Session chambre
Une crise de la FCO qui n’en finit pas

Isabelle Doucet
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Les débats de la dernière session de la Chambre d’agriculture de l’Isère de la mandature ont surtout porté sur la gestion de la FCO et la présentation d’un document cadre pour le photovoltaïque au sol.

 

Une crise de la FCO qui n’en finit pas
Jérôme Crozat, vice président de la Chambre d'agriculture de l'Isère, François Gorieu, DDT, Jean-Claude Darlet, président d ela Chambre, Laurent Simplicien, secrétaire général de la préfecture de l'Isère. Photo : ID TD

D’une intensité sans précédent, la crise de la Fièvre catarrhale ovine (FCO) secoue encore durement le monde de l’élevage en Isère.
Aussi, jeudi 21 novembre, une partie des débats de la dernière session de la Chambre d’agriculture de l’Isère a été nourrie de nombreuses réflexions autour des deux motions déposées, l’une par la Confédération paysanne, l’autre par la FDSEA/JA de l’Isère.
En jeu, un traitement égal par l’État entre la FCO3 et la FCO8, qui vient de faire son entrée dans le département. FDSEA et JA demandent un accompagnement financier de l’ensemble du cheptel (pertes directes et pertes indirectes), l’extension du cadre de force majeure aux déclarations PAC 2026 et des efforts sur le ramassage des cadavres.
La Conf' réclame le versement d’un acompte forfaitaire, point qui a été intégré à la motion commune.
Mais ce qui a créé le malaise dans l’assemblée est que les membres de cette dernière pointent des « réactions tardives et dispersées des services de l’État et des OPA ».
« Cela me dérange, indique David Rivière, élu référent bien-être animal à la chambre d’agriculture. Il faut mettre en avant la réactivité du GDS. Il y a eu des réunions immédiatement, début août dans la Bièvre, puis un travail remarquable réalisé par Catherine Vénineaux, conseillère ovine à la chambre, pour le comptage des animaux et la mise en place de groupes de réflexion. Enfin les services de la DDPP ont organisé des réunions dans les territoires. On ne peut pas dire que les OPA ou l’État se sont désengagés. »

Dès le premier cas

Aurore Tosti, la directrice du GDS, complète : « La FCO est arrivée début août et nous avons prévenu les éleveurs dès le premier cas. Depuis l’hiver, nous informons qu’il y a de la FCO dans le Sud-Ouest, mais nous ne pouvions pas prévoir qu’elle arriverait en Isère cet été car il n’y a pas eu de diffusion dans les départements voisins. »

 
Aurore Tosti, la directrice du GDS, fait le point sur la gestion de la crise FCO. Photo : ID TD

Sébastien Simian, le président du GDS qui a été sur le front durant tout l’été, rappelle que « le GDS a été créé par les éleveurs et pour les éleveurs. C’est une association assyndicale. 80 % des éleveurs du département sont adhérents ».
Il souligne le travail en commun réalisé par les OPA. Il s’agit notamment de l’infolettre diffusée à tous les éleveurs (4 000 personnes dans le département) via les services de la DDT.
La lenteur du retour des résultats des premières analyses a aussi été critiquée par la Conf', le GDS reconnaissant un « couac » des laboratoires durant l’été — dû au caractère exceptionnel de l’épidémie — et la nécessité d’un travail d’amélioration sur les approvisionnements de kits d’analyse.

Limiter les dégâts

Enfin, les débats ont porté sur la prise en charge de l’épidémie par l’État.
Laurent Simplicien, secrétaire général de la préfecture, a rappelé que près de 15 % du cheptel isérois a été touché (1).
« La FCO8 est prise en charge par le fonds FMSE (2) et la FCO3 par le fonds d’urgence de 75 M€ ». Il a aussi insisté sur la nécessité de faire la demande de cas de force majeure, le dispositif étant encore trop rarement activé par les éleveurs.
« Préparez-vous, la FCO3 arrive et la MHE se rapproche, a-t-il insisté. Il faut vacciner, surtout au premier semestre 2025 afin de limiter les dégâts. »
Jérôme Crozat, vice-président de la chambre d’agriculture et président de la FDSEA de l’Isère, a précisé que FMSE — constitué d’une cotisation commune de 20 € et de 12 cts par ovin et 2 cts par bovin collecté par le GDS — est certes un système « à rénover », notamment en raison des délais d’indemnisation.
Mais il ajoute : « II y a les diseux et les faiseux et je préfère être dans ceux qui font : c’est la FDSEA et les JA qui ont demandé la prise en charge de la FCO8 obtenue à hauteur de 75 M€. »
Le département de l’Isère bénéficiera du versement de 2 M€ au titre de la FC08 au premier semestre 2025. « Une première victoire est d’avoir réussi à faire entrer la FCO8 dans le FMSE, on verra après s’il manque des fonds », ajoute Aurélien Clavel, secrétaire général de la chambre d’agriculture.

