Collectif
L'économie sociale et solidaire, au cœur des territoires

Isabelle Brenguier
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L’économie sociale et solidaire étaient au cœur de la journée de rencontre organisée par la Fédération départementale des Cuma de l’Isère le 2 mai à Thodure.

L'économie sociale et solidaire, au cœur des territoires
Philippe Martinot, secrétaire général de la Fédération nationale des Cuma, et Maxime Baduel, délégué ministériel à l'Economie sociale et solidaire (ESS), sont venus à la rencontre des Cuma iséroises pour parler économie solidaire, notamment avec Aymeric Barbier, le président de la Fédération départementale de l'Isère.

Elles sont connues pour leur vocation de partage de matériel. Mais ce n’est qu’un pan des multiples actions mises en œuvre au quotidien par les Cuma(1).

La journée organisée par la Fédération départementale des Cuma de l’Isère le 2 mai à Thodure, en présence de Maxime Baduel, délégué ministériel à l'Economie sociale et solidaire (ESS), et Philippe Martinot, secrétaire général de la Fédération nationale des Cuma, a été l’occasion de rappeler leurs fondamentaux et d’évoquer la transversalité de leurs interventions pour les territoires.

Projet politique

« La solidarité, l’humanisme, la créativité, sont les valeurs qui irriguent l’ensemble de l’économie sociale et solidaire. Nous les Cuma, n’appartenons pas au champ de l’ESS par nos seuls statuts. Nous en faisons partie par notre projet politique et surtout par nos actes », affirme Philippe Martinot.

« L’entraide agricole, la possibilité offerte aux exploitants de ne plus posséder de matériel agricole en leur nom propre grâce aux Cuma intégrales, la production d’énergie, le rôle de ces structures en matière d’installation, leurs partenaiats vertueux avec d’autres acteurs de l’ESS, l’engagement en faveur de la transition écologique…, sont autant de domaines dans lesquels les Cuma sont investies », poursuit le responsable.

Conduite stratégique de projets

L’énumération fait état des actions menées au niveau national, mais celles mises en œuvre au niveau isérois par Aymeric Barbier, le président de la Fédération départementale des Cuma de l’Isère, par Didier Veyron et Raphaël Gaillard, responsables des Cuma de Thodure et du Piedmont, ont mis en avant les mêmes réalités et les mêmes aspirations.
« Nos Cuma doivent être au plus près des besoins de nos adhérents. Nous devons les faire venir dans nos fédérations et leur donner les raisons d’y rester », assure Aymeric Barbier, évoquant l’épineuse question de l’engagement et du renouvellement des bénévoles.
C’est pourquoi l’instance départementale se tient à la disposition des structures locales pour les accompagner dans les domaines administratifs, juridiques et organisationnels, mais aussi dans la conduite stratégique de leurs projets, qu’il s’agisse de l’achat d’un tracteur ou d’un autre matériel, de la construction d’un bâtiment, de l’embauche de salariés, d’une nouvelle réflexion(2).
Elle est aussi très présente pour les aider à se former et à se doter d’outils pouvant faciliter leur quotidien.
Pour Aymeric Barbier, « l’humain est au cœur du projet du réseau des Cuma ».

Equilibre nutritionnel

La rencontre fut aussi l’occasion d’évoquer le nouveau partenariat créé entre la Fédération départementale des Cuma et la Banque alimentaire de l’Isère, dans le cadre du programme national « Mieux manger pour tous ».

Tout juste mis en œuvre, il vise à mettre en relation des producteurs de fruits et légumes isérois avec l’association, qui recherche chaque semaine plus de 10 tonnes de denrées, soit 5 000 tonnes par an.
« Il y a d’un côté des agriculteurs qui ont des produits, qui parfois ne peuvent pas être vendus car considérés comme « moches » ou ne correspondant pas aux calibres exigés, qui peuvent aussi connaître des difficultés et d’un autre, notre association, qui a des besoins mais qui sait amener de la logistique, du transport, des bénévoles… J’ai voulu mettre du lien dans tout ça… Nous aurions pû nous rapprocher de centrales d’achats. Ce n’était pas notre volonté. Nous avons préféré nous rapprocher des producteurs et travailler avec eux selon des modalités d’achat ou de glanage. Car nous voulons contribuer à une juste rémunération des exploitants », explique Françoise Dessertine, présidente de la Banque alimentaire de l’Isère, qui travaille en étroit partenariat avec l’association 3ABI (Association aide alimentaire Bièvre Isère).
D’autant que le réseau d’aide alimentaire compte maintenant dans ses orientations, en plus de la lutte contre la précarité alimentaire, la nécessité de préserver et d’améliorer l’équilibre nutritionnel de ses bénéficiaires.
« En deux ans, la précarité et la paupérisation se sont considérablement accrus et nous voyons arriver des populations que nous ne voyions pas auparavant : des salariés qui n’arrivent pas à nourrir leurs enfants, des femmes seules, des retraités… Dans ces situations, l’équilibre nutritionnel n’est pas une question de vocable, mais une question de santé. C’est donc pour composer des colis constitués de produits frais et diversifiés qui permettront aux bénéficiaires de se nourrir sainement et d’éviter de souffrir de pathologies telles l’obésité ou le diabète, que nous cherchons à nous approvisionner en produits locaux de qualité », souligne la bénévole, qui s’est rapprochée des Cuma, autant parce qu’elles disposent d’un solide maillage territorial, que parce qu’elles partagent les mêmes valeurs de solidarité.
La volonté de la dirigeante est de réussir le partenariat lancé en Isère, mais aussi de faire en sorte qu’ils soient repris dans d’autres territoires.

