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Coopération

" Vous êtes biens équipés, vous êtes bien installés " estiment les Burkinabé

Deux jeunes agriculteurs Burkinabé en visite en Isère considèrent avec enthousiasme la modernité et l'organisation de l'agriculture française
" Vous êtes biens équipés, vous êtes bien installés " estiment les Burkinabé

« Ici, tout est automatisé et les gens se donnent pour leur travail ». C'est ce qui a frappé Alizette Kabore depuis qu'elle a posé les pieds en France : le parc de machines agricole et la passion qui anime les agriculteurs français.

Avec Ali Ouatara, elle représente la délégation burkinabé en déplacement en Isère pour 15 jours.

 

Ali Ouattara, secrétaire général de l'Association des jeunes agriculteurs de la région des Hauts-Bassins, Burkina Faso.         Alizete Kabore est productrice de volaille et membre fondatrice de l'AJAHB.

 

Ils ont pour programme de découvrir la France agricole, de tout voir, tout entendre et tout rapporter aux adhérents de l'Association des jeunes agriculteurs de la région des Hauts Bassins (AJAHB), dont ils sont membres fondateurs mais aussi secrétaire général et secrétaire adjointe.

Le partenariat engagé entre la chambre d'agriculture de l'Isère, dans le cadre d'un programme régional, et celle des Hauts-Bassins donne depuis plusieurs années matière à de solides échanges.

Entre les JA, des liens d'amitiés se sont ainsi noués depuis que Françoise Soullier, Alexandre Escoffier, Jérôme Collet ont fait un voyage d'étude au Burkina Faso en 2014 et que le président de l'AJAHB est venu en France en 2012.

Comparer, comprendre

Au sixième jour de leur voyage, la visite à Beaulieu chez Alexandre Escoffier, nuciculteur élu à la chambre d'agriculture et responsable installation, a encore apporté son lot de surprises aux deux ambassadeurs.

A commencer par l'initiation au fonctionnement de la chaudière à bois déchiqueté pour sécher les noix et chauffer la maison d'habitation : du jamais vu pour ces deux jeunes agriculteurs plus habitués aux climatiseurs qu'au chauffage.

 

Echanges autour du fonctionnement de l'exploitation nucicole d'Alexandre Escoffier.

 

Chaque pas dans l'exploitation est l'occasion de comparer, de comprendre.

« Il y a beaucoup de normes en France par rapport au Burkina, avance Alexandre Escoffier. Nous avons le droit de n'utiliser que certains produits et nous devons ramener les bidons. »

Ce qui fait rire les deux visiteurs, rompus à vivre dans une économie de l'austérité et du système D. « Au Burkina, dans un bidon, on y met de tout : des produits, du lait, de l'huile », lance Ali Ouatara.

Un projet de Cuma

Installée depuis trois ans, Alizette Kabore élève de la volaille.

Elle a voulu faire de son exploitation un modèle de modernité. Planning, coûts de production, campagne de vaccination, taux d'éclosion, de ponte, de productivité, de croissance : l'élevage est piloté avec rigueur.

Elle produit des bandes de 100 poulets par mois, qu'elle élève du stade poussin à quatre mois. Le poulet est vendu en direct et en vif.

Elle élève également des dindons, des cailles et des pintades.

L'exploitation est autonome : les volailles consomment le maïs produit à la ferme. L'agricultrice dispose d'une surface de 10 ha où elle va planter des anacardiers à l'ombre desquels elle va organiser des parcours pour les poules.

Alizette Kabore tient à diversifier ses productions et mesure sa chance d'être propriétaire de ses terres.
Car la difficulté d'acquérir du foncier pour s'installer est un point de similitude avec le système français.

Ainsi, Ali Ouatara exploite 5 hectares de maïs semence hybride, une niche porteuse. Il travaille sous contrat avec la coopérative Nafaso. « Mais ça ne suffit pas », reconnaît-il.

Il exploite les terres de son « papa » et nourrit le projet d'acquérir 10 hectares supplémentaires.

Le système est extrêmement codifié. Et toute décision passe par le chef du village avant d'être validée par l'administration.

« Si tout va bien, en 2018, je produirai 15 hectares », déclare le jeune homme de 25 ans.

Les semis seront effectués fin mai pour une récolte au mois d'octobre.

Labourer, semer, sarcler, l'agriculteur travaille avec deux bœufs.

« Nous avons un projet de Cuma pour mobiliser des ressources et permettre à tous les membres de l'association de bien travailler », explique Ali Ouatara. D'ici deux ou trois ans, il espère ainsi faire l'acquisition d'un tracteur en commun.

« La terre ne ment pas »

Les fondateurs de l'association sont considérés comme innovants au Burkina Faso.

Le travail en commun, l'entraide en agriculture ne sont pas très répandus et leur association est la première du genre dans leur pays.

« Nous souhaitons grandir au niveau national », déclare Ali Ouatara. Il s'inspire du modèle agricole français « bien ordonné et bien structuré » pour construire leur propre référentiel.

« Vous êtes bien équipés, vous êtes bien installés, bien conseillés, bien suivis », s'enthousiasme le cultivateur.

 

 

Au Burkina, Ali Ouatara et Alizette Kabore comptent surtout sur les conseils de leurs confrères et les visites d'exploitations qu'ils organisent. Ils sont eux-mêmes référents dans leurs productions.

« C'est difficile d'être agriculteur au Burkina car les paysans ne sont pas respectés », déclare la jeune femme. Celui qui n'entre pas dans la fonction publique est considéré comme ayant échoué, témoignent-ils.

« Il faut être fort mentalement pour s'installer, insiste Alizette Kabore qui veut « montrer un autre visage de l'agriculture. Nous voulons sensibiliser les jeunes par nos actes ».

« Nous voulons montrer que la terre ne ment pas », reprend Ali Ouatara.

Qualité plutôt que quantité

Les deux jeunes agriculteurs sont revenus enthousiasmés de leur visite de la ferme des Colibris dans le Vercors. « Ici, les gens aiment la qualité et non la quantité », reconnaît l'agriculteur.

« On a vu les système de rotation des animaux et des prairies, ce qui ne se fait pas chez nous », rapporte l'éleveuse de volailles.

Dylan Rochas leur a fait forte impression. « A 18 ans, il est ouvert, motivé par son travail, il maîtrise son domaine et n'a jamais eu de mal à répondre à nos questions », note-elle encore.

Le système des magasins de producteurs, à l'image de la ferme de Bonne à Grenoble, les a aussi fortement intéressés.

Isabelle Doucet
Jean-Claude Darlet, président de la chambre d'agriculture

« Il détiennent l'avenir de l'agriculture du Burkina »

« Les deux jeunes agriculteurs du Burkina que nous recevons souhaitent échanger sur la politique d'installation et sur l'intégration des jeunes dans les structures agricoles, explique Jean-Claude Darlet, le président de la chambre d'agriculture de l'Isère. Ils rencontrent des JA de l'Isère pour s'imprégner de leurs pratiques, voir les formations, le système d'installation, le foncier, l'économie des exploitations. »
Le responsable agricole invite ses visiteurs « à prendre toute leur place, y compris dans les élections des chambres d'agriculture et dans les collectivités ».
Il insiste : « Il est important de ne pas être guidé par ceux qui se moquent de l'agriculture. Ce sont eux qui détiennent l'avenir d'une région qui est le grenier du Burkina. »
Des valeurs fortes
Jean-Claude Darlet souligne l'intérêt de la coopération internationale pour ces jeunes Burkinabé.
« Ces échanges leur permettent de ne pas reproduire nos erreurs. Par exemple, l'installation doit rester leur projet, à la différence de la France où l'on est parfois submergé par l'administration. »
En contrepartie, le président de la chambre d'agriculture pense que « ces échanges peuvent faire évoluer certaines choses » dans notre système.
Il pense à la réinsertion professionnelle en agriculture, à l'accompagnement de la transmission, autant d'étapes de la vie des jeunes agriculteurs empreintes de valeurs très fortes, « où ils redonnent tout son sens à la formation » et « où les gens font preuve d'ouverture d'esprit ».
Jean-Claude Darlet en est persuadé : ces rencontres peuvent « redonner foi aux JA qui se rendent compte que ça ne va pas si mal avant de tout critiquer ».
ID

 

 

 

Un programme chargé

En visite en Isère du 3 au 17 mai, les deux jeunes agriculteurs burkinabé ont multiplié les visites d'installations et de structures : du Vercors à la Boucle du Rhône, en passant par le Sud-Grésivaudan et les Terres Froides, ils ont pu découvrir la richesses des productions iséroises. Ils ont aussi été accueillis par les responsables de la chambre d'agriculture qui leur ont présenté les différents services, ont visité les établissements scolaires (MFR de Mozas et lycée de La Côte-Saint-André) et découvert le système des points de vente collectifs.