Au cours de leur assemblée générale, tenue à Val-de-Virieu le 8 mars, les Jeunes agriculteurs de l’Isère sont revenus ensemble sur l’importance de l’engagement en agriculture.
Alors que le mois de janvier a été mouvementé pour les agriculteurs, qui, sous l’impulsion des syndicats, se sont mobilisés pour faire entendre leurs revendications, les Jeunes agriculteurs (JA) de l’Isère ont souhaité revenir sur la portée de l’engagement syndical dans le monde agricole.
Lors de leur assemblée générale, qui s’est déroulée à Val-de-Virieu le 8 mars, une table ronde a été organisée sur le sujet. Ont ainsi pu parler de leur expérience Sébastien Poncet, ancien président des JA de l’Isère, François Chamot, ancien président des JA de Haute-Savoie et désormais secrétaire général de la FDSEA des Savoie, Guillaume Joux, vice-président des JA Auvergne-Rhône-Alpes et Arnaud Gaillot, président national des JA.
Engagement à différents niveaux
« L’engagement syndical se fait à plusieurs », relève Aurélien Clavel, secrétaire général de la FDSEA de l’Isère, qui animait la table ronde. Car il ne faudrait pas que le travail dans un syndicat se fasse au détriment de l’activité de son exploitation ou de sa vie de famille.
« Je suis chez JA depuis 2012, explique Arnaud Gaillot, j’ai commencé dans le Doubs et suis entré au national en 2018, puis devenu président en 2022. Mon engagement syndical est né de mon éducation et je l’ai toujours partagé avec mon associé, et ce avant chaque mandat pour que nous nous mettions d’accord. Il est vrai que la maison arrive après la ferme, ce qui est aussi difficile à gérer ».
Il rappelle que s’engager est avant tout une histoire d’organisation. « Tout ce qui peut être planifié à l’avance doit l’être. » D’autant plus qu’en tant que président national, son statut lui demande d’être présent à Paris trois jours par semaine et d’être disponible au téléphone un jour par semaine. « Heureusement, le service de remplacement nous aide afin que nous ayons toujours un salarié à disposition et nous avons même embauchée une salariée à temps plein », précise-t-il. Une aide qu’il salue, car « ce serait la plus grande erreur pour la profession agricole que plus personne ne s’engage dans les syndicats. Il ne faut pas oublier qu’un passage chez les Jeunes agriculteurs est très formateur ».
Et pour le syndicat, l’engagement dans les communes est également primordial « pour que l’agriculture n’en soit pas chassée », remarque François Chamot.
Échange de connaissances
Le syndicalisme constitue aussi pour eux une source de partage de savoir-faire et de connaissances. Pour Sébastien Poncet, l’engagement au sein des Jeunes agriculteurs lui a apporté une certaine « ouverture d’esprit » en raison des multiples rencontres : avec les organisations professionnelles agricoles (OPA) ou encore au cours des multiples événements nationaux organisés dans l’année. « Lorsque l’on adhère aux JA, on a la possibilité de se connaître, de rencontrer des agriculteurs qui ne sont pas dans le même territoire que nous et n’ont donc pas les mêmes problèmes, nous échangeons sur nos façons de faire et nous créons des liens, c’est important », ajoute-t-il.
Pour François Chamot, tous les échanges qui donnent lieu à des partages d’idées doivent être « repris partout en France » pour faire évoluer l’agriculture. S’imprégner d’un système mis en place dans une région très différente peut s’avérer bénéfique. « Et même si tout n’est pas facile, lorsqu’il y a des creux, il faut apprendre à remonter la pente, réussir à se remotiver et à remotiver les autres, lancer une nouvelle dynamique, car malgré des moments de doute, il y a de belles réussites ». Et en Haute-Savoie, le syndicat a une place particulière : « Il s’agit du premier animateur rural, avec cinquante événements organisés toute l’année, ce qui nous permet de placer l’agriculture au centre du grand public et du consommateur ».
Faire évoluer le métier d’agriculteur
« Chez JA, nous essayons avant tout de faire progresser un métier dans son ensemble », relève François Chamot. Selon lui, l’engagement prend avant tout la mesure « de ce que vous souhaitez lui donner ». C’est pourquoi il s’est avant tout attaqué « aux problèmes d’installation » dès le début de son mandat.
