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Plantes

Un peu plus que des tisanes

Il faut beaucoup de plantes pour concocter des tisanes affirmées en goût et sûres de leurs vertus. A Grenoble, Stéphane Rossi a élevé cette connaissance en art.
Un peu plus que des tisanes

Echinacea dans le Trièves.

Sa préférée, c'est la Reine de cœur. « C'est une création récente... et inattendue », confie Stéphane Rossi, l'herboriste du Temps des fées à Grenoble.

Il vient de lancer une gamme d'infusions créatives, dont les noms sont autant d'invitations à la rêverie.

 

Du goûts et des assemblages subtils caractérisent les recettes de l'herboriste.


Ce pharmacien de formation s'est créé un univers de savoirs et de délicatesse.

Il a ouvert l'herboristerie Au Temps des fées à Grenoble en 2005 « pour retrouver mon vrai métier de pharmacien », explique-t-il, mettant sa connaissance encyclopédique des plantes au service du conseil à sa clientèle.

« Aujourd'hui, c'est une deuxième création d'entreprise, qui réclame une expertise à part », annonce Stéphane Rossi.
Les infusions créatives « Comme des tisanes », sont le fruit de trois ans de recherche et développement et de quelques recettes revisitées.

L'herboriste s'est entouré d'une thésarde et de trois artistes pour mener un projet artistique et gustatif abouti.

Il propose une trentaine de recettes à travers lesquelles il a souhaité « associer de manière intelligente des vertus et des saveurs ».

Patiemment, il a élaboré chaque formule ; chaque plante est infusée séparément, puis goûtée à la pipette et enfin associée à d'autres. « On fait varier les proportions, la formule et on goûte à nouveau », décrit l'artisan des papilles. 

Les plantes et leurs vertus

Il puise sa matière première dans l'herboristerie « où toutes les plantes son en vrac ».

Ses deux principaux fournisseurs sont des grossistes certifiés Ecocert : L'herbier du Diois dans la Drôme et l'herboristerie Cailleau dans les Pays de Loire.

« Priorité au bio et aux plantes d'origine française », insiste Stéphane Rossi.

 

Diplômé en pharmacie, Stéphane Rossi lancé l'herboristerie Au temps des fées, il  y a douze ans à Grenoble.

 

Pour autant, il ne se prive pas des plantes médicinales du bassin méditerranéen qui a su conserver une tradition de culture.

Ces centaines de plantes, fleurs, fruits, épices constituent son « orgue du parfumeur ».

L'apothicaire-gastronome peut alors s'en donner à cœur joie. Il maîtrise sur le bout des doigts les associations des plantes et leurs vertus, jouant de ce savoir rare et subtil, combinant les saveurs et les couleurs.

« La plus ancienne, c'est Mamie Zoé, une tisane faite pour digérer et dormir, que j'avais baptisée Aurore à l'époque, car inspirée de la Belle au bois dormant », raconte l'herboriste.

Tilleul, pétales de rose, camomille, chaque tisane raconte une histoire. Le savant les considère d'ailleurs comme des œuvres d'art, leur accordant des égards que l'on n'adresse qu'aux belles plantes.

« Je souhaite maîtriser tout l'univers », annonce-t-il. Chaque préparation est assortie d'un texte, chaque collection d'un poème. L'emballage est un écrin aux tons pastels et rehaussé d'illustrations aussi raffinées que les roses de Redouté.

Baptisées, déposées

La profession étant extrêmement règlementée (droit aux mentions, code de la santé publique, droit européen aux allégations), le docteur en pharmacie convoque la muse et la précision pour baptiser chacune de ses tisanes.

Ainsi, on comprend les vertus relaxantes de Grand-Père Tobias « Infusion tranquille, comme papi... dans ses bons jours », diurétiques de Félix Felicis « C'est de la chance liquide ! », tonifiantes de Molly, ma cousine d'Amérique, « Infusion tonique pour sillonner le monde ». Chaque phrase est déposée.
Avec ses infusions, le pharmacien épouse la tendance à consommer des boissons chaudes. Slow food et cocooning.

Alors il cultive « le côté recette de cuisine et le côté gustatif ». Ses tisanes ont du goût et répondent aux exigences d'une clientèle à la recherche de vertus le plus souvent lénifiantes ou digestives.

La qualité de l'écrin ou le conseil de l'apothicaire sont aussi de nature à déclencher l'acte d'achat.

Les tisanes sont vendues dans le magasin Au Temps des fées, mais aussi en ligne.

« D'autres points de vente sont à venir », précise Stéphane Rossi, qui entend aussi démarcher des établissements haut de gamme comme des hôtels de luxe.

