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800e Foire de Beaucroissant

Une foire qui appartient au patrimoine collectif

Bernadette Larcher, auteure d'un thèse sur la Foire de Beaucroissant, a donné une conférence dimanche 15 septembre, s'intéressant au caractère exceptionnel de cet événement dans sa longévité et son attractivité.
Une foire qui appartient au patrimoine collectif

« Je formule le voeux que rien ne vienne mettre en péril la Foire de Beaucroissant ». L'universitaire Bernadette Larcher a fait sa thèse* d'histoire sur la Foire de Beaucroissant en 2000. Elle était l'invitée d'honneur de la 800e édition et a donné une conférence, brossant l'évolution de ce rendez-vous séculaire.

14 septembre 1219- 14 septembre 2019 : l'histoire ne dira jamais si cette date est avérée car, comme le précise Bernadette Larcher, les archives concernant la manifestation sont rares. On peut néanmoins dater la rupture de la digue naturelle du lac de l'Oisans et l'inondation de Grenoble. De plus, le site de Beaucroissant était situé sur un axe de communication important entre les villes médiévales.

Si elle n'est pas la plus ancienne, Beaucroissant fait sans nulle doute partie des plus vieilles foires du pays. « Elle appartient au patrimoine collectif. C'est la rançon de sa gloire et de son ancienneté », explique Bernadette Larcher.

L'apogée du foirail

L'universitaire propose une typologie de la foire selon ses fonctions : c'est d'abord une foire de village, les habitants de Beaucroissant, les Manants, ayant réussi à la faire perdurer dans le temps, au détriment de ses concurrentes et en dépit de son caractère rural.

C'est ensuite une foire de bétail. « Au début, il n'y avait que du menu fretin, détaille la professeure. Puis sont arrivés les vaches et les boeufs. La reconstitution du cheptel, après la guerre de 14-18, permet à la foire de connaître un bilan fulgurant. » L'apogée a lieu dans les années 70, avec le négoce de génisses et de broutards destinés à l'export.

Bernadette Larchais en profite pour rendre hommage à Max Josserand, le seul négociant encore présent sur le foirail. Puis les tracteurs viendront supplanter les bêtes.

 

Les Manants, les habitants de Beaucroissant, et les visiteurs étaient nombreux a assister à la conférence donnée dimanche 15 septembre à Beaucroissant.


C'est le secteur de la volaille qui aujourd'hui joue un rôle de plus en plus attractif, note l'universitaire. 

Beaucroissant est bien entendu une foire de matériel agricole. Ce commerce débute avec les cordes et les licols, en raison de la présence d'une filière chanvre locale, se poursuit avec la métallerie et se perpétue avec tous les outils agraires. « On vient à la foire car on trouve de tout », déclarent encore et toujours les fidèles du secteur.

Bernadette Larcher insiste aussi sur le secteur des marchandises, « un grand bazar en perpétuelle évolution ». A la foire, la clientèle rurale venait acheter tous les objets indispensables du quotidien, mais aussi découvrir les nouveautés de la ville. C'est ainsi que les articles en plastique, arrivés d'Oyonnax, sont devenus un marqueur de la foire. « Ils ont fait un malheur pendant des décennies ».

Une responsabilité

Beaucroissant est également une foire d'attraction avec des rapports parfois antagonistes entre ceux qui restent, les Manants, et ceux qui passent, les saltimbanques. Ce secteur festif et marchand est celui des découvertes et des vertiges, « mais aussi un lieu pédagogique, où l'on va voir des phénomènes ». Nains, femmes-serpent, femmes à barbe constituent une partie du peuple circassien aux côtés des diseuses de bonne aventure et des téméraires motocyclistes du « Mur de la mort ».

Enfin, Bernadette Larcher rappelle « qu'une foire ne fonctionne que si le champ social fonctionne ». Elle insiste : « Il y a un équilibre à trouver entre les antagonismes » et les synergies. Et ce rôle est dévolu à la mairie et aux Manants. Sacrée responsabilité.

Car c'est une foire qui aujourd'hui appartient un peu à tout le monde : au patrimoine des forains « qui cherchent une place au soleil après la braderie de Lille », au patrimoine paysan, la Beaucroissant étant le lieu de rendez-vous du quart Sud-Est de la France pour des exploitants de plus en plus isolés.

Elle appartient aussi au patrimoine de la ruralité : « on y parle du loup, de l'eau, des pesticides... ». Et puis, les urbains se la sont aussi appropriée, venant y chercher quelques racines. S'adressant aux Manants très nombreux venus l'écouter, elle déclare : « C'est une responsabilité de garder ce patrimoine, mais aussi un honneur ».

Isabelle Doucet

* Une foire de champs : la foire de Beaucroissant