Transmission
« Tout le monde a adhéré au projet »

Isabelle Doucet
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Myriam Bulloz et Clément Caron ont repris la ferme de Montpensier à Torchefelon. Ils sont les lauréats de la  Safer du Prix de l’excellence agricole et rurale 2024 organisé par Terre Dauphinoise et remis à la foire de Beaucroissant.

« Tout le monde a adhéré au projet »
Clément Caron, Myriam Bulloz et leurs filles, devant la ferme qu'ils ont reprise fin 2023 à Torchefelon. photo : ID TD

« Pour une transmission, il ne faut pas se louper, ni sur l’estimation, ni sur le montage financier car il y a toujours des surprises », assure Clément Caron, qui a repris, avec sa compagne Myriam Bulloz, la ferme de Montpensier à Torchefelon, transmise par Didier Villard.

Le couple et ses deux petites filles s’est établi dans cette exploitation laitière le 2 novembre 2023. Il a été accompagné dès le départ par la Safer  (1).

Il faut dire que les exploitants étaient auparavant installés dans les Bauges et avaient eu affaire à la société d’aménagement foncier pour leurs deux précédentes exploitations. « Nous devions valider la vente de notre ferme en Savoie pour connaître notre capacité d’autofinancement. La Safer a réalisé des estimations qui correspondaient à ce que nous avions envisagé et nous n’aurions pas pu conclure d’acte notarié sans elle. »

Une belle préparation

C’est une histoire familiale qui a dicté le choix des agriculteurs de quitter les Bauges pour les Terres froides.

« Quand nous avons eu Agathe, nous nous sommes aperçus que ce serait compliqué », explique Myriam Bulloz. La petite fille, née en 2022, est en effet porteuse de trisomie 21. Aussi, ses parents recherchaient une ferme proche de services de prise en charge.

Ils découvrent la ferme de Didier Villard sur le Répertoire départ installation des chambres d’agriculture (RDI). « On s’est tout de suite bien entendus », souligne Clément Caron.

« C’était la ferme de nos rêves, car il y a tout sur place, notamment le CAMSP (2) de Bourgoin-Jallieu pour Agathe. Le seul point noir, c’est l’autoroute, ajoute Myriam Bulloz. Nous avons eu de la chance d’avoir eu une belle préparation de la transmission, notamment vis-à-vis des propriétaires de terrain. Didier Villard a contribué à ce que tout se passe bien. Et puis la ferme ne pouvait pas aller sans la maison car les parties agricoles et privées sont mélangées. »

Autonomie du troupeau

La reprise de l’exploitation, tout en conservant son caractère laitier, a entraîné quelques changements. « Nous avions déjà des vaches et du matériel. Il nous fallait trouver une structure où l’on pouvait les utiliser et Didier Villard était ouvert à cela », détaille Clément Caron.

C’est ainsi que les tarines, abondances et la vosgienne ont remplacé les prim’hostein et les montbéliardes. « Nous avons fait un gros déménagement à l’automne, avec le foin, les vaches, les poules, le matériel, les meubles et les enfants ! » Car entre-temps, la famille s’était agrandie avec l’arrivée d’une autre petite fille, Constance.

L’objectif des éleveurs est de parvenir à l’autonomie alimentaire des 45 vaches laitières. La SAU de la ferme est de 65 ha dont 20 ha ont été plantés en méteil. Le reste est composé de prairies permanentes, de sorgho et de trèfle pour la pâture.

Le lait est livré à Danone (3) dans le prolongement de l’ancienne exploitation. Le but des éleveurs est de parvenir à transformer un tiers de la production annuelle qui s’élève à près de 170 000 litres par an, ce que la laiterie accepte.

À moyen terme, ils souhaitent valoriser le lait en fromages vendus en direct à la ferme : saint-marcellin, raclette et tomes. Les autres projets sont le développement du maraîchage, un atelier pris en charge par Myriam Bulloz. « Mais nous travaillons à deux, car il faut être polyvalent sur l’ensemble des tâches », insistent les exploitants.

Partager la différence

Le couple d’agriculteurs fourmille de projets, qu’ils conduisent à la hauteur de leurs capacités. Ainsi, la salle de traite, en 2x4, va être rénovée, notamment avec de nouvelles griffes et des décrochages.

« Nous ne voulons pas augmenter le troupeau, voire le diminuer en faisant de la rentabilité », envisage Clément Caron.

« Le premier projet que nous avons finalisé est la création d’une association pour Agathe. Nous faisons de petites manifestations pour soutenir les frais liés au handicap. Il fallait mettre un cadre à la générosité, indique Myriam Bulloz. Par exemple, nous organisons, une marche, des goûters autour de la ferme afin de partager la différence. »

Le petit plus de cette transmission, c’est l’accueil des gens du village aux nouveaux arrivants. « Un an avant, nous avons rencontré tous les propriétaires et tout le monde a adhéré au projet. Même les autres paysans ont été touchés par notre démarche. Et ils voient ce qu’on fait et ce que c’est l’avenir », complètent les exploitants.

La mise en place d’un marché à la ferme, tous les mardis soir, renforce cette proximité avec les habitants de Torchefelon. Ils viennent y chercher des œufs, du lait, des yaourts set quelques légumes. Il n’y a pas forcément de tout « mais les gens sont fidèles et demandeurs. Ils voient qu’il y a du potentiel et sont touchés car nous reproduisons le modèle des fermes d’avant autour de la polyculture-élevage », constate Myriam Bulloz. Si bien que le mardi soir est devenu un peu le lieu de rendez-vous du village.

Un investissement conséquent

S’ils ont été bien accompagnés dans leur projet de reprise d’exploitation, les agriculteurs mettent en avant quelques points de vigilance.

« Il ne faut pas sous-estimer les points négatifs comme l’état des clôtures ou la structure du sol en ce qui nous concerne. Reprendre la terre, c’est du travail. Il y a toujours des surcoûts, même en chiffrant au plus juste », détaille Clément Caron.

Le plan de financement a été calculé au plus serré, uniquement sur la production laitière livrée à Danone, sans transformation, ni maraîchage. Le repreneur estime que « la partie la plus importante est de faire la transmission avec le propriétaire », afin de ne pas perdre de foncier.

L’intégration à la vie du village et la connaissance des autres exploitants agricole participent aussi de la réussite de l’installation. En revanche de tels projets représentent un investissement conséquent, à hauteur de 540 000 euros pour l’achat de la ferme et des bâtiments agricoles.

« Sans autofinancement cela nous aurait été impossible, surtout en système lait. Sinon, la seule solution est d’intégrer un Gaec existant. En ce qui nous concerne, nous sommes installés depuis 20 ans et c’est notre troisième ferme. Nous avons commencé petit », expose Clément Caron.

Cette transmission-reprise a été mise en avant par la Safer, lors du Prix de l'excellence agricole et rurale, organisé par Terre Dauphinoise, à la foire de Beaucroissant.

Isabelle Doucet

(1) Safer : Société d’aménagement foncier et d’établissement rural qui permet à tout porteur de projet viable de s’installer en milieu rural.
(2) CAMPS : Centre d’action médico-sociale précoce.
(3) L’exploitation a bénéficié du Fonds Danone pour l’écosystème qui abonde un financement participatif via la plateforme Miimosa.