Ruralité
Les villages prennent leur avenir en main

Isabelle Doucet
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Le programme Villages d’avenir permet aux bourgs ruraux de répondre aux besoins concrets de leur population. De nombreux projets émergent en Isère.

 

Les villages prennent leur avenir en main
La halle d'Entre-deux-Guiers a bénéficié de l'accompagnement en ingénierie du CAUE. Photo : ID TD

« Nous ne faisons pas le poids, mais nous faisons le nombre. » Pierre Baffert, maire d’Entre-deux-Guiers, a été l’un des premiers à recevoir dans sa commune, fin novembre, Catherine Seguin, préfète de l’Isère.

L’objectif était de revenir sur le dispositif Villages d’avenir, un accompagnement en ingénierie de l’ANCT (1) pour favoriser l’émergence de projets. 26 communes de l’Isère ont été éligibles à ce programme.

Les villages ruraux représentent 80 % des communes et 33 % de la population. « Ils font la richesse des territoires et relèvent plusieurs défis car leurs habitants ont les mêmes besoins et les mêmes droits pour accéder aux services publics », a déclaré Catherine Seguin. Elle souligne combien dans ces communes rurales, « proximité et développement doivent être compatibles ».

13 projets sont déjà sur les rails dans le département, sur des thématiques structurantes pour ces petites collectivités de moins de 3 500 habitants : mobilités douces, développement touristique, équipements publics culturels et sportifs etc.

Une ouverture sur la rivière

À Entre-deux-Guiers, en présence de nombreux maires ruraux, il a surtout été question de convivialité et d’habitats pour les séniors. C’est le cas de la réalisation de la halle dans le centre de ce village de près de 2 000 habitants que le Guiers sépare des Échelles, commune savoyarde voisine.

« C’est une pièce maîtresse du programme rives du Guiers », explique le maire. La réalisation complète celle des chantiers déjà engagés en Savoie depuis 2015 qui avaient permis d’ouvrir sur les rives de la rivière. Objectif : « reconnecter les deux centres ruraux, créer des espaces publics accessibles et des espaces récréatifs, comme le belvédère sur le Guiers », poursuit Pierre Baffert.

Il se réjouit de la transformation « d’une verrue environnementale en espace convivial ». Car l’ancien bâtiment qui masquait la vue sur l’eau a été détruit et ses pierres réemployées pour construire la halle, érigée en bois de Chartreuse et se parant d’éclairages vert et jaune, comme par hasard.

Le montant du chantier s’élève à 1,4 million d’euro subventionné à hauteur de 30 % (État, Département, Région). Pour le réaliser, la commune d’Entre-deux-Guiers a bénéficié du soutien du CAUE (2), ainsi que d’un bureau d’études et d’un cabinet d’architecture lyonnais. L’ensemble a été inauguré en 2022.

Concertation avec les habitants et les commerçants

La rénovation de la halle, fait partie d’un tout, celui de la redynamisation du centre-bourg.

La dernière épicerie a été rachetée par la commune grâce au plan de relance de l’ANCT de soutien aux commerces en milieu rural. « Nous sommes partis de 50 000 euros de travaux pour arriver à un montant de 350 000 euros car le bâtiment était plus endommagé que prévu. Il nous a fallu parvenir à boucler le budget », soupire le maire.
La volonté de l’équipe municipale était de retrouver un centre de village suffisamment animé, renforcé par la tenue d’un marché sous la halle le vendredi soir, pour ne pas subir une concurrence commerciale qui s’établirait à l’extérieur du village.

« La place centrale est une rue. Il s’agissait de permettre aux véhicules de circuler et de garder les piétons prioritaires », reprend une technicienne du CAUE. Le conseil a mené une réflexion « au-delà de la halle avec un regard à plus grande échelle ».

La rue centrale d'Entre-deux-Guiers. Photo : ID TD

La concertation s’est faite avec les habitants et les commerçants, une condition essentielle lorsqu’il s’agit de toucher au centre-ville. Le compromis a abouti sur une requalification de la rue centrale où la circulation se fait par alternat (et non pas en sens unique), avec des stationnements de proximité.

« Il semblerait que nous ayons réussi. Grâce au consensus, nous avons évité les problèmes », insiste le maire. La prochaine étape concerne la consolidation de l’habitat central dans le cadre d’une opération de revitalisation territoriale (3).

