La filière blé dur rappelle à l’État ses promesses de l’an dernier, sous peine de voir la poursuite de sa décroissance. Des projets ont été initiés, mais ils sont désormais menacés. Les assolements français ainsi que la production sont en recul depuis des années, et s’approchent d’un seuil critique.
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La journée blé dur organisée par Arvalis, le 6 février à Aix-en-Provence, a été l’occasion pour Benoît Piètrement, président d’Intercéréales, d’alerter sur « la forte mobilisation de notre filière pour une concrétisation urgente du soutien des pouvoirs publics ». L’agriculteur fait notamment référence aux 11 millions d’euros (M€) que l’État a promis lors de la signature du Plan de souveraineté blé dur au Salon de l’agriculture en février 2024. Ce plan vise à stopper la baisse nationale des surfaces qui dure depuis des années. Pour rappel, ce plan, étalé sur la période 2024-2028, est doté d’un budget total de 43 M€, incluant ces 11 M€ de soutien public. Il repose sur trois piliers : la sécurisation des débouchés et de la production (via notamment les assurances), la décarbonation et la génétique.
Pas de fonds, pas de projet
La filière craint pour la pérennité des projets qu’elle a développé dès juin 2024 dans le cadre de l’application du plan et qui dépendent des fonds étatiques. Des investissements massifs ont été entrepris par les opérateurs. « Nous avons déjà semé nos plateformes, tout comme les semenciers, afin de trouver de nouvelles solutions agronomiques et génétiques, et de ne pas perdre une année supplémentaire », pointe Matthieu Killmayer, animateur de la filière blé dur d’Arvalis. Mais pour l’instant, l’aide publique n’est toujours pas arrivée. « Du fait de l’instabilité gouvernementale, les délais de réponse sont excessivement longs », déplore-t-il. Or, sans les fonds complémentaires de l’État, « ces projets ambitieux seront abandonnés. Les acteurs sont pourtant motivés et parties prenantes, de l’amont à l’aval », prévient-il. La situation est urgente, car les professionnels ne parviennent pas à enrayer la décroissance de l’activité. Cette année, la sole hexagonale de blé dur est une fois de plus attendue en recul par rapport à l’an dernier, de 5 %, à seulement 227 000 ha, selon Arvalis. En 2010, le blé dur occupait 505 000 ha du territoire hexagonal, rappelle Arvalis. Depuis 2016, la sole a presque continuellement diminué par la suite.
La filière en plein cercle vicieux
La baisse de production réduit l’intérêt des clients locaux et à l’export qui vont s’approvisionner ailleurs. Par la suite, le repli des volumes n’incite pas les semenciers à trouver de nouvelles solutions. Enfin, le manque de semences et de débouchés démotive les producteurs à produire. C’est un peu ce que l’on constate pour l’instant, regrettent les professionnels du secteur. « Il faut dès maintenant réenclencher un nouveau cycle vertueux, afin de préparer les semis 2025 (récolte 2026) », commente Matthieu Killmayer. Les 11 M€ de l’État ne suffiront toutefois probablement pas pour réellement relever la production hexagonale de blé dur. Car la filière a identifié ce qui motive le plus l’agriculteur, c’est la rentabilité. Or, cette dernière est mise à mal. L’offre française souffre d’une forte concurrence internationale (Canada, Turquie, etc.), pesant sur les prix payés aux producteurs. Et les charges progressent. Par conséquent, les représentants du secteur travaillent sur d’autres potentiels remèdes à adopter par les autorités lors de la prochaine Pac. Parmi eux : le relèvement des aides couplées. « Cela peut-être une solution », s’est d’ailleurs exprimé Philippe Heusèle, secrétaire général de l’AGPB. Toutefois, il reste à déterminer les modalités de son application, incluant un niveau précis. « À une époque, elles atteignaient aux alentours des 300 €/ha, contre 60-80 €/ha aujourd’hui », rappelle Matthieu Killmayer.