Les prix des grains baissent depuis que la moisson a débuté dans l’hémisphère nord et donne un sentiment d’abondance sur les marchés. La Russie expédie rapidement sa nouvelle récolte, meilleure qu’attendue. Mais l’Union européenne reste sur le banc.
Au terme du premier conseil spécialisé de la nouvelle campagne 2024-2025, FranceAgriMer a annoncé que la France ne produirait que 29,4 millions tonnes (Mt) de blé cette année. Sur les 4,2 millions d’hectares (Mha) semés l’automne passé, le rendement moyen serait de 69,9 quintaux par hectare (q/ha), soit 4 q/ha de moins que l’année passée. Arvalis, institut du végétal est beaucoup plus pessimiste. Selon lui, le rendement moyen n’excéderait pas 64 q/ha (versus 74 q/ha en 2023). Autrement dit, la récolte française de blé serait inférieure à 27 Mt ! Quoi qu’il en soit, ces prévisions impacteront fortement les capacités d’exportations de blé de l’Hexagone vers les pays tiers. FranceAgriMer les estime d’ores et déjà à 7,5 Mt mais si les prévisions d’Arvalis sont confirmées, elles ne dépasseraient pas 5 Mt et seraient inférieures de moitié à celles de l’an passé.
Pas de renversement de tendance
En Union européenne, de nombreux pays du nord victimes, comme en France, de conditions de cultures défavorables depuis huit mois, s’apprêtent aussi à engranger nettement moins de blé que l’an passé. À l’échelle des Vingt-Sept, la Commission européenne estime leur production à 122 Mt. Mais en puisant dans leurs stocks, ils parviendraient cependant à en exporter 31,6 Mt (- 1,4 Mt sur un an). Au Royaume-Uni, 11 Mt de grains seraient aussi récoltées, soit 3 à 4 Mt de moins que les autres années. Ces sombres prévisions n’entament pas l’optimisme retrouvé des marchés. Certes, depuis trois semaines, le prix de la tonne de blé oscille à Rouen autour de 220 €, soit 40 €/t de moins qu’à la fin du mois de mai dernier lorsque les marchés étaient alors très tendus. Mais au fil des moissons, les ventes de blé de la mer Noire donnent un sentiment d’abondance. Par ailleurs, la récolte russe est meilleure que prévu. Le site Sovecon.ru la réévalue à 84,1 Mt de tonnes, soit 3,4 Mt de plus qu’annoncé un mois plus tôt. Elle demeure cependant inférieure de près de 10 Mt à celle de 2023. Aux États-Unis, les nouvelles prévisions de l’USDA ne préfigurent aucun renversement de tendance sur le front des prix. L’institut américain évalue dorénavant à 54,7 Mt, la production étasunienne de blé (+ 10 Mt par rapport à 2021-2022) et celle du Canada, à 35 Mt (+13 Mt). Ces deux pays, seraient, ainsi en mesure d’exporter jusqu’à 37 Mt d’ici la fin du mois de juin 2025.
Rendements en baisse
Ces estimations anticipent une production mondiale de blé rééquilibrée : les 14 Mt de blé russe et ukrainien produites en moins cette année sont largement compensées par celles qui seront récoltées dans le reste du monde, l’Union européenne mise à part. Mais une partie de ces prévisions mondiales anticipent une seconde moitié de campagne très bonne à partir de l’hiver prochain. En attendant, les céréaliers européens débutent la nouvelle campagne de blé tendre doublement pénalisée par une récolte et des prix faibles. Pour le blé dur, la situation semble similaire. Comme l’an passé, seule 1,3 Mt de grains en France serait engrangée alors que la production mondiale s’est nettement redressée (35 Mt ; + 4 Mt sur un an). Au Canada, la tonne de grains vaut près de 50 € de moins que sur le marché de La Palice (autour de 300 €). Pour l’orge, la campagne européenne se présente sous de meilleurs auspices. Le comité de gestion des cultures arables estime à 53,4 Mt, la production des Vingt-Sept, soit 2 Mt de plus que l’été passé. Toutefois, moins de grains seraient produits en France (11,3 Mt ; - 1Mt sur un an) car le rendement n’excéderait pas 62 q/ha (- 9 % sur un an). Mais les Vingt-Sept seraient en mesure d’exporter 10,3 Mt dont 2,8 Mt depuis la France. Quant à la précédente campagne, l’Union européenne l’achève légèrement en dessous de ses objectifs fixés en 2023 pour le blé (31,4 Mt versus 33 Mt) mais aussi pour l’orge (9 Mt versus 9,4 Mt). Le Maroc, en tête des pays importateurs, a acheté 5,3 Mt de grains en 2023-2024, suivi par la Chine, 4,9 Mt.
Actuagri
FNSEA et JA demandent des mesures exceptionnelles de trésorerie
Réagissant à la mauvaise récolte attendue en céréales cette année, la FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) demandent des mesures exceptionnelles de trésorerie pour aider les agriculteurs à passer ce cap difficile. Ilsdemandent également au gouvernement d'actionner « les leviers existants au plus vite ». Et de citer les procédures de reconnaissance en calamités agricoles, en catastrophes naturelles, les zones bénéficiant de l’indemnité de solidarité nationale (ISN) et l'automatisation des dégrèvements de taxe sur le foncier non-bâtis. Le syndicalisme majoritaire demande par ailleurs que les assureurs « soient particulièrement réactifs quant aux sollicitations des assurés mais aussi des agriculteurs qui les ont choisis comme interlocuteurs agréés chargés d’instruire et verser l'ISN pour le compte de l’État ». FNSEA et JA se sont enfin dits « entièrement mobilisés pour identifier les victimes, recenser les pertes et faciliter la mise en œuvre des moyens pour accompagner et soutenir les agriculteurs ».