« Il s’agit de défendre notre métier, notre revenu, nos conditions de travail », complète Guillaume Joux. Il rapporte que la société changeant beaucoup, notamment en ce qui concerne une conscience collective moins forte qu’auparavant et des attentes différentes, « on peut rester seul mais cela apportera moins au métier qu’en étant plusieurs ».
Pour Arnaud Gaillot, « l’agriculture ne fait pas fi de ce qui se passe ailleurs dans la société ». S’il y a effectivement une diminution de l’intérêt collectif, en agriculture comme ailleurs, « il se pourrait qu’à l’avenir, on s’engage par intérêt personnel, mais cela ne fonctionnerait pas ». Pour lui, il est nécessaire de réagir en amont et d’expliquer aux jeunes à quoi sert un syndicat. Et ce dès le lycée. « Il pourrait être bien d’emmener les jeunes partout en France pour qu’ils puissent voir ce qui est fait ailleurs, comment et pourquoi », ajoute-t-il. Car le rôle du syndicat est avant tout de réussir à communiquer avec ces jeunes sur ce qui existe.
« Les JA défendent des intérêts et concrétisent des faits, des essais, remarque-t-il. Bien sûr que l’on peut changer les choses ; il est trop facile de rester dans son coin et de dire que tout est de la faute des autres ».
Morgane Poulet
Le point national
Arnaud Gaillot, président Jeunes agriculteurs France, estime que plus de compétences devraient être accordées aux départements. Il ajoute que « beaucoup d’agitation a eu lieu avant et pendant le Salon international de l’agriculture, mais il faut que les Jeunes agriculteurs conservent leurs valeurs. Il y a de la place pour tout le monde, chacun a le droit de porter ses idées, mais il ne faut pas s’en prendre aux autres ».
Pour lui, il faut également garder en tête le fait qu’il faille penser à passer par des acteurs économiques, dans le sens où « notre travail est de produire pour un marché, nous devons nous y adapter ».
Enfin, il explique qu’il est nécessaire de « féminiser le monde agricole. On dit souvent que derrière chaque grand homme, il y a une femme, et c’est vrai, elles font beaucoup et il est nécessaire de leur accorder de la place. Partager des visions différentes est très important pour avancer et faire évoluer les choses ».
MP
Le point régional
Selon Guillaume Joux, vice-président JA Aura, « l’année 2023 a marqué une grande baisse des installations : elles sont environ 560 alors que nous aurions aimé qu’elles soient 1000 au minimum ». Mais il rappelle que la région Auvergne-Rhône-Alpes « soutient le monde agricole », notamment par le biais de la Dotation jeune agriculteur (DJA), très élevée. Elle est comprise entre 30 000 et 40 000 euros par personne et peut s’élever jusqu’à 58 000 euros en fonction des investissements pris et des zones concernées.
« Les revenus sont aussi un point fort pour les JA, ajoute-t-il. Nous devons être payés aux coûts de production au minimum, voire au-dessus ».
En ce qui concerne l’eau, Guillaume Joux explique qu’il s’agit d’un « sujet contraignant ». Si certains territoires sont plutôt bien alimentés en eau, notamment dans les zones montagneuses – en raison de la fonte des neiges, notamment, le vice-président constate que « tout ce qui file dans les rivières et les ruisseaux pourrait être capté grâce à des retenues, et il faut que des jeunes portent ces projets ».
Les élections européennes constitueront en cela un moment important pour les agriculteurs, qui devront « porter la bonne parole » et se faire entendre.
MP
Le point départemental
Jordan Desimone, co-président sortant des Jeunes agriculteurs de l’Isère, constate que « les exploitations iséroises ont rarement été confrontées à une crise générale aussi importante », d’où la nécessité pour le syndicat de « maintenir le lien entre l’administration et les agriculteurs ».
Et de rappeler que les JA38 souhaitent une lisibilité de l’avenir, du revenu, des transmissions plus importantes grâce à la nouvelle Dotation jeune agriculteur (DJA) et une simplification administrative.
« Je garde espoir pour l’agriculture iséroise et l’installation dans le département. A nous tous, nous pouvons faire évoluer l’agriculture et elle pourra s’adapter et relever les défis de demain », précise-t-il.