Élevage
Deux vétérinaires créent un nouveau cabinet dédié à la pratique rurale.

Isabelle Brenguier
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Deux jeunes vétérinaires ruraux ouvrent un nouveau cabinet dans le Sud-Isère. Indispensable au maintien de l’élevage du territoire, cette installation était ardemment souhaitée, tant par les éleveurs que par l’ensemble des acteurs du monde rural.

Deux vétérinaires créent un nouveau cabinet dédié à la pratique rurale.
Hugo Jeannet et Roberto Alciato viennent d'ouvrir un cabinet vétérinaire spécialisé en rurale à Monestier-de-Clermont.

L’ouverture du cabinet vétérinaire « Vet’ Sud Isère » le 3 octobre à Monestier-de-Clermont, était attendue. Très attendue. Et pour cause. Depuis quelques mois, les éleveurs du sud-Isère, entre Grenoble et Lus-la-Croix-Haute, sont en manque de praticiens. Si l’absence a été palliée par les cabinets voisins de La Mure, Mens et Pontcharra (sic), elle ne pouvait guère durer. Encore fallait-il trouver les candidats prêts à se lancer… 

Anciens salariés du cabinet de Vif, Hugo Jeannet et Roberto Alciato avaient sympathisé et s’étaient dit que : « peut-être qu’un jour, ils pourraient s’installer ensemble… ». Ce jour est venu. Respectivement âgés de 27 et 30 ans, passionnés par leur métier, les deux jeunes associés sont enthousiastes à l’idée de créer leur propre structure. 

Un projet de vie

L’opération peut s’apparenter à un défi. Hugo Jeannet et Roberto Alciato le savent bien, de nombreuses difficultés vont jalonner leur parcours. Il faudra faire avec la configuration du territoire, son relief, et les nombreux kilomètres qu’ils seront amenés à parcourir au quotidien, la conjoncture des élevages, et l’apprentissage de la gestion d’un cabinet, domaine pour lequel ils ne sont pas formés au cours de leurs études. 

Mais qu’importe, les futurs associés sont motivés. Tous deux ont choisi l’activité rurale parce qu’ils aiment les bovins et le contact régulier avec les agriculteurs. Tous deux sont attachés au Sud-Isère, à ses montagnes et son élevage extensif. Et tous deux sont convaincus des perspectives qui s’offrent à eux.

« Les éleveurs du secteur sont des agriculteurs dynamiques et compétents, qui ont su profiter des ressources du territoire et développé la vente directe, de façon à améliorer leurs revenus. Nous nous réjouissons de travailler avec eux », assurent les deux vétérinaires. Et ils le reconnaissent : « notre projet est bien plus qu’un projet d’installation en tant que vétérinaires, c’est un projet de vie. Nous espérons qu’il s’inscrira dans la durée ».

15 000 euros d’aides

Avec sa géographie, le Sud-Isère présente de fortes contraintes, notamment en termes de déplacement et de garde. Identifié comme secteur « critique », l’installation de nouveaux praticiens était même considérée comme une « nécessité absolue » pour garder les élevages du territoire, sans lesquels il n’y aurait ni production alimentaire, ni paysages ouverts.

L’arrivée d’Hugo Jeannet et Roberto Alciato est donc une chance pour le territoire. Mais ce n’est pas un hasard. Elle a été facilitée par le travail de réflexion engagé depuis plusieurs années par l’association « Véto 38 », la DDPP (Direction départementale de protection des populations, le GDS (Groupement de défense sanitaire), la Chambre d’agriculture de l’Isère et le Département.

Et elle est soutenue financièrement, grâce au dispositif d’aides porté par la collectivité qui vise à accompagner les installations de vétérinaires dans les secteurs géographiques les plus difficiles. 

Hugo Jeannet et Roberto Alciato sont les premiers vétérinaires ruraux isérois à profiter de ces aides. Ils bénéficieront chacun d’une aide forfaitaire à l’installation de 15 000 euros et d’une indemnité kilométrique de 0,20 centime du kilomètre pour leurs déplacements. 

Continuité des soins

L’objectif du dispositif est bien de rendre leur activité tenable dans la durée, tant en termes financiers qu’en termes d’organisation du travail. 

En s’associant ainsi, les deux vétérinaires vont pouvoir se partager les astreintes et l’obligation légale de continuité des soins aux animaux à laquelle ils sont tenus.

Benjamin Dubail, président de « Véto 38 », le dit : « la réalisation des gardes dans des conditions correctes, la possibilité d’avoir de vrais jours de congés, couplées avec l’attractivité de la région et ses commodités, ainsi que les opportunités d’emploi permises au conjoint, font partie des éléments permettant de garder des vétérinaires dans les territoires ». 

Difficultés identifiées

Les difficultés inhérentes au métier sont identifiées depuis longtemps. Elles viennent en plus de la concurrence qui s’installe entre les activités rurale et canine. Plus lucrative et moins contraignante, cette dernière attire davantage les jeunes vétérinaires.

« L’activité canine est en plein essor. Les animaux de compagnie sont de plus en plus nombreux et appartiennent à des propriétaires aux revenus plutôt confortables. La tendance n’est pas la même en rurale, où le nombre de bovins diminue et où les éleveurs n’arrivent pas toujours à vivre de leur métier », souligne le président de « Véto 38 ». 

Tout cela concourt à la baisse générale du nombre de praticiens ruraux qui ne cesse de s’accentuer. Sur 300 vétérinaires installés en Isère, une cinquantaine exerce une activité rurale, répartis au sein d’une petite vingtaine de cabinets. Mais entre 2017 et 2020, leur nombre a diminué de 30 %. Et en 2022, sur les 17 cabinets qui pratiquent encore la rurale, deux vont cesser leur activité. 

Les partenaires engagés comptent bien que ces nouveaux dispositifs jouent un rôle favorable pour le maintien et l’installation des vétérinaires ruraux en Isère.

Isabelle Brenguier

 

Terre Dauphinoise s'est déjà intéressée au sujet. Retrouvez des articles afférents :

* Sur l'adaptation des écoles au manque de vétérinaires, cliquer ici

* Sur la baisse du nombre de vétérinaires en Isère, cliquer ici

 

Le « plan vétérinaire » en action
Jean Papadopulo est vice-président délégué au laboratoire départemental et à la santé en Isère.
Soutien professionnel

Le « plan vétérinaire » en action

En partenariat avec « Véto 38 », la DDPP, le GDS et la chambre d’agriculture, le Département de l’Isère s’est engagé pour aider financièrement les vétérinaires ruraux. En accord avec la législation.

La problématique de diminution du nombre de vétérinaires ruraux, en lien avec la baisse du nombre d’exploitations agricoles est connue depuis longtemps. Elle existe en Isère et partout dans le territoire national. Pour Jean Papadopulo, vice-président délégué au laboratoire départemental et à la santé en Isère : « C’est un cercle vicieux. Sans élevage, il n’y a pas de vétérinaire. Et sans vétérinaire, il n’y a pas d’élevage. Il faut donc agir sur les deux fronts ».

Le département s’y emploie d’une part en soutenant au quotidien la production agricole et d’autre part par la création en juin dernier, d’un dispositif innovant mis en œuvre pour maintenir le maillage territorial vétérinaire.

Cette action a été rendue possible par l’adoption de la loi Ddadue * en novembre 2020. Grâce à cette nouvelle disposition, les collectivités territoriales sont autorisées à attribuer des aides aux vétérinaires qui contribuent à la protection de la santé publique et assurent la continuité des soins aux animaux d'élevage dans les zones définies comme des déserts vétérinaires ou sous-denses.

Continuer à travailler

Le dispositif a été élaboré par l’ensemble des organisations qui gravitent autour du monde de l’élevage : l’association « Véto 38 », qui joue un rôle capital pour la défense de l’activité vétérinaire rurale, la DDPP (Direction départementale de protection des populations), le GDS (Groupement de défense sanitaire), la Chambre d’agriculture de l’Isère et le Département.

« Il prévoit une intervention à trois moments clés de la carrière des vétérinaires », indique Jean Papadopulo. « D’abord, pendant leurs études, quand ils sont étudiants et qu’ils recherchent des stages, nous leur offrons une indemnité de logement de 300 euros par mois, pour les inciter à découvrir la région. Ensuite, au moment de leur installation, nous leur attribuons une aide forfaitaire de 15 000 euros, pour un engagement minimum de trois ans, et l’assurance de la continuité des soins dans le territoire. Et enfin, quand ils sont installés, nous leur accordons une aide kilométrique de 0,20 centimes, pour le suivi sanitaire des élevages. L’idée est de permettre à ces praticiens de continuer à travailler dans la durée. Le métier de vétérinaire rural est très difficile. Il l’est encore plus en zone de montagne. Nous espérons favoriser les installations pour que le maillage vétérinaire soit plus dense. Cela permettrait que les tours de gardes s’espacent, que leur activité soit moins éprouvante, et cela éviterait leur épuisement », ajoute le politique, vétérinaire de métier.

La dépense pour la collectivité est estimée à 100 000 euros par an.

* Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne

IB

Recrutement

Le Ministère de l’agriculture ouvre un concours pour recruter des techniciens supérieurs dans la spécialité « vétérinaire et alimentaire ». Avec affectation sur des postes en sécurité sanitaire des aliments (SSA), le technicien aura comme mission principale la protection de la santé publique tout au long de la chaîne alimentaire. Les inscriptions sont possibles du 15 septembre au 15 octobre.