Lors de portes ouvertes organisées le 12 juin à l’occasion des dix ans du saint-marcellin IGP, les Fermes du sabot, à Auberives-en-Royans, ont montré aux visiteurs leur adaptation depuis des décennies pour produire le petit fromage rond.
« Nous avons mis un -s à « fermes » afin que l’on comprenne bien qu’il y a la partie élevage ainsi que la partie transformation, car nous sommes artisans-fromagers et éleveurs caprins », déclare Christelle Ezingeard, co-dirigeante des Fermes du sabot, à Auberives-en-Royans.
Pour les dix ans du saint-marcellin IGP, l’exploitation a ouvert ses portes aux visiteurs le 12 juin. Et depuis sa création en 1980 jusqu’à aujourd’hui, de nombreux changements ont eu lieu, mais le petit fromage rond est toujours produit.
Évolution de la ferme familiale
« L’exploitation a une histoire très ancienne, explique Christelle Ezingeard. Guillaume, mon conjoint, et moi, sommes la quatrième génération à y travailler, nous nous sommes installés en 2015 ». L’ancienne fromagerie datait de 1986. Or, « au moment où tout le monde était chez soi, en 2020, et ne pouvait pas faire grand-chose à part bricoler, nous avons fait pareil et décidé de construire une nouvelle fromagerie », précise-t-elle.
Le saint-marcellin a toujours été fabriqué sur place, de même que le saint-félicien. Mais depuis son installation, le couple a cessé d’élever des bovins pour plutôt élever des chèvres. « Nous n’avons pas pour autant arrêté l’élaboration de saint-marcellin, car ce fromage entre dans la longue histoire de la ferme », confie l’agricultrice. Le lait des vaches d’une exploitation voisine, celle de Christophe Brun, est alors transformé par les Fermes du sabot « tous les jours, dès sa récolte ». 600 litres de lait sont ainsi utilisés chaque jour pour élaborer du saint-marcellin IGP.
Conduite d’élevage adaptée
La salle de traite a notamment dû évoluer. Christelle Ezingeard explique que « la salle de traite pour des chèvres est différente de celle construite pour des vaches, car les chèvres ont deux pis alors que les vaches en ont quatre ». Concrètement, plus de chèvres peuvent être traites en même temps. « En 1 h 30 environ, nous pouvons traire jusqu’à 48 chèvres. »
Elle ajoute qu’en temps normal, les animaux pâturent et changent de parcelle tous les sept à huit jours afin d’éviter que des maladies se développent. Mais cette année, les nombreuses pluies ont fait pousser l’herbe à un point tel que les chèvres n’ont pu être sorties : « La hauteur de l’herbe peut blesser les mamelles, nous devons donc être très prudents, complète l’exploitante. Nous avons commencé à faucher l’herbe le 10 juin pour que les chèvres puissent sortir dès la semaine suivante ».
En termes d’alimentation, le cheptel – composé d’alpines chamoisées, de saanens et de roves – consomme du foin et des graminées en attendant de pouvoir sortir. La dépose du foin est d’ailleurs automatisée car « il faut compter une tonne par jour, ce qui est très difficile et long lorsque c’est fait à la main ».
Pendant deux à trois jours, les chevreaux sont nourris au biberon « pour qu’ils apprennent à téter, et ils mangeront ensuite au sceau ». Du lait et de l’argile leur sont donnés, « l’argile servant à éviter les diarrhées », précise l’éleveuse. Et du maïs est également concassé et ajouté dans leurs portions.
Morgane Poulet
En immersion dans une fromagerie
A travers une visite commentée et différents ateliers, Christelle Ezingeard a ouvert les portes de sa ferme afin de montrer aux petits comme aux grands de quelle manière est fabriqué le saint-marcellin IGP.
Christelle Ezingeard a organisé divers ateliers pour expliquer au grand public le process de fabrication du saint-marcellin IGP, le 12 juin dans son exploitation, les Fermes du sabot.
Dans la peau des fromagers
La visite du 12 juin a démarré avec un atelier déguisement. Tandis que les enfants faisaient la liste des animaux présents dans une ferme, Christelle Ezingeard a habillé certains visiteurs en fromager et en inspecteur sanitaire. L’objectif était pour elle d’expliquer les contraintes vestimentaires et sanitaires des artisans-fromagers. Les fromagers ont un t-shirt, un pantalon, des bottes blanches ainsi qu’une charlotte et les vêtements sont lavés à 90 °C afin d’éliminer toutes les bactéries.
Plusieurs étapes
Pour fabriquer du fromage, il y a neuf étapes distinctes. Il faut d’abord collecter le lait qui doit être obligatoirement être issu des quatre dernières traites. Ensuite, le lait peut être transformé cru ou thermisé. Il va donc entrer en maturation. Cette étape est indispensable dans la fabrication du saint-marcellin IGP car elle permet l’acidification rapide et complète du lait. Après cela démarre la phase d’emprésurage qui doit être réalisée dans un délai minimum de deux jours après la réception du lait. Cette étape consiste à ajouter une légère dose de présure, ce qui permet le passage du stade liquide du lait à un stade solide, appelé caillé. Le caillage va durer entre 12 heures et 24 heures. L’étape suivante est le moulage qui s’effectue en moules individuels ou en blocs de moules. Lors de cette étape, le caillé est transféré depuis la bassine dans des faisselles ayant la forme du saint-marcellin. Les moules sont disposés sur une grande table permettant l’égouttage. Cette étape permet d’éliminer l’excès de petit lait et contribue à une acidification complète du fromage. Puis, le salage est réalisé au sel sec sur les deux faces du fromage. A noter que le premier salage doit être effectué au plus tard 12 heures après le moulage. Une fois ces étapes effectuées, le saint-marcellin passe au démoulage. Il est retiré du moule une fois bien formé pour être posé sur des grilles. Elles sont ensuite transportées dans une salle avec une température allant de 15 °C à 26 °C : c’est le ressuyage. Cette étape va durer 6 heures au minimum et est l’une des étapes les plus importantes, notamment dans la qualité de conservation du fromage. Ces fromages sont ensuite transportés jusqu’au séchoir. Le fromage reste plus ou moins longtemps dans cette pièce, cela dépend s’il souhaite un fromage moelleux ou plus sec. Enfin, les fromages sont affinés dans le « hâloir ». Tout au long de cette dernière phase, les fromages vont développer leur texture et tous leurs arômes.
Elodie Bouin
Le saint-marcellin en chiffres
- Cahier des charges européen
- Origines remontant au XVe siècle, fromage autrefois appelé « tomme de Saint-Marcellin » car vendu au marché de Saint-Marcellin
- 274 communes situées dans l’IGP (Isère, Savoie et Drôme)
- 130 exploitations laitières
- 16 fromageries habilitées