Autour des lacs

À l’image de la requalification du centre du village d’Entre-deux-Guiers, le programme Villages d’avenir répond à des besoins concrets en les inscrivant dans une trajectoire dynamique.
En Isère, deux grappes de communes concernées sont plus particulièrement regroupées autour des lacs de Paladru et du Monteynard.

Ce sont par exemple cinq communes qui portent des projets de rénovation énergétique et de développement de mobilités douces avec la création de pistes cyclables dans le sud du département.

Mais aussi dans les Chambaran, la commune de Roybon qui s’engage dans la réhabilitation de son Ehpad, la revalorisation de sa base de loisir et transformation de la salle des fêtes, ou encore Poliénas, dans le Sud-Grésivaudan, qui projette la rénovation de son centre-bourg et la réhabilitation thermique de ses logements communaux.

Isabelle Doucet

(1) ANCT : Agence nationale de la cohésion des territoires
(2) CAUE : Conseil Architecture Urbanisme Environnement, service public et intérêt général. Le CAUE aide tous les maîtres d’ouvrage et encourage la qualité de l’architecture, de l’urbanisme et des paysages.
(3) ORT : L’ORT vise une requalification d’ensemble d’un centre-ville dont elle facilite la rénovation du parc de logements, de locaux commerciaux et artisanaux.


Les maires ruraux, lors de la rencontre à Entre-deux-Guiers. Photo : ID TD

Répondre au vieillissement de la population
Le maire de Faramans, Gilles Bourdat (au micro), présente le projet de résidence sénior de sa commune à Catherine Seguin, préfète de l'Isère (en rouge). Photo : ID TD

Répondre au vieillissement de la population

Les projets de résidence pour les séniors répondent à des enjeux sociétaux. Mais les communes ont besoin d’un accompagnement en ingénierie pour définir les besoins de la population.

Village agricole, « mais pas seulement », insiste le maire de Faramans, Gilles Bourdat. Ce village de 1 300 âmes, niché entre La Côte-Saint-André et Beaurepaire, a su conserver son attractivité en gardant ses commerces et en développant un pôle touristique. Une résidence pour personnes âgées va bientôt y ouvrir ses portes.

En 2014, la commune reçoit en don une parcelle non constructible assortie du souhait de la donataire d’y voir ériger une résidence pour personnes âgées dans les 10 ans. Au moment de la révision du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), en 2016, la commune engage alors une requête d’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) pour construire une résidence sénior, après avoir acquis des parcelles attenantes et constructibles.

Les besoins dans le secteur sont immenses et corroborent le diagnostic effectué par le Département de la nécessité de construire un à deux établissements dans le secteur des Chambaran et de la Bièvre. La commune bénéficie alors de l’ingénierie (gratuite) de la cellule logement du Département.

« Nous avons reçu beaucoup d’aménageurs et finalement, nous avons travaillé avec une société locale, explique le maire. Nous n’avions pas intérêt à nous tromper car nous accueillons des gens locaux ! » L’OAP confirmait la volonté du conseil municipal d’accueillir plusieurs publics.

Une grande famille

La Maison de Blandine, qui ouvrira ses portes sous peu, est un ensemble de trois maisons de 20 appartements chacune, pour des séniors seuls ou en couple, ainsi que deux appartements en colocation pour des actifs. Il s’agit d’un habitat partagé et non d’un Ehpad (1).

Le but était de « recréer une grande famille », décrit le maire, avec des petits lieux de vie, un accompagnement personnalisé, une présence 24h/24, des jardins, des salles communes. La liste des personnes intéressées est déjà longue. « Elles souffrent surtout d’isolement dans les grands corps de ferme du secteur », souligne Gilles Bourdat.
Le projet de la Maison de Blandine a été conduit sur des fonds privés.

Aurélie Poinard, de la cellule logement du Département, délivre quelques conseils pour les collectivités désireuses de s’engager dans un tel projet. « Il faut faire les choix dans le bon ordre, avoir une analyse fine et poussée pour que le produit soit en adéquation avec les besoins. Les projets neufs ne répondent pas seuls au vieillissement de la population. » L’adaptation des logements existants est aussi à prendre en compte.

« Un projet réussi est déterminé par sa qualité et la localisation du foncier, en centre-bourg ou à proximité de commerces », poursuit la conseillère. La cellule a déjà accompagné une centaine de communes en Isère.
ÌD

(1) Ehpad : Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes