Élections chambre d’agriculture
“En étant fédérés, on traverse les crises”

Pierrick Horel, président du syndicat agricole de Jeunes agriculteurs lançait mercredi 4 décembre, la campagne aux élections professionnelles des chambres d’agriculture aux côtés de la FNSEA depuis Montignac-Lascaux, en Dordogne. Interview.

“En étant fédérés, on traverse les crises”
Pierrick Horel (à gauche) était aux côtés d’Arnaud Rousseau (à droite), président de la FNSEA avec lequel Jeunes agriculteurs fait liste commune aux élections professionnelles. (© Maxime Schilt)

Vous êtes président des JA depuis le 6 juin de cette année. Comment se passent ces premiers mois de mandat ?

Pierrick Horel : « Les premiers mois sont bien agités. Je savais où je mettais les pieds, j'étais secrétaire général d'Arnaud Gaillot lors de la mandature précédente. Je connaissais le contexte évidemment des mobilisations, les enjeux autour des élections des chambres d'agriculture qui arrivent et qui font l'objet du meeting ce soir. Donc je ne suis pas surpris de la quantité de travail. Néanmoins, il y a tout un contexte qu'on ne maîtrise pas, je pense au contexte politique plus singulièrement aujourd'hui, du fait qu'il y a un peu de chaleur autour de nos sujets agricoles. »

Par rapport à la campagne de Jeunes agriculteurs (JA) pour les élections de chambres d’agriculture, justement, pourquoi la lancer aux côtés de la FNSEA ? Et pourquoi le faire en Dordogne ?

P. H. : « Pour les élections professionnelles, historiquement, FNSEA et JA font liste commune pour additionner les forces des deux syndicats, la jeunesse et l'expérience, pour avoir quelque chose de cohérent et qui représente la majorité des agriculteurs sur le territoire. Nous avons choisi la Dordogne parce qu'on y est en université d'hiver, c'est un lieu de travail syndical pour les jeunes agriculteurs. Il y avait aussi le challenge d'aller dans une région où c'est compliqué, qui concentre un certain nombre d'enjeux, notamment climatiques et sur les filières. Ça faisait sens de venir faire notre lancement sur le terrain auprès des agriculteurs plutôt que depuis Paris. Ça a une connotation un peu particulière pendant les périodes de mobilisation que nous traversons, mais eu égard aussi à celles que nous avons traversées l'année dernière. »

Quels sont les enjeux de cette campagne professionnelle dans l'accompagnement des jeunes et futurs agriculteurs ?

P. H.: « Notre sujet principal pour les élections de chambres d'agriculture, c'est vraiment l'installation et la transmission des exploitations. Mais on va un petit peu plus loin parce qu’on a besoin de capter les nouveaux profils et donc l'émergence des projets des agriculteurs. On a un sujet autour de l'accompagnement des agriculteurs et des porteurs de projets avant et au moment de leur installation. On souhaite mieux les accompagner pendant leur carrière professionnelle avec un dispositif France Service Agriculture porté dans la loi d’orientation agricole (LOA), qui devrait voir le jour, on l'espère, sans trop tarder. Pour nous, les élections des chambres d'agriculture restent un moment très important. C'est la déclinaison technique de ce qu'on porte politiquement, syndicalement. On a besoin de ça pour concrétiser nos combats. Pour JA, la question de l’installation-transmission est prépondérante, surtout avec l'enjeu démographique sur ce mandat-là, on sait que plus d'un exploitant sur cinq a aujourd'hui plus de 60 ans.

L'agriculture va mal, l'avenir est incertain. Que dites-vous pour convaincre un jeune à s'installer ?

P. H. : « Aujourd'hui, en effet, on a un contexte très particulier géopolitique, climatique, sur le revenu... Ça, c'est une chose. Mais ce qu'on dit, c'est que, seul, un agriculteur est perdu. Il faut qu'il se regroupe et qu'il soit fédéré. Jeunes agriculteurs et la FNSEA, nous sommes fédérés autour de projets concrets. Pour nous, ce qui fait sens, c'est la responsabilité. On l'a vu dans nos mobilisations. Aujourd'hui, pour traverser ces difficultés qui font face au monde agricole et qui ne vont pas s'éteindre demain, ni après-demain, il faut être lucide. Nous ne pouvons pas vendre du rêve et nous n’en vendons pas. Nous affirmons juste qu'ensemble, nous pouvons traverser ça, parce qu'en étant fédérés, on traverse les crises. C'est comme ça qu'on s'en sort, pas en étant seul sur sa ferme renfermé, soumis à un contexte ravageur. La responsabilité, j'insiste, est importante, parce qu'on voit aujourd'hui un climat un peu délétère en France. Ça a un côté anxiogène pour les agriculteurs. On affirme le collectif, le commun, pour pouvoir porter nos projets ensemble. »

Vous êtes éleveur bovin, c'est une filière qui est en pleine crise. Quelles sont les priorités face à cette situation ?

P. H. : « En effet concernant la filière bovine, que je connais particulièrement étant moi-même producteur de viande, les sujets sont très brûlants. Il y en a deux pour moi. Il y a évidemment le sujet sanitaire, avec les mesures qui ont été annoncées au Sommet de l'élevage à Cournon, mais qui n'ont pas encore vu le jour, au moment où on se parle [4 décembre NDLR]. C'est problématique, parce que ce sont des annonces concrètes, mais qui ne sont pas perçues par les agriculteurs. Les indemnités de pertes directes et indirectes annoncées ne sont pas versées sur les comptes en banque. C'est le sujet principal à traiter d'urgence. Et puis le deuxième dossier, mais qui est récurrent maintenant, c'est celui du revenu pour les agriculteurs, et notamment les éleveurs, avec tout le sujet d’Égalim, l'amélioration des contrôles et leur multiplicité, une meilleure appréhension de la philosophie de la loi par l'ensemble de la filière des agriculteurs aux distributeurs, en passant par les transformateurs et les négociants. C'est ainsi qu'on ramènera du revenu aux agriculteurs sur le territoire, et pas autrement. »

Le 18 novembre, vous avez allumé les feux de la colère partout en France. D’autres manifestations sont-elles prévues ? Les autres syndicats seront-ils présents à vos côtés ?

P. H. : « Depuis le 18 novembre, la mobilisation a en effet repris et se poursuivra notamment pour défendre le revenu des agriculteurs. Nous devons, en effet, concrétiser nos annonces et les avancées obtenues. On a aussi besoin d'aller voir la grande distribution, les industriels, tout ce qui gravite autour de nos produits. Mais alors qu’arrivent les fêtes de fin d'année, nous ne voulons pas embêter les Français. On ne veut pas du gaspillage alimentaire, on ne veut pas du spectacle. Ce qu'on veut, c'est du revenu. Et on veut le dire de manière explicite, comme on sait faire, avec du stickage sur l'origine, du contrôle de prix... Après ça, on marquera évidemment une pause pour que tout le monde puisse passer de belles fêtes, malgré le contexte un peu compliqué. En ce qui concerne la question des autres syndicats, aujourd'hui, ils font leur mobilisation. S'ils veulent pousser dans le même sens que nous, c'est tant mieux. Mais dans les modalités d'action, on a une vraie différence et on veut la conserver. »

Propos recueillis par Maxime Schilt