Des réponses concrètes

Une partie de la session a aussi été dédiée aux actions de la chambre en matière de productions végétales. « Notre fil rouge est d’apporter des réponses concrètes aux agriculteurs », indique Mayeul Plaige, conseiller agronomie environnement.
« Notre panel d’actions s’est étoffé depuis ces dix dernières années avec la nécessité d’être plus technique dans notre conseil, en particulier sur les phytos et leurs alternatives. »
La chambre d’agriculture est impliquée dans le programme d’adaptation au retrait des substances actives – plus de 70 dans les années à venir – pour trouver des solutions concrètes.
Elle participe ainsi à l’appel à projet national Parsada et son volet Gramicible porté par Arvalis pour « une meilleure maîtrise des graminées dans les cultures », explique Mayeul Plaige.
En maraîchage, la conseillère Christelle Robert, pilote des actions interdépartementales.
Elle met en avant deux points d’attention : d’une part l’arrivée de nouveaux ravageurs, d’autre part « la forte évolution des porteurs de projets ».
Reconversion professionnelle, hors-cadre familiaux : ces futurs installés ont besoin d’être sensibilisés « aux points de vigilance et de réussite ».
« Il faut vraiment qu’ils aient de bonnes parcelles, avec de l’eau et la possibilité de vendre près de chez eux », insiste Alexandre Escoffier, vice-président de la chambre d’agriculture.
Accepter les aides, l’accompagnement, la formation et la mécanisation, font partie des clés de réussite.
Aurélien Clavel en profite pour rappeler que l’Isère a besoin de production de légumes plein champ pour approvisionner les circuits locaux.

Isabelle Doucet

(1) Entre 8 et 900 bovins, et entre 5 à 6 000 ovins
(2) FMSE : Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental

Lors de la dernière session de la mandature à la Chambre d'agriculture de l'Isère. Photo ID TD

Un cadre pour le photovoltaïque au sol
Lors de la dernière session de la Chambre d'agriculture de l'Isère. photo : ID TD

Un cadre pour le photovoltaïque au sol

Les membres de la Chambre d’agriculture de l’Isère ont voté un document cadre sur le photovoltaïque au sol.

En vertu de la loi Aper (1), la Chambre d’agriculture de l’Isère a réalisé un document cadre afin d’identifier pour la préfecture les surfaces ouvertes à des projets d’installations photovoltaïques au sol.
Les travaux de recensement menés par l’équipe de la conseillère Céline Faillie font état de 660 ha qualifiés de surfaces incultes ou non cultivées depuis dix ans.
Une autre catégorie de surfaces susceptibles d’accueillir du photovoltaïque au sol sont les « surfaces incluses d’office » sur la base de 14 critères (anciennes carrières, plans d’eau, délaissés etc.) La chambre d’agriculture n’a la main que sur la première catégorie d’espaces.
« Ne pas confondre photovoltaïque au sol et agrivoltaïsme, précise André Coppard, vice-président de la chambre d’agriculture. Nous sommes dans un cadre purement énergétique et non pas agricole. Il s’agit d’éviter de mettre des panneaux sur des terres agricoles. »
La question de l’agrivoltaïsme fera en effet partie des missions de la prochaine mandature.
Les échanges ont porté sur la question du réaménagement des carrières, Jean-Claude Darlet précisant qu’en étaient exclues celles faisant l’objet d’un conventionnement en vue de leur remise en état agricole.
Jérôme Crozat a fait remarquer qu’il serait intéressant de conserver quelques-uns de ces hectares au titre des compensations environnementales ou encore pour accueillir l’aire de grand passage des gens du voyage Entre-Bièvre-et-Rhône.
Le document a été voté à l’unanimité.

ID

(1) Loi Aper : loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables

 

Ils ont dit

Jean-Claude Darlet : priorité à l’installation
Pour conclure la dernière session, le président de la Chambre d’agriculture de l'Isère, Jean-Claude Darlet, a fait le bilan d’une mandature ponctuée de problèmes économiques, climatiques, sanitaires etc.

Jean-Claude Darlet a présidé sa dernière session de la chambre d'agriculure. Photo : ID TD

Ces années de difficultés se sont traduites « par un grand malaise agricole en début d’année qui n’a pas cessé depuis, même s’il y a eu de petites avancées ».
Il cite un dernier exemple des difficultés administratives auxquelles le monde agricole est confronté comme désormais la nécessité d’obtenir un avis de la CDPENAF pour construire un bâtiment agricole équipé de panneaux photovoltaïques. « C’est lamentable », a-t-il déploré.
Sa plus grande fierté est sans doute la « politique volontariste » menée par la chambre pour l’installation : une centaine chaque année dans la diversité et la durabilité.
Il cite le travail fait sur l’irrigation, dans les réseaux Déphy, le développement des filières avec le Pôle agroalimentaire, la méthanisation, la gestion des calamités, les circuits courts, la formation, la mise en place de leviers environnementaux, l’implication dans l’aménagement du territoire, mais aussi « la chance d’être soutenu par le Département ».
Il conclut : « J’ai passé des temps riches à vos côtés, j’ai beaucoup appris ».
Les élections des chambres d’agriculture auront lieu au mois de janvier 2025.

Pascal Denolly : son dernier round
Ex-président de la FDSEA de l'Isère, de la Safer et du Pôle agroalimentaire, ex-vice-président de la Chambre d’agriculture de l’Isère, Pascal Denolly salue l’évolution technique des services de la chambre. « Nous avons tous eu à cœur de défendre les agriculteurs, tous les agriculteurs », a-t-il déclaré en remerciant l’assemblée, « dont les salariés ».

Jérôme Crozat : position contradictoire de la Conf’
Au moment du vote de la motion commune, FDSEA/JA/Conf au sujet de la FCO — la Conf’ acceptant de voter celle proposée par la FDSEA en intégrant les éléments de sa motion — un membre de la Confédération paysanne a tout de même voté contre. Jérôme Crozat, vice-président de la chambre, a souligné en aparté « la position contradictoire » des représentants de ce syndicat.
Lors de cette dernière session, il a salué le travail des vice-présidents et des élus sortants de la chambre d’agriculture.

(1) Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers