Tapis rouge pour l'or noir dans le Trièves

« Etre patient et passionné », pour Pierre Tabouret, le spécialiste trufficulture du CRPF*, la culture du précieux champignon est plus une question de plaisir que d'enrichissement. « Dans, le Trièves, les terrains s'y prêtent, ils sont caillouteux, le climat peut-être sec, chaud. Il existe des débouchés, les cours sont bons, tirés par une clientèle nouvelle. C'est une production agréable à travailler et à récolter. Elle véhicule une très bonne image de marque. N'hésitez pas », assurait-il lors d'une réunion d'information organisée début octobre à Clelles par la CRPF Rhône-Alpes, le département et le Syndicat des trufficulteurs de l'Isère. Pour autant, le retour sur investissement est long, voire très long : entre dix et quinze ans en moyenne. « Les connaissances biologiques évoluent tout doucement, mais il n'y a toujours pas de garantie de résultats en matière de production », poursuit le spécialiste. Il existe plus d'une centaine d'espèces de truffes dans le monde dont une vingtaine en France. Il s'en découvre tous les ans, à l'image de la blanche d'Italie, tuber magnatum, trouvée il y a quatre ans dans le sud de la France. « Au moins six variétés ont un intérêt gastronomique et économique », précise Pierre Tabouret. On retiendra la truffe de Bourgogne, tuber uncinatum, présente dès l'automne dans le Trièves, peu connue, mais parfumée et qui se révèle pour qui sait la cuisiner. Elle se vend entre 350 et 450 euros le kilo sur le marché au détail. Mais la plus connue et la plus réputée reste la melanosporum, ou truffe du Périgord, à la chair marbrée si caractéristique. C'est la truffe du bassin méditerranéen. Présente en Italie, Espagne et France, elle se récolte de la mi-novembre à la mi-mars. Son prix sur le marché de gros oscille entre 600 et 700 euros les années où elle est la plus rare. 90% de la production de cette truffe noire est issue de plantations, soit entre 20 et 50 tonnes pas an.
Masculin féminin
« S'il n'y a pas d'arbre, il n'y a pas de truffe, insiste le spécialiste. La truffe noire vit en association avec un autre végétal ». Le plus courant est le chêne vert, mais cela peut-être un noisetier ou un résineux. Le champignon est un prolongement de la racine de l'arbre. La présence possible de la truffe noire, ou du moins d'un système de mycorhize, peut se traduire par la délimitation d'un brûlé autour de l'arbre. C'est une surface dépourvue de végétation en raison de l'action chimique du champignon. L'avancée des recherches montre que ce milieu peut-être positif ou négatif et que de la rencontre de mycorhizes de sexe opposé naissent les truffettes. Le champignon se développe ensuite depuis le mois de mai jusqu'au mois de novembre. « A la mi-novembre, on commence à récolter les premières truffes. Ce sont souvent les plus grosses, mais pas les meilleures. Les plus parfumées et les plus petites arrivent de la fin janvier à début mars », explique le spécialiste.
Pour avoir une chance d'obtenir des truffes, le sol est automatiquement calcaire, sableux ou pierreux. « Les terrains humides sont à exclure. Il n'y a pas besoin de beaucoup de précipitations, mais il faut que l'eau tombe au bon moment, c'est-à-dire un à deux orages au mois d'août », poursuit le technicien. Le terrain idéal, selon Pierre Tabouret, sont les anciennes terres agricoles qui bénéficient d'un bon drainage. Il faut oublier les sols compactés ou les bois défrichés. Quant aux plants, chênes verts ou pubescents, il faut les choisir jeunes (1 an), en godet et bien portant. Ils seront plantés à l'automne de préférence. Seul problème, ils craignent le gel, donc une alternative de plantation au printemps est envisageable. « Ne pas surinvestir, conseille encore le spécialiste, la production varie entre 3-4 kg/ha et 30-40 kg/ha » et nul ne peut savoir à l'avance. Pour mettre les chances de son côté, il faudra arroser juste pour que le plant ne meure pas et le protéger, ne pas utiliser de produits phytosanitaires, biner légèrement, respecter une densité d'environ 300 plants par hectare, tailler en défourchant et supprimant les branches basses latérales et, 15 ans après, récolter avec un chien. « Ce n'est que du labeur, le bonheur vient après », ironise le technicien CRPF.
Piémonts
Les trufficulteurs de l'Isère sont déjà nombreux à croire au diamant noir. Leur syndicat, créé en 1988, compte une centaine d'adhérents. « En 2015, nous avons rejoint l'Union générale des forestiers de l'Isère car de manière naturelle, nous sommes en bordure de forêt », explique Serge Varambon, le président du syndicat. « C'est une opportunité de revenu non négligeable. On récupère des terres délaissées et en fonction des variétés, on récolte des truffes toute l'année ». Les expériences autour du melanosporum sont nombreuses en Isère, notamment sur les piémonts de Chartreuse, à moyenne altitude et dans le nord du département. Le syndicat est très actif sur le plan événementiel et envisage la création d'un marché de la truffe en sud Isère.
Isabelle Doucet
*CRPF : Centre régional de la propriété forestière
Les pépinières agréées
Une poignée de pépiniéristes proposent des plants mycorhizes autour de l'Isère. Elles sont agréées par l'Inra ou le CITFL :Dans la région :Pépinières Robin à Saint-Laurent-du-Cros (05)
Pépinière Tenoux à Bruis (05)
Pépinières Moine à Cabrière d'Avignon (84)
Ailleurs
Agri-truffes à Saint-Maixant (33)
Ou encore : Ayme truffes à Grignan (26)