Après 35 années passées à la Ferme de Belle Chambre en tant que responsable de l’exploitation agricole, Catherine Bibollet fait valoir ses droits à la retraite. Elle revient sur l’évolution du regard porté sur l’autisme et l’agriculture thérapeutique.
Sur le point de prendre sa retraite, après avoir passé 35 ans à la Ferme de Belle Chambre, cet établissement situé à Sainte-Marie-du-Mont, qui accueille 30 adultes atteints de troubles du spectre de l'autisme et de déficience intellectuelle, Catherine Bibollet, responsable de l’exploitation agricole attenante, fait le constat que « les choses ont avancé, le regard de la société a changé ». Heureusement. « Car en 1989, en France, l’autisme n’existait même pas », déclare-t-elle. « Au fil de ces années, j’ai vu le concept d’agriculture sociale et thérapeutique arriver, la prise en charge de ces personnes se mettre en place. Aujourd’hui, on sait tout ce que l’agriculture apporte aux personnes atteintes d’autisme, en termes de repères, grâce aux saisons, grâce aux productions. C’est apaisant et structurant », détaille la responsable, elle-même formée à la fois dans le domaine de l’agriculture et dans celui de l’éducation.
Ses années passées à Belle Chambre lui ont permis de voir des résidents qui au fil du temps, « ont fait des acquisitions, se sont apaisés, se sont sentis mieux, se sont ouverts ». Cela prend toujours beaucoup de temps, mais il s’agit de « victoires ». Pour autant, elle reconnaît également avoir appris l’humilité, quand « les retours à la case départ faisaient suite à ces mêmes victoires ».
A quatre mains
A Belle Chambre, la ferme, composée de 13 hectares de prairies et de bois, d’un élevage de 11 vaches laitières et d’un atelier de transformation fromagère, fait partie intégrante du projet thérapeutique de l’établissement. Les activités agricoles sont menées dans leur totalité, sans fractionnement, ce qui permet aux résidents de comprendre la finalité de leur travail.
Contrairement à un poste en atelier, à la chaine, où il n’est qu’un maillon, et ne fabrique qu’une partie de l’objet, le résident accueilli à Belle Chambre trouve dans l’activité agricole une réponse à son incapacité de compréhension abstraite. Pour Catherine Bibollet, les bénéfices apportés aux résidents par les tâches à accomplir au sein de l’exploitation sont manifestes. « Ces travaux évitent l’errance, apaisent, mettent en situation d’adultes, en situation de réussite aussi », détaille-t-elle.
A Belle Chambre, tous les résidents sont impliqués d’une façon ou d’une autre dans le fonctionnement de la ferme. Ils sont inclus dans tous les process, du soin des bêtes, à la fabrication des fromages, jusqu’à leur commercialisation. Nous accomplissons toutes les tâches avec eux, à quatre mains. « Cela prend beaucoup de temps, mais c’est indispensable pour ne pas mettre les résidents en situation d’échec », explique-t-elle.
Un travail reconnu
Pour la responsable, « la ferme est une vraie exploitation. Nous sommes dans la réalité de la vie, de la production, de l’économie. Et financièrement, nous ne sommes pas davantage aidés qu’une autre ferme. Pour qu’elle fonctionne, nous devons être à l’interface entre la technique et le sanitaire, avec en plus l’éducatif. Je trouve que nous n’avons pas à rougir de ce que nous sommes, ni de ce que nous faisons. D’ailleurs, notre travail est reconnu, par nos pairs - nous sommes membres de l’APFI (1) - et par les habitants du territoire de Chartreuse et du Grésivaudan, qui consomment nos produits », poursuit-elle, forte de son expérience.
Elle constate d’ailleurs que si à un moment, il fallait toujours prouver qu’ils avaient le droit d’être là, ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Il y a 35 ans, nous avons inventé. Depuis, nous avons acquis des compétences, des façons de faire, des modes opératoires. On s’inspire de notre activité ».
(1) Association des producteurs fermiers de l’Isère
Isabelle Brenguier