Cohésion sociale

Maxime Baduel est venu en Isère pour écouter les initiatives mises en œuvre par le réseau des Cuma, pour savoir sur quels leviers agir pour « lever des freins ou sortir de situations ubuesques ». Il a aussi pour ambition de faire remonter « au minimum à Bercy et à maxima au gouvernement » les demandes des agriculteurs, notamment dans le cadre de la future loi d’orientation agricole et de futurs décrets.
Selon lui, « l’action des Cuma qui fait preuve d’innovation dans ses pratiques, qui est au cœur du « travailler ensemble », qui participe à la transition sociale et écologique, est significative de l’Economie sociale et solidaire. J’ai été impressionné par tout ce que les Cuma sont capables de faire, qu’il s’agisse d’animation, de mise en réseau, d’accompagnement, de formation. Cela va bien au-delà de la mutualisation des matériels agricoles. La solidarité, valeur forte de l’ESS, très présente aussi dans le quotidien de ces structures, participe à la cohésion sociale des territoires, contribue au renouvellement des générations, à l’entraide… Sans vouloir faire de grand débat, c’est ce qui fait qu’on fait société », assure-t-il.

(1)Coopérative d'utilisation de matériels agricoles.

(2)Unique dispositif de l’Etat à destination des Cuma, le Dina (Dispositif national d’accompagnement des projets et des initiatives des Cuma) est une procédure qui permet de financer un accompagnement stratégique. Etat des lieux de la Cuma (gouvernance, situation économique et financière, organisation des chantiers, charges de mécanisation, etc), et proposition d’un plan d’actions sont au programme.

Isabelle Brenguier
Le matériel au service de l’environnement
Didier Veyron est l'un des adhérents et responsables de la Cuma de Thodure.

Le matériel au service de l’environnement

Créées de longue date, les Cuma de Thodure et du Piedmont multiplient les projets pour répondre aux besoins de leurs adhérents.

Les Cuma de Thodure et du Piedmont sont des structures importantes pour les territoires dans lesquelles elles sont implantées, la Bièvre et le Sud-Grésivaudan. Créées, il y a une quarantaine d’années, composées d’une vingtaine d’exploitations adhérentes pour l’une et de 70 pour l’autre, elles permettent aux agriculteurs d’avoir accès à un parc de matériels classique pour des exploitations de polyculture-élevage, fréquemment renouvelé, mais aussi à des outils plus spécifiques, innovants, notamment en matière de précision de travail, d’application, d’adaptation aux normes environnementales.

Selon Didier Veyron, adhérent à la Cuma de Thodure, « la structure a contribué à l’installation de plusieurs agriculteurs et a permis de maintenir un nombre important d’exploitations dans la commune. Elle porte une dynamique de groupe dans le secteur et nous permet d’exister encore dans des fermes de taille relativement modestes, plus facilement transmissibles ». Tournés vers l’avenir, préoccupés par le changement climatique et la rentabilité de leurs structures, ils ont fait labelliser leur Cuma GIEE (Groupement d'intérêt économique et environnemental) en septembre 2023, pour mettre en place de nouvelles pratiques en matière de travail et de vie du sol, d’implantation de couverts végétaux.

Du côté de la Cuma du Piedmont, après l’achat dernièrement d’un semoir de semis direct, permis par le soutien de la Communauté de communes Saint-Marcellin-Vercors-Isère, c’est le projet de construction d’un nouveau bâtiment qui les anime. « Equipé de panneaux photovoltaïques, il servirait au stockage du matériel, et permettrait aux salariés de travailler dans de meilleures conditions », avancent Raphaël Gaillard et Cédric Giroud, les responsables.

IB

Les Cuma en chiffres

En France :
- 10 000 Cuma
55 fédérations
195 000 adhérents
près d’un agriculteur sur deux adhère à une Cuma

En Isère :
- 113 Cuma
- 39 000 euros de chiffres d’affaires
- 25 exploitations adhérentes en moyenne, une majorité sont composées de fermes de polyculture-élevage, il y a aussi des Cuma nucicoles et d’autres orientées vers l’irrigation
- Le département compte deux Cuma départementales : une dédiée au bois-énergie et une autre au compost