efforts ont été déployés en termes de mécanisation, la météo a quand même un impact, comme en 2013 où il y a eu des volumes mais une qualité moyenne. En 2014, la qualité est au rendez-vous, les volumes sont faibles et le prix important. Ces deux saisons ne sont pas exceptionnelles. Le relèvement des prix par rapport au calibre de 2013 aura cette année une incidence positive sur le prix payé aux apporteurs. Mais il faut encore attendre deux mois pour connaître le prix payé définitif. Pour mémoire, il a été de 2,78 euros pour les calibres de plus de 28 mm l'an passé. La chance de la France est la précocité de la mise en marché, avant le 15 novembre. Après, on peut observer un tassement, dans un contexte mondialisé, où la position des Etats-Unis peut jouer.
Comment a évolué le marché de la noix ?
Nous sommes passés de 3 000 tonnes dans les années 90 à 9 000 tonnes en 2013. En année normale, la récolte est d'environ 7 000 tonnes. La politique de plantation a été importante dans les années 90 et nous en récupérons les effets. Aujourd'hui, c'est plus difficile d'arracher de vieux noyers pour replanter, car il n'y a plus de politique incitative. Cela ne prépare pas à l'avenir. La surface du verger ne s'agrandit pas et il a du mal à se régénérer, notamment sur la zone historique. Quant aux aides, s'il s'agit d'accompagner les JA, d'accord. En revanche, pourquoi cibler le bio plutôt que le conventionnel ? C'est discriminatoire.
Quelles sont les orientations du nouveau conseil d'administration de la coopérative ?
Constitué de quinze personnes, le conseil d'administration de Coopenoix a peu bougé. En revanche, le président et les vice-présidents ont changé. Pour autant, nous voulons assurer la pérennité de la coopérative. Le premier enjeu est de retrouver un niveau de qualité satisfaisant. Depuis deux ans, les clients subissaient la hausse des prix alors que la qualité se dégradait. Or, c'est la qualité qui nous fera perdurer sur les marchés. Bien sûr, nous avons une noix AOP, mais ce qui nous différenciera, c'est le goût et le terroir. Pour cela, il convient de récolter à maturité. Il faut aussi surveiller l'état sanitaire des vergers qui s'est beaucoup dégradé et être vigilant quant à l'évolution des cours et des marchés, qui n'a pas joué en faveur des efforts sur la qualité. Surtout, en AOP, les producteurs doivent systématiquement procéder à un agréage sérieux.
Comment gère-t-on un outil comme Coopenoix ?
Nous avons d'abord un fort souci d'optimisation de nos investissements, qui ne sont réalisés que s'ils engendrent des gains de productivité. Il s'agit d'être réactif et de fournir au plus vite les marchés. Cela nécessite d'investir dans des moyens pour travailler sur une courte période. Nous avons également évolué sur le cerneau en faisant l'acquisition d'un outil de cassage-énoisage, ce qui permet de valoriser les écarts de triage des producteurs. Cela nous apporte aussi une indépendance technique et nous sommes plus réactifs sur ce marché. La coopérative investit en moyenne entre 600 et 800 000 euros par an, avec des retours sur investissements assez courts.
Où en est votre projet immobilier ?
Nous avons sollicité un cabinet de conseil pour nous aider à la réflexion dans le cadre de nos activités noix et cerneaux. En ce qui concerne la noix coque, notre outil est désormais très bien dimensionné pour une tendance de 7 000 tonnes, avec la possibilité de monter à 9 000 tonnes. En revanche, il serait intéressant de disposer d'un outil de cassage à proximité puisque nous sommes locataire d'un bâtiment à Têche. Nous aurions besoin d'un bâtiment supplémentaire de 2 000 m2 pour avoir une activité industrielle rationnelle sur la noix et le cerneau.
Quel est l'intérêt pour un nuciculteur de passer par une coopérative ?
Coopenoix est avant tout un outil. C'est aussi un metteur en marché des plus importants et des plus anciens, gage de sa bonne gestion. Les adhérents ont également accès à des aides via leur coopérative, comme par exemple, pour l'acquisition de matériel, ce qui leur permet de répondre aux exigences de qualité des produits. De plus, des techniciens accompagnent les producteurs dans la conduite de leurs vergers. Enfin, être coopérateur, c'est aussi une philosophie. Mais il y a de la place pour tout le monde, les négociants comme les coopératives. L'important est de conserver l'esprit de filière. Si la noix de Grenoble a été revalorisée en qualité et en prix, c'est parce que l'ensemble de la filière a travaillé sur le même axe et cela a bénéficié à l'ensemble des producteurs.
Franquette, lara, fernor, qui plante quoi aujourd'hui ?
L'AOP est constituée à 90% de franquette. Mais nous sommes à la pointe de la crête en variété noix de Grenoble. Or, les marchés demandent de la noix. Il est aujourd'hui difficile de conseiller aux nuciculteur d'arracher de la franquette pour replanter de la franquette. Nous ne pouvons que constater qu'il y a beaucoup de fernor dans les surfaces qui se plantent. C'est une variété intéressante, issue du croisement de la franquette et de la lara, plus facile à travailler en sec, qui offre une qualité de cerneaux très correcte. Mais, ces vergers échappent à la cotisation à l'hectare et il se passera encore beaucoup de temps avant que la fernor entre dans l'AOP !
Quant à lara, elle correspondait à un nouveau marché du frais, qui reste une niche. Il faut intégrer le fait qu'elle doit être aussi travaillée en sec, ce qui n'est pas facile. Cependant, de plus en plus de producteurs la maîtrisent et cette année, ceux qui ont fait de la lara en frais ou en sec ont obtenu des très beaux rendements, de l'ordre de 7 à 8t/ha en frais, et 3t/h en sec après triage, alors que la franquette était autour de 1,2 à 1,5 t/h. Si l'AOP reste une valeur sûre, la diversification des variétés est une bonne chose, en raison des variations d'une année sur l'autre. A Coopenoix, nous pouvons apporter un conseil technique, mais les producteurs ont toute liberté dans le choix des variétés. Ce qu'il manque à la filière, c'est un état des lieux consolidé des plantations dans la région depuis 5 ans.