Isabelle Doucet
 Filière /

Une tendance de fond

Il faut aller dans la Drôme pour rencontrer les principaux producteurs de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) de la région.
En Auvergne-Rhône-Alpes, ces plantes sont cultivées sur 7 500 hectares, dont 6 500 dans la Drôme. On compte un millier de producteurs dont 800 drômois. « C'est la seule filière qui ne perd pas de surfaces mais en gagne », lance Laurent Quadrio, responsable de l'équipe PPAM à la chambre d'agriculture de la Drôme.
La Drôme est le premier département producteur de lavande en France.

Dans ce département 80% des surfaces sont consacrées à la culture de la lavande et du lavandin. Quant au reste, ce sont des centaines d'espèces de plantes cultivées pour répondre à la demande d'un marché porteur. « C'est une filière jeune et dynamique, poursuit le responsable, sur un marché lié à la naturalité. »
Aux côtés des secteurs historiques que sont la parfumerie et les lessiviers, de nouvelles niches se développent : la santé par les plantes, qu'elle soit humaine ou animale ; la cosmétique naturelle et les compléments alimentaires. « C'est une tendance de fond », commente Laurent Quadrio.
La région Auvergne-Rhône-Alpes se caractérise donc par une bipolarisation, avec une activité de cueillette professionnelle en Auvergne, dans le secteur du Puy-de-Dôme qui produit des milliers de tonnes chaque année, et la Drôme en production de plantes.
Marché mondial
Les cultivateurs sont surtout des acteurs historiques qui font le choix d'une diversification à la faveur de ce marché émergent. C'est notamment le cas dans la vallée du Rhône.
Cette culture pointue réclame l'emploi d'un matériel spécialisé que seules de grandes surfaces permettent d'amortir.
Pour autant, le responsable recommande la plus grande prudence.
En effet, le marché est mondial et de nouveaux pays, notamment la Bulgarie, ont fait des PPAM un axe stratégique de développement de leur agriculture. Elle a produit 200 tonnes de lavande en 2016, supplantant la production française qui s'établit à 80 tonnes produites dans le Vaucluse, les Alpes de Haute-Provence et la Drôme.
La production française de lavandin est de 1 000 tonnes.
Chez nos voisins drômois, cette filière rassemble une trentaine de PME et de multinationales, des coopératives et des négociants en huiles essentielles, des laboratoires qui travaillent à façon etc.
En Isère, le paysage est tout autre et la filière reste encore confidentielle.
ID

 

 

Echinacea dans le Trièves.

 

Trièves / A Monestier-du-Percy, Françoise Dupont est une des rares cultivatrices iséroises de PPAM.

Les plantes en vente directe

Françoise Dupont a récupéré un antique alambic dans le village et produit depuis 2009 plus d'une trentaine de variétés de plantes aromatiques sur une superficie d'un hectare à Monestier-du-Percy.
Tout est transformé dans le laboratoire maison, distillé et distribué en vente directe.
Françoise Dupont et l'alambic qu'elle a récupéré dans le village.

« Les eaux florales et les huiles essentielles constituent le plus gros de mon activité », confie l'exploitante. Passionnée du végétal, elle a appris l'usage des plantes et leur qualité sur le tas, à force de formation et d'échanges.
Plantamarine propose une gamme de produits alimentaires ou cosmétiques (hydrolats, lotions, crèmes, tisanes, sirops, huiles essentielles), mais Françoise Dupont reconnaît être limitée par une législation européenne très contraignante.
Son activité est portée par une forte demande de la clientèle « qui cherche à connaître davantage les usages des plantes dans le domaine alimentaire et soin du quotidien ».
Elle doit également faire face à de nombreuses sollicitations de stagiaires en quête d'un rêve d'installation. « Beaucoup ne se rendent pas compte du travail que cela demande pour en vivre ».
La productrice cultive ses plantes entièrement à la main, mais bénéficie de l'aide de l'association de traction animale voisine. « C'est du boulot, mais aussi une autre façon de voir les choses et ça fonctionne », affirme-t-elle.
 
Les cultures de PPAM à Monestier-du-Percy.
Elle souhaite élargir son activité en organisant des visites à la ferme et en proposant des séances de distillation le dimanche matin.
Si elle est une des rares productrices iséroises, Françoise Dypont n'est pas pour autant isolée. « Entre producteurs de PPAM, nous continuons à nous former et à échanger, explique-t-elle. J'appartiens au Syndicat des simples qui cherche à valoriser les petites structures et les aides à connaître la règlementation.»
ID