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Nuciculture

Un lavage des noix dans les règles

La station Senura et la chambre d'agriculture de l'Isère proposent un certain nombre de préconisations afin de s'affranchir de la question du rejet des eaux de lavage des noix.
Un lavage des noix dans les règles

Courant 2018, huit exploitations nucicoles iséroises ont fait l'objet de mises en demeure par les services de l'Etat en raison du rejet en direct des eaux de lavage des noix.

Le président de la chambre d'agriculture, Jean-Claude Darlet, qui est aussi nuciculteur, a demandé à ce que des solutions soient trouvées pour les situations à risque.

La DDT, qui menaçait de verbaliser après plusieurs années de contrôle et d'accompagnement, a constaté que des efforts avaient effectivement été réalisés au terme de la campagne 2018.

La problématique est déjà ancienne puisque la station d'expérimentation Senura, à Chatte, a commencé à se pencher sur la question en 1995 avec les premières caractérisations des eaux de lavage, suivies de tests de réduction des volumes d'eau et de traitement.

Dans la vallée de la noix, la plupart des exploitations ont mis en place des systèmes de gestion de leurs eaux de lavage, mais une dizaine présentait encore une situation à risque.

 

Au mois de mars dernier, les nuciculteurs étaient nombreux pour recueillir les résultats des travaux et les conseils de la Senura et de la chambre d'agriculture de l'Isère.

Pas de rejet sans traitement

Julien Gilet, du service Environnement de la DDT, liste les impacts négatifs des eaux de lavage sur l'environnement : teintées, elles empêchent la photosynthèse et asphyxient le milieu aquatique ; chargées en matière organique (10 fois plus que les rejets domestiques), elles consomment tout l'oxygène ; de plus, les pH acides ne sont pas compatibles avec la vie aquatique ; enfin, elles présentent des composés phénoliques et de fortes conductivités.
Code de l'environnement, code de la santé publique disent la même chose : les eaux de lavage/écalage de noix ne doivent pas être rejetées sans traitement, ni dans les cours d'eau, ni dans les eaux souterraines.

Pour pouvoir être rendues au milieu naturel, les eaux doivent respecter un pH compris entre 6 et 9.

Les installations sont soumises à déclaration à partir d'un rejet en MES* de 9 kg/j, en DBO5* de 6 kg/j et en DCO* de 12 kg/j. Il y a nécessité d'autorisation à partir de MES 90kg/j, DBO5 60 kg/j et DCO 120 kg/j.

Les solutions alternatives au rejet sont le stockage des effluents « un préalable quasi nécessaire quelle que soit la solution », insiste Julien Gilet, mais aussi l'épandage des eaux de lavage, auquel les nuciculteurs ont fréquemment recours « dans le respect des règles de bon sens ».

Le raccordement  au réseau collectif reste quant à lui soumis à l'accord de la collectivité et sous réserve de la capacité d'absorption de la station d'épuration. Le test effectué en 2018 sur la station d'épuration de Poliénas n'a pas été concluant.

Des volumes conséquents

La première difficulté, ainsi que l'expose Ghislain Bouvet, conseiller à la chambre d'agriculture de l'Isère en charge de la filière noix, est liée à la consommation d'eau.

« Cela représente des volumes conséquents, pendant une courte période, qui ont une incidence en raison des traitements », explique le spécialiste.

Mais peu d'exploitations ont connaissance de leur consommation précise d'eau, qui reste liée à leur taille et au mode de lavage. Elle peut varier de 0,5 l/kg à 30l/kg de noix sèches.

« Et ce ne sont pas toujours les gros tonnages qui absorbent les gros volumes d'eau », fait remarquer Ghislain Bouvet.

La moyenne s'établit à 7l d'eau/kg de noix sèche. La règlementation impose à la filière noix un rinçage à l'eau potable.

En début de saison, en plein pic de récolte, une exploitation moyenne (70 tonnes de noix sèches ou 25 tonnes de noix fraîches écalées) émet une pollution journalière équivalente à celle de 1 650 habitants (exprimée en DCO).

On retrouve également des phénols du brou dans les eaux de lavage ainsi que des composés fertilisants (azote et phosphore en petite quantité, parfois de la potasse).

Le conseiller insiste sur la « grande variabilité des analyses ».

Le modèle peut être comparable à celui de la viticulture qui possède sa propre règlementation : entre 500 et 20 000 hl, les installations sont soumises à déclaration, au-delà de 20 000 hl, elle sont soumises à autorisation. Les plus petites doivent respecter la loi sur l'eau, le code rural et le RDS.

Des recommandations

La nécessité d'un traitement préalable des eaux de lavage/écalage ne fait aucun doute. « Le principe de base de rejet direct est interdit », insiste Julien Gilet. 

Il est en premier lieu préconisé de séparer au plus tôt les parties solides et liquides des déchets dans la chaîne de lavage. Brou, bois, brindilles doivent être écartés au préalable.

La chambre d'agriculture a réalisé une étude sur les pratiques pour en retenir quelques conseils.

Ainsi, le prélavage à sec en supprimant l'alimentation en eau dans la prélaveuse (avant le bac à pierres), ne réclame aucun investissement, mais nécessite un pré-tri soigné.

Il est aussi recommandé d'adapter le débit d'eau au volume de noix. Cela passe par l'installation d'électrovannes et d'un poste de pilotage moyennant quelques frais et un peu plus de technicité sur la chaîne.

Autre préconisation, le recyclage de l'eau sans filtration réclame l'aménagement d'un circuit d'eau recyclée et d'un bac de décantation. Si l'effet est immédiat sur la consommation d'eau, en revanche le système suppose de disposer d'une capacité de stockage de l'eau suffisante et les résidus peuvent obstruer les rampes et encombrer les fosses.

Une adaptation possible consiste en l'alimentation par débordement du bac de décantation. Cette eau peut aussi être filtrée là condition de procéder à des nettoyages réguliers des filtres.

Un autre dispositif est la mise en place d'une cage d'aspiration sur la pompe de relevage.

Sur la liste des bonnes pratiques figure aussi la gestion du débit-noix. En mettre plus dans la laveuse, permet de jouer sur le rapport litres d'eau/kilos de noix, mais représente un coût en aménagements et limite le tri en vert.

 

*Légende :

MES : Matières en suspension (pollution non dissoute)

DCO : Demande biochimique en oxygène (pollution totale)

DBO5 : Demande biologique en oxygène ou charge en matière organique exprimée en gramme par litre ou en gramme par jour (pollution biodégradable)

EH : Equivalent habitant

 

Dispositifs / L'eau stockée en bassin peut être traitée par phytoépuration.

Les mini-stations d'épuration

Il existe plusieurs systèmes de gestion des eaux de lavage, qui ont été testés par la Senura. L'étude conduite en 2016 s'intéressait plus particulièrement à la diminution des volumes d'eau de lavage et à l'expérimentation de systèmes de traitement.
Les études sur les mini-stations d'épuration ont conduit à trois types d'essais : stockage et phyto-épuration, stockage et traitement en bassin ouvert aéré, stockage puis épandage.
La phytoépuration, sur sable ou sur sable et compost, donnait en 2017 des résultats en laboratoire satisfaisants.
En 2018, le dispositif a été testé à plus grande échelle donnant des abattements un peu inférieurs, mais toujours intéressants dans la capacité à réduire la pollution, à faire remonter le pH de l'eau et à réduire sa toxicité.
Enfin, le système a été testé grandeur nature dans un bassin de 300m3 correspondant à 55 tonnes de noix sèches traitées. La phytoépuration a été réalisée sur un lit de gravier et de roseaux favorisant le développement de la vie bactérienne. Le traitement a duré six mois.
Un bassin de  phytoépuration ou la filtration se fait par lagunage.

Un dispositif de stockage a permis de passer les eaux plusieurs fois et d'échellonner le rejet dans le milieu.
Le coût d'un bassin de phytoépuration est estimé entre 30 000 et 40 000 euros pour 300 m3 de produits.
De nouveaux essais et une plaquette

Le système du bassin ouvert aéré a été testé dans des bidons dans deux exploitations : une très petite et une autre traitant plus de 100 tonnes de noix.
Les résultats obtenus sont là aussi très satisfaisants quel que soit le type de pollution avec une bonne biodégradabilité.
En revanche, il a été observé des résidus de phénol et un pH devenu basique (alors qu'il était acide au départ).
Des essais en 2018 ont associé une phytoépuration en sortie afin de permettre le rejet en milieu naturel.
Ces solutions de stockage vont faire l'objet de nouveaux essais avec la campagne 2019.
Une plaquette technico-économique sera éditée d'ici la fin de l'année-début 2020.

 

 

 

Solutions / Rejet des eaux par aspersion ou à la tonne

Epandage avec ou sans stockage tampon

L'épandage direct par aspersion s'effectue après pompage au sortir du bac de décantation. Cela reste la solution la plus simple à mettre en œuvre.
Le nuciculteur doit disposer d'une surface suffisante à épandre à proximité de la chaîne de lavage et d'une bonne décantation. C'est un système économique testé sur une prairie en couverture intégrale.
Les quelques boues résiduelles sont épandues à la tonne à lisier.
Solution rapide
L'épandage à la tonne à lisier et avec stock tampon répond aux contraintes de nuciculteurs qui ne disposent pas de surface à épandre directement à proximité, qui ont besoin de solutions rapides à mettre en œuvre dans un espace restreint et qui doivent améliorer leurs rejets.
Le stockage peut s'effectuer dans une cuve souple géomambrane ou dans un bassin béton, ce dernier réclamant de lourds investissements (70 000 euros pour 500m3).
Il faut également compter avec la prestation d'épandage ou l'achat d'une tonne à lisier (seuls 16% des nuciculteurs déclarent disposer de cet équipement)
 

 

 

 Voir aussi l'article de Terre dauphinoise :  Trois bassins pour un ruisseau