ALIMENTATION
Des négociations commerciales toujours compliquées

Alors que les négociations commerciales entre centrales d’achat de la grande distribution et fournisseurs se sont terminées le 1er mars, les professionnels de l’agroalimentaire sont mécontents. Ils déplorent des demandes de hausses tarifaires non prises en compte, des négociations tendues et des résultats qui fragilisent les PME et ETI.

Des négociations commerciales toujours compliquées
Année après année, les négociations commerciales entre centrales d’achat de la grande distribution et les fournisseurs se passent toujours aussi mal. ©Fotolia

Année après année, les négociations commerciales se passent toujours aussi mal, entraînant un flot de récriminations et de déceptions, surtout de la part des fournisseurs de l’agroalimentaire. Les « hostilités » ont débuté dès les derniers jours précédant la date officielle du 1er mars, date à laquelle tous les contrats doivent être théoriquement signés. « On n’a que 10 % de signatures d’accords, car ça se passe mal », a regretté le 27 février Nicolas Facon, patron de l’Ilec (grandes marques de l’agroalimentaire). « Ce qui coince, c’est la distribution qui demande des baisses de prix de manière complètement inconsidérée par rapport à la réalité économique des entreprises », a-t-il affirmé. La FCD (distributeurs) a été la première organisation professionnelle à se manifester après la date butoir pour signer, dès le 2 mars, se montrant plutôt positive. Elle affirme avoir obtenu en moyenne une « quasi-stabilité » des tarifs auxquels les distributeurs achèteront une grande partie de ce qui garnira leurs rayons en 2025. « Les négociations sont finies », a affirmé la déléguée générale de la fédération Layla Rahhou dans un communiqué. « L’atterrissage montre une quasi-stabilité qui sera bénéfique aux consommateurs après les années d’inflation que nous avons connues », assure-t-elle. Selon cette dernière, « tout est signé à quelques rares exceptions près », même si « les grandes multinationales ont joué la montre dans ces négociations ».

Loin des 100 % de signatures

Des affirmations qui ont fait bondir les représentant de l’agroalimentaire. Le PDG de l’Ilec, Nicolas Facon, a indiqué au contraire, le 3 mars, que « tout le monde n’a pas signé ». Estimant qu’il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet – qui sera fait par le médiateur des relations commerciales –, Nicolas Facon a toutefois recueilli des éléments auprès de la moitié de ses 110 adhérents. Selon ces premières remontées, environ deux tiers des adhérents ont conclu et signé des accords, tandis qu’un tiers a obtenu des accords partiels ou pas du tout obtenu d’accord. La Feef, de son côté, reconnaît que les PME et ETI alimentaires qu’elle représente ont toutes signé des accords avec les distributeurs, sans pour autant se montrer satisfaite. « Les accords passés ne sont pas satisfaisants », déclare Léonard Prunier, président de la Feef. Et de constater que 33 % des PME et ETI adhérentes sont déficitaires et que « nos sociétés s’enfoncent dans la crise ». Selon Pact’Alim, le bilan est « plus qu’inquiétant et les tendances observées lors des précédents cycles de négociation annuelle se confirment et s’aggravent ». Pact’Alim a mené un sondage auprès de ses adhérents dont il ressort qu’un quart des entreprises (24 %) n’ont pas conclu l’ensemble de leurs accords avant la date butoir du 1er mars. À l’issue des négociations, près d’un répondant sur deux (48 %) a subi une déflation sur son prix. Et parmi ceux qui sont parvenus à obtenir des hausses, celles-ci ne couvrent pas l’augmentation de leurs coûts de production. Les adhérents de Pact’Alim ont subi des « menaces de déréférencement : fréquentes à systématiques dans 81 % des cas, des exigences d’avantages sans contreparties (présentes dans 72 % des cas) et des pressions pour des alignements tarifaires forcés (observées dans 65 % des négociations). »

Réforme urgente des lois Egalim

Face à ce bilan peu satisfaisant, l’agroalimentaire formule des revendications. Pact’Alim demande qu’un nouveau comité de suivi des négociations commerciales puisse se tenir. Mais c’est à la loi Egalim, dont une nouvelle mouture (Egalim 4) est en préparation, que font référence les organisations professionnelles. Pact’Alim demande « de toute urgence » que les lois Egalim soient réformées afin que des mesures d’ajustement soient prises pour garantir un cadre de négociation équilibré. Pour Jérôme Foucault, son président, il faut « changer en profondeur la manière dont se passent les négociations » afin que les PME et ETI de l’alimentation ne subissent plus « des négociations déséquilibrées qui mettent en péril leur compétitivité, leur capacité d’investissements. » Une demande formulée aussi par l’Ania (industriels) qui a demandé aux distributeurs de « commencer à appliquer la loi Egalim dans les négociations » et de « stopper son contournement via l’utilisation (des) centrales d’achat internationales ». Pact’Alim indique, selon un sondage à ses adhérents, que dans 59 % des accords conclus, les hausses des matières premières agricoles ne sont pas couvertes, contre 42 % en 2024, et ce taux grimpe à 80 % pour les matières premières industrielles (contre 73 % en 2024). Une affirmation contestée par la FCD qui assure que les « distributeurs respectent la sanctuarisation de la matière première agricole, comme l’exige la loi Egalim ». Le gouvernement prévoit de légiférer prochainement à l’aide de deux textes. Le premier, une proposition de loi portée par le député Stéphane Travert, visera à prolonger le relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10), instauré par une expérimentation qui s’achèvera le 15 avril. Attendu pour l’été (Egalim 4), le second texte réformera plus largement les relations commerciales.

C.B