Une récolte de noix modeste et compliquée

« Dans les zones séchantes du département, c'est catastrophique », déclare Yves Borel, le président du CING*.
La récolte des noix s'achève sur une note d'amertume en Isère et dans la Drôme.
Les volumes ne sont pas au rendez-vous : de 20% à 50% de récolte en moins par rapport à 2017.
Les producteurs ont passé beaucoup de temps et de main-d'œuvre à trier les noix dans les exploitations.
Noix brûlées par le soleil, verreuses, malades : les coteaux ont particulièrement souffert.
L'estimation de récolte de moins 10% de la Senura est largement dépassée, notamment parce qu'au triage, environ 30% des noix sont écartées.
En cause, la chaleur et la sécheresse. Les premiers dégâts constatés sont principalement dûs aux « coups de soleil » sur les noix et, à partir du mois de septembre, l'œuvre des ravageurs.
« Sans hygrométrie, les 15 premiers jours de septembre ont été mortels », commente Yves Borel.
Les brous n'ont pas résisté au soleil, les coques ont noirci et les fruits ont été fragilisés. « L'explosion des températures a provoqué un développement des ravageurs », confirme Yves Renn, le président de Coopenoix.
Des vergers stressés
« C'est une année exceptionnelle pour la sécheresse et les températures élevées, poursuit-il. Ce qui a entraîné des pertes significatives dans les exploitations, les obligeant à trier pour obtenir des déchets peu valorisables. »
Déjà stressés en 2017, les vergers ont continué à souffrir en 2018, rendant la récolte « compliquée ».
« Le déclencheur a été l'année 2003. Depuis, les arbres décrochent à chaque épisode de stress », constate Christian Mathieu, co-président de la station de recherche Senura.
« Dans les vergers irrigués, la récolte semble meilleure », espère cependant Yves Borel. Si bien que de nombreux projets d'irrigation sont en cours, notamment en Sud-Isère, afin d'assurer des récoltes satisfaisantes en qualité et en quantité.
Seul satisfecit, les calibres supérieurs à 30 mm sont majoritaires.
Pour Yves Renn, la campagne 2018 est un signe d'alerte. « Il faut se poser des questions de fond. La prise en compte de la pression sociétale a fait que beaucoup de producteurs ont réduit les traitements. » Avec pour résultat un état sanitaire du verger qui s'est altéré et « des conséquences catastrophiques ».
Il cite en exemple la troisième génération de carpocapse directement favorisée par la baisse des traitements. Pire, le stock de ravageurs dans les vergers est au plus haut, ce qui peut faire craindre une explosion pour 2019.
« Il existe pourtant des produits homologués, rappelle le président de Coopenoix, que l'on peut utiliser dans de bonnes conditions, mais il ne faudrait pas être soumis à cette pression délirante. »
Pour la filière, les enjeux sont énormes et se traduisent en perte de quantité et de qualité.
« C'est dommage, ce sera une année difficile vis-à-vis du consommateur, regrette Yves Borel. La qualité n'est pas homogène alors que nous avons fait beaucoup d'efforts pour la promotion de la noix de Grenoble. »
Isabelle Doucet